Aujourd’hui, 28 mars, Nucleopolis, organise aux Pieux, à deux pas de la centrale nucléaire de Flamanville, une de ces rencontres qui sont censées faire rayonner de concert industrie et recherche nucléaire au-delà des frontières normandes.

Nucleopolis est la dernière trouvaille des promoteurs du délire nucléaire en Basse-Normandie. Ce pôle normand de science nucléaire, né en septembre 2010, unit les différents acteurs du nucléaire en Basse-Normandie. L’idée est de faire de la région un pôle de compétitivité dans le domaine. S’y sont associés une cinquantaine de membres. Des entreprises du nucléaire comme AREVA ou EDF, des PME, des laboratoires de recherche comme le GANIL ou Cyceron, l’école d’ingénieurs en nucléaire de l’Ensi-Caen, des collectivités locales. Le but : « Vendre la filière nucléaire normande à l’extérieur. Nous avons le savoir-faire. Il faut le faire savoir. ».
A la tête de la « gouvernance » de cette charmante entreprise commerciale de destruction du vivant, l’ancien directeur de l’école d’ingénieurs du nucléaire de l’ENSI-Caen, Daniel Guerreau. Les premières interventions de cette officine ont surtout tenté de lier industrie et recherche. Ainsi en mai 2011, le forum Passerelles R&D organisé par MIRIADE—MIssion Régionale pour l’Innovation et l’Action de Développement Economique – avec le soutien de Nucleopolis visait à faire se rencontrer industriels et chercheurs du nucléaire. Le but du forum était déjà très clair : «  Multiplier et faire réussir les projets innovants et offensifs des entreprises et des entités de recherche et développement, de conseil et d’enseignement supérieur de Basse-Normandie. » (source : Miriade). Une poignée d’antinucléaires interrompaient alors le ronron de ces rencontres qui s’organisent en coulisse. Les laboratoires présents dans ce forum s’associaient déjà à l’entreprise libérale qui vise à renforcer la complicité entre industriels et recherche. Ils servaient à la fois de caution et de ressources pour de nouvelles innovations, pour que nucléaire et capitalisme continuent de concert de pourrir la planète et nos vies.
C’est d’ailleurs sur cet aspect recherche que Nucleopolis vend son projet aux investisseurs publics que sont notamment le Conseil régional de Basse-Normandie, Caen-la-mer et bien d’autres collectivités. Europe Ecologie s’était ainsi de son côté abstenu, à l’exception d’une de ses élu-e-s lors du vote de subvention en faveur de Nucleopolis au Conseil Régional.
La recherche nucléaire ou le nucléaire médical qui ont servi de paravent à l’implantation de Nucleopolis ne sont pourtant pas exempts de conséquences sur nos propres vies. L’extension prochaine du GANIL, accélérateur de particule expérimental, sur Caen devrait s’accompagner d’une augmentation significative des rejets radioactifs gazeux. Il a fait l’objet d’une enquête publique rondement menée à l’été 2010 en plein mois de juillet… Pourtant, le GSIEN, groupement de scientifiques indépendants loin d’être connus pour leur alarmisme craignait des effets nocifs sur la santé des populations avoisinantes.
La recherche s’oriente également vers la Surveillance et l’amélioration des matériaux pour les centrales. Ainsi, GENESIS, Groupe d’Etudes et de Nanoanalyses des EffetS d’IrradiationS, touchera quelques 14 millions d’euros pour travailler sur le vieillissement de certains matériaux des centrales ou des futurs projets comme Astrid. « L’objectif de cet Equipex (groupement d’excellence) est de doter la France d’outils de dernière génération pour la caractérisation nanostructurale des effets des irradiations dans les matériaux du nucléaire. Les recherches porteront aussi bien sur la compréhension du vieillisement des matériaux de structure des réacteurs actuels que sur la prédiction pour les futures générations de réacteurs du comportement de nouveaux matériaux, y compris céramiques. C’est dans ce dernier domaine que le CIMAP concentrera ses efforts. » ( source Genesis).

Dans le meilleur des mondes du nucléaire, on échange ainsi les derniers bons plans industriels. AREVA va ainsi soutenir TEPCO à Fukushima où les seuils admissibles pour les enfants sont relevés au niveau de ceux des travailleurs du nucléaire en France. Tandis que dans le plus grand silence, les radionucléides, du Césium 137 aux traces de Corium retrouvées dans les réacteurs qui ont subit la fusion de leur cœur, se disséminent partout, et que les premiers liquidateurs de la catastrophe ont comme par enchantement disparu des registres…
Et sur ce marché de la vie amputée, de la sécurité nucléaire à la pseudo-dépollution, nos entreprises du nucléaire, d’AREVA à Vinci en passant par Bouygues, et nos laboratoires avides de débouchées, du CEA au CERREV, se positionnent déjà. La catastrophe, qui n’arrive jamais seule mais avec son cortège d’experts, est un marché comme un autre. AREVA n’a d’ailleurs pas tardé à s’intéresser au traitement des déchets issus de Fukushima.

