L’apparente neutralité des projets d’urbanisation, qu’ils soient ou non dans une perspective de développement durable, masque difficilement la violence avec laquelle ils nous sont imposés. Les exemples récents de résistance contre l’aéroport de Notre-Dame-Des-Landes, des « No-TAV », ou des « anti-THT » nous révèlent, et nous rappellent avec quelles intensités nous devons faire face à une militarisation du territoire et de nos quotidiens.

Cette rationalisation optimale et coercitive de l’espace, vise à nous faire admettre, ou plus concrètement à nous soumettre aux principes de l’ordre dominant. La métropole et le désert sont comme des formes uniques et omniprésentes. Une ligne d’horizon qui ne tolère pas de variété, mais seulement l’unicité et la conformité.

Les 4 ateliers développés lors de ce « W.E. de lutte » ont permis d’analyser ces différents thèmes. Les débats qui ont eu lieu, nous ont donné l’impression qu’il serait trop simple de les achever avec le sentiment d’avoir rendu perceptible l’action du pouvoir, comme de ceux qui luttent. Nous souhaitons que ces réflexions permettent de concrétiser quelques pistes d’applications pratiques…

« Appelés par ce que nous appelons,
l’extraordinaire commence au moment même
où nous nous arrêtons. »

Atelier « Dans un espace normalisé et aseptisé, comment résister en créant ? »

A partir de quatre concepts d’urbanisme présentés rapidement (la spécialisation de l’espace (zoning), la régulation sociale de l’espace et notamment son embourgeoisement (gentrification), la normalisation de l’espace (normes et standards de la production urbanistique contemporaine) et le contrôle de l’espace (prévention situationnelle), nous dressons le portrait d’une ville dans laquelle il est de plus en difficile de développer des modes de vie hors carcan (le squat mais pas seulement : SDF