On n’y comprend plus rien. C’est la crise, la vraie, aucun doute là-dessus, même qu’on nous la met en avant pour justifier des milliers de fermetures d’entreprises et les millions de licenciements qui vont avec, les coupes sombres dans presque tous les budgets sauf ceux de l’armée et de la police… et dans le même temps se multiplient les grands projets aussi pharaoniques qu’inutiles et le plus souvent nuisibles. Que se passe-t-il ?

Notre-Dame des Landes est aujourd’hui le symbole de cette « gabegie », mais ce projet débile est loin d’être le seul en cours. On parle aussi du TAV Lyon-Turin, de plusieurs EPR (nucléaire),…

Mais n’allons pas chercher si loin. Nous aussi, dans le 93, nous avons notre projet pharaonique, aussi nuisible que monstrueux, aussi inefficace que coûteux… la construction de la plus grosse usine d’Europe de traitement des ordures ménagères — 325 000 tonnes par an, 1000 tonnes par jour ouvrable — par méthanisation après tri mécano-biologique (TMB).
La « méthanisation », en soi, c’est plutôt pas bête ; on fait fermenter les déchets organiques pour en tirer du gaz et du compost pour l’agriculture, autrement dit de l’énergie et de l’engrais. Et c’est d’ailleurs comme ça que les trusts vendent leur saloperie aux collectivités locales, trop heureuses de se débarrasser ainsi du réel problème que leur pose le traitement des ordures ménagères.

Sauf que voilà ! D’abord la méthanisation, ça pue grave ; et en plus, comme ça produit du gaz, ça peut exploser. Alors en rase campagne, sur de petites unités isolées et bien protégées, ça marche assez bien ; mais en plein centre urbain, sur 6 digesteurs – les tours de fermentation -, 325 000 tonnes par an, c’est criminel. Ah oui, on avait oublié de vous dire : cette usine catastrophe, c’est sur Romainville et Bobigny, à 3 kms du périphérique, qu’ils veulent la construire. Plus de 200 000 personnes dans ce même rayon…

Mais ce n’est tout-de-même pas la santé et les conditions de vie de quelques milliers d’habitants du 9-3 qui vont les arrêter ! Faut bien qu’on traite les ordures ! Et puis y a le Grenelle de l’environnement. On ne peut plus enfouir tout cru, on ne peut plus construire d’incinérateurs, on doit traiter au plus près de la source à cause du CO2 dégagé par le transport… Alors « vous n’allez pas nous emmerder avec quelques nuisances pour une poignée de riverains » !…

Mais le problème, c’est que cette horreur n’aurait pas de conséquences que pour la poignée de riverains. Le hic, c’est qu’en plus des « quelques nuisances », le fameux TMB c’est une « usine à gaz » — le cas de le dire — qui consomme toute l’énergie qu’elle est sensée produire, et qui sort un soi-disant compost totalement impropre à l’agriculture parce que chargé de métaux lourds, de solvants, de plastics, de verre et de toutes sortes d’autres cochonneries qui pollueraient les sols. Donc, tout faux ! En plus et surtout, ça va à l’encontre de la seule solution en matière de traitement des déchets qui est, premièrement d’en produire moins, et deuxièmement de les trier à la source, ce qui permettrait de les recycler à 90%. Or, à partir du moment où on vous dit « ne vous en faites pas, on fera le tri à l’arrivée », pourquoi s’emmerder à faire le geste citoyen qui réglerait pourtant le problème ? Savez-vous qu’aujourd’hui, le peu d’ordures que nous trions retourne souvent à l’arrivée dans les mêmes fosses ?

Tout faux donc !… sauf le prix ; mais ça dépend pour qui. On en est, pour cette future installation « dernier-cri, avec tous les aménagements possibles en matière de sécurité et d’innocuité » — totalement inefficaces — à plus de 400 millions d’euros pour commencer ; on sait qu’en général ça double au bout du compte.

Or, c’est là que nous voulions en venir. Sachant que derrière ce projet-là, il y en a actuellement plusieurs dizaines d’autres dans les cartons rien que pour la France, à qui vont aller les milliards que ça représente… ? Et qui va les payer ? Les deux réponses sont évidentes. Pour la première : c’est eux, c’est-à-dire les trusts de la construction civile et de l’environnement ; en l’occurrence URBASER, un groupe espagnol spécialisé dans ce genre d’opérations, mais qui n’est pas le seul. À Montpellier et Angers, c’était Veolia. À Notre-Dame des Landes c’est Vinci. Pour la deuxième question, on vous laisse deviner…

Et là est bien l’explication de l’existence par les temps qui courent de ces projets aberrants. Ils sont couverts par l’argent public et représentent donc des investissements parmi les moins risqués dans le contexte de la crise. Et entre grosses enveloppes et petits arrangements en famille, devinez un peu auxquels de nos « décideurs » profite ce crime.

Mais il se trouve que les riverains « incultes » du 9-3 ont soulevé le lièvre et se sont mobilisés dur contre cette monstruosité. Ils se sont organisés et ont mené la réflexion qui n’avait jamais eu lieu dans les sphères dirigeantes (de gauche ou de droite) sur la façon d’aborder ce problème des déchets. Ils sont en passe de faire plier les trusts et les techno-bureaucrates qui nous gouvernent. Ne vendons pas la peau de l’ours. Les décisions se prendront prochainement. Nous vous tiendrons informés de cette lutte populaire et citoyenne pleine d’enseignements et de ses résultats dans un prochain article.

Correspondance VP

Article paru dans le mensuel Partisan, n° 262 février 2013