Contrairement à ce que sa propagande initiale laissait entendre, Nucleopolis ne se contente pas de faire rayonner le nucléaire médical, la recherche nucléaire ou la radioprotection au-delà des frontières normandes. Il n’y a bien que les écologistes de gouvernement pour être assez bêtas ou opportunistes pour croire de tels mensonges nucléocratiques.
Aujourd’hui 28 mars, Nucleopolis vient participer à la promotion d’EDF et de ces objectifs industriels en s’associant à l’opération « Grand Carénage » à l’espace culturel des Pieux. Cette opération dévoile au passage ce qu’est la culture en terre nucléaire, dans cette toute nouvelle salle « culturelle » financée indirectement par le nucléaire.
« Le Grand Carénage est une opération de maintenance nationale et décennale sur toutes les centrales nucléaires françaises. Prévu à partir de 2015, il consiste d’une part, lors des visites décennales, à remplacer les composants clés dans la perspective du fonctionnement de toutes les centrales françaises jusqu’à 60 ans, d’autre part, dans le cadre des réévaluations périodiques de sûreté, à apporter des améliorations pour renforcer la prévention et la robustesse face aux accidents graves et aux  agressions externes (séisme, inondation, etc.). Le Grand Carénage démarrera  à Paluel en 2015 (Haute Normandie) puis arrivera à Flamanville  à l’horizon 2017 Une opération d’une telle ampleur nécessite un budget de plusieurs centaines de millions d’Euros, avec des retombées certaines sur le tissu de sous-traitants local » explique Nucleopolis sur son site. Le but de l’opération publicitaire est donc bien de vendre la sûreté du parc nucléaire français et normand et d’ouvertement lier la prolifération de cette industrie nucléaire au développement économique de la Basse-Normandie et de la presqu’île au nucléaire en particulier.
Parce que ce que le capital et l’Etat aménagent en même temps que des territoires ce sont nos vies, nos aspirations, nos désirs, nous intimant l’ordre de marcher à leur propre pas, leur propre rythme à coup de millions ou de tonfas. Les procès en cours contre les opposants au tracé des lignes THT en sud-manche ou contre ceux et celles qui se sont opposés aux transports de déchets radioactifs comme le GANVA ou ceux de Valognes finissent de montrer l’autre visage des bienfaiteurs du nucléaire. La force brute qui lors du rassemblement de Montabot mutila ses opposants pour mieux les réduire au silence dévoile à quels donneurs d’ordre industriels obéit l’Etat. Ce sont ceux-là même dont Nucleopolis organise la promotion et le rayonnement.

Et comme le cynisme des nucléocrates n’a pas de limites, c’est quelques jours avant qu’un chargement de combustible MOX, celui-là même qui alimentait l’un des réacteur accidenté de Fukushima, soit envoyé vers le Japon que cette intervention a lieu. Car si les nuages radioactifs s’arrêtent docilement aux frontières françaises, les profits nucléocratiques semblent, quant à eux, être voués à ne connaître aucune limite : ni celles des désastres en cours de Fukushima à Tchernobyl en passant par ceux qui se propagent plus discrètement au quotidien autour des installations nucléaires, ni celles des millénaires de durée de vie des radioéléments que ces industries dispersent.
Alors qu’à Fukushima ce même MOX pourrit l’atmosphère et dissémine sa mort invisible dans les corps, les arbres, la mer et l’avenir, les défenseurs de l’industrie nucléaire et l’Etat poussent des millions de japonais à vivre dans des territoires contaminés, assimilant l’exil à une trahison et le fait de ne pas consommer « Fukushima » à un antipatriotisme économique.
Vivre en territoire contaminé devient avec le soutien du programme Ethos et du savoir-faire français en la matière la meilleure publicité pour que tout continue comme avant, catastrophe nucléaire ou pas, leucémies programmées ou pas.

Parce que le nucléaire est un monde qui dépasse ses installations et ses nuisances, avec ses protagonistes, ses défenseurs et ses mensonges, nous entendons bien perturber ce forum et briser le silence assourdissant qui entoure le départ de combustible MOX vers un Japon meurtri ! ▪

• Quelques opposant-e-s à leur meilleur des mondes nucléaire,
Mars 2013