En Europe comme ailleurs, le mot justice a plusieurs sens et celle que les États européens veulent nous imposer n’a rien à voir avec la justice sociale à laquelle aspirent des millions d’entre nous. Lorsqu’on parle de justice en Europe il s’agit avant tout de créer un espace judiciaire européen, à savoir d’améliorer la coopération entre États pour uniformiser et optimiser la répression. Entamé lors du traité de Maastricht en 1992, ce processus, comme tous les processus répressifs, a connu une nette accélération après le 11 septembre 2001
Ainsi, dès 2002 l’union européenne adoptait une procédure judiciaire unique appelée « mandat d’arrêt européen » (MAE) pouvant viser toute personne faisant l’objet d’une mesure de sûreté d’au moins quatre mois ou ayant commis une infraction passible d’une peine supérieure ou égale à un an. Réduits à de simples formalités, 11 630 mandats d’arrêts européens ont ainsi été exécutés en Europe entre 2007 et 2010.
Ce mandat d’arrêt européen est fondé sur la reconnaissance mutuelle des décisions pénales entre les pays membres de l’UE et se base sur l’idée que tous les États de l’union ont un système judiciaire respectable et juste. Ce préalable posé, les États se serrent les coudes.
Il faut rappeler que le régime du MAE qui prévoit une quasi automaticité des décisions d’extradition d’un pays vers un autre, la législation du pays demandeur prédominant, est appliqué de façon rétroactive cette rétroactivité même si elle limitée à l’année 1990, est contraire au principe fondamental du droit pénal qu’est la non rétroactivité.
Que les pays vers lesquels on extrade les gens pratiquent ou pas la torture pour leur extorquer des aveux n’a finalement que peu d’importance au regard des échanges de service et de la lutte contre ce qu’ils appellent le terrorisme. L’Espagne, c’est de notoriété publique, pratique la torture lors des interrogatoires notamment lorsqu’il s’agit de militant/es basques et l’État espagnol est régulièrement condamné par la cour européenne des droits de l’homme. L’Allemagne, c’est moins connu, a également utilisé la torture à la fin des années 70 et au début des années 80 contre les personnes actives dans les mouvements d’extrême gauche. C’est notamment sur la base de déclarations arrachées par un juge et des policiers à un militant placé à l’isolement total pendant plusieurs semaines alors qu’il venait d’être brûlé au 3e degré et venait de perdre la vue et ses jambes, que Christian Gauger et Sonja Suder ont été extradés de France vers l’Allemagne pour y être jugés. Que ce militant ait ensuite très vite réfuté toutes les déclarations qu’il avait pu faire alors qu’il était torturé n’a jamais par contre été pris en compte !
Concernant Aurore Martin, Manuel Valls déclare que « L’Espagne n’est pas une dictature, c’est un Etat souverain et démocratique. » et qu’ « il appartient à la justice espagnole dans le cadre d’un Etat de droit de décider de la suite de la procédure. »
Que ce soit avec l’extradition d’Aurore ou avec celle de Sonja et Christian ou de milliers d’autres anonymes, nous devons nous rappeler que ce que les États appellent l’État de droit c’est avant tout le droit unilatéral pour eux-mêmes d’user de la force et de ne pas respecter nos droits les plus fondamentaux.
Ne nous y résignons pas !