Je pense avoir essayer d’agir le plus calmement et posément possible. Les seules « dégradations » que l’on pourra me reprocher sont les suivantes : avoir marcher dans un champs et abîmé des céréales fraîchement semées entre le lieu-dit La Rolandière et la Forêt de Rohanne le vendredi 23 Novembre et le samedi 24 Novembre et avoir aider à coucher une clôture de fils barbelé le long de la forêt de Rohanne le samedi 24 Novembre pour facilité l’évacuation des personnes blessées et traumatisées. Je demande aux agriculteurs de bien vouloir m’en excuser.
On pourra, par ailleurs, me reprocher d’être allé sur la ZAD (devenue certains jours une zone militairement occupée interdite d’accès par les forces de l’ordre) pour apporter du matériel de construction (bois, portes, clous, fils et matériel électrique), de la nourriture et des produits de parapharmacie (pansements, huiles essentielles, sérum physiologique, paracétamol, ibuprofène et préservatifs), de l’aide (j’ai emmené, lavé et fait séché des vêtements de zadistes, j’ai participé à la préparation du camp en face du lieu-dit les Rosiers pour accueillir les manifestant-e-s du 17 Novembre et j’ai aidé ce 17 Novembre à la construction des nouveaux batîments), du soutien (j’ai accompagné, plusieurs fois avec un véhicule des habitant-e-s de la ZAD qui regagnaient à pieds et fatigué-e- leurs lieux de vie) et du réconfort aux résistant-e-s qui vivent sur place (qui pour certain-e-s ont vu leur lieu de vie et leurs effets personnels détruits). On pourra me reprocher d’avoir manifester à Notre Dame des Landes le 17 Novembre, d’avoir participer à des rassemblements à Saint-Nazaire, d’avoir collé des affiches (sur des panneaux d’affichage libre) annonçant la manifestation de réoccupation du 17 Novembre, d’avoir diffuser via internet et par tracts des documents d’information et d’analyse contre ce projet d’aéroport, d’avoir empêché pacifiquement, le vendredi 23 Novembre (en formant une chaîne avec une centaine d’autres personnes) l’avancée d’une pelleteuse, un tracto-pelle et un autre engin de travaux publics ( engins accompagnés de gardes mobiles) venus détruire des cabanes habitées, au sol et dans les arbres, dans la forêt de Rohanne.

Concernant les intimidations, provocations et violences des forces de l’ordre, je peux aussi témoigner des faits suivants :
Le mercredi 17 Octobre, un car de transport scolaire a été fouillé par les forces de l’ordre et empêché de continuer normalement sa tournée alors qu’il y avait encore des enfants à bord : traumatisme pour le chauffeur, les enfants et inquiétude des parents… Pas d’excuses des forces de l’ordre. Pas de proposition non plus d’escorter ce car si la situation était si dangereuse. Par contre, les forces de l’ordre escortent depuis très loin, si besoin, des engins de travaux publics réquisitionnés.
Le vendredi 2, j’étais présent au lieu-dit le Tertre pour soutenir les occupant-e-s réfugié-e-s sur le toit d’une maison entourée par les gardes mobiles. Dans cette maison était aussi présent un vigile avec son chien. Quand les forces de l’ordre se sont retirées elles ont « abandonné » ce vigile qui leur a pourtant fait des signes pour qu’il puisse partir avec elles. De la part des personnes présentes (les opposant-e-s au projet d’aéroport), je n’ai noté aucune agressivité ni insulte ni propos déplacés à l’encontre de ce vigile. Au contraire, les personnes lui ont proposé de rester faire la fête et manger avec elles.
Le vendredi 23 Novembre un entrepreneur de travaux publics, installé sur l’une des communes concernées par le projet d’aéroport, a été réquisitionné et emmené à la ZAD par les forces de l’ordre. Cette personne, apeurée, effondrée n’a heureusement pas pu travailler et n’a donc rien détruit.
Le vendredi 23 Novembre, vers 9:00, au carrefour des Ardillières, j’ai subi un contrôle d’identité à mes yeux non justifié. Je sortais d’un véhicule qui m’amenait du local syndical de Notre Dame des Landes afin de rejoindre la ZAD. Le conducteur et moi avons dû présenter nos papiers. Nous n’avions ni sac ni objet pouvant présenter une menace.
Dans l’après-midi du vendredi 23 Novembre, dans la forêt de Rohanne, alors que j’essayais de me rendre sur le lieux de reconstruction dans la chataigneraie et que je venais de la forêt de Rohanne, pour apporter de l’eau aux personnes qui résistaient, j’ai été précisément désigné et mis en joue par un garde mobile armé d’un flash-ball. Sur moi, je n’avais que de l’eau, mon téléphone et mes papiers d’identité. Ce garde mobile était à moins de 10 mètres quand il m’a menacé avec son flash-ball.
Pendant la journée du 24 Novembre, dans la forêt de Rohanne, j’ai personnellement aidé, secouru, évacué et essayé de rassurer des personnes blessées, traumatisées suite à l’aspersion à bout portant par les gardes mobiles de gaz « asphyxiant ». J’ai moi même subi une telle aspersion dans le dos alors que je portais secours à une femme « âgée » qui était au sol, choquée après avoir été « gazée » en plein visage. J’ai aidé a évacuer deux personnes visiblement touchées aux jambes suite à des tirs de flash-ball. J’ai vu les forces de l’ordre envoyer des grenades lacrymogènes et des grenades assourdissantes dans le champ situé au nord et le long de la forêt de Rohanne en direction des manifestant-e-s. Nourriture et eau ont ensuite été volontairement saccagé par des coups de pieds quand les forces de l’ordre se sont avancées. Les civières, destinées à l’évacuation des blessé-e-s ont complètement disparu dans le nuage de gaz lacrymogènes.
En fin d’après-midi, le samedi 24 Novembre, dans la forêt de Rohanne, à l’emplacement des cabanes dans les arbres, après le départ des engins de travaux publics et des forces de l’ordre je suis allé porté de la nourriture aux personnes qui étaient restées toute la journée dans les arbres dans des cabanes de fortunes ou dans des filets tendus. J’ai découvert un véritable chaos de boue, d’ornières, d’arbres arrachés… Au milieu de tout cela, descendus des arbres, dans les bras les un-e-s les autres, les résistant-e-s hébété-e-s, extrêmement choqué-e-s, silencieux/ses, en larmes qui ne voulaient ni boire ni manger, mais aller tou-te-s ensemble jusqu’à La Vache Rit… A ce moment là je suis moi-même retourné vers les Ardillières pour quitter la ZAD, en larmes…

Dans les prochains jours, avec des centaines de camarades, je vais retourner à la ZAD pour défendre pacifiquement le chantier de construction dans la chataigneraie. Je vais continuer à apporter du soutien, de l’aide, des matériaux de construction, de la nourriture aux résistant-e-s de la ZAD. Je vais continuer, avec des milliers d’opposant-e-s à ce projet, à participer aux rassemblements contre l’aéroport, aux manifestations. Je vais continuer à coller des affiches.

Personnellement, je porterai aussi ce message aux forces de l’ordre qui seront en face de moi : que ceux et celles qui ont participé à la fouille du car scolaire le mercredi 17 octobre sortent du rang et demandent publiquement des excuses aux enfants, aux parents et au conducteur. Que ces hommes/femmes là demandent à ne plus intervenir à Notre Dame des Landes ou ailleurs.
Je demanderai aussi à mes anciens collègues archéologues de refuser de venir travailler à la ZAD tant que ce projet ne sera pas abandonné.
Je demanderai aussi aux salariés et aux petits entrepreneurs du BTP de refuser de venir détruire tant de lieux de vie.

J’espère pouvoir encore rencontrer et dire à celles et ceux qui étaient dans les arbres de la forêt de Rohanne, à celles et ceux qui ont vu leurs lieux de vie ou de travail détruits, que je suis désolé que nous n’ayons pas réussi à mieux les protéger.

Je vais continuer à porter ce message : Vinci et forces de l’ordre dégagez de la ZAD. L’aéroport ne se fera pas ! On ne lâchera pas !

A Saint-Nazaire, le 26 Novembre.

Christophe Camille Bouvier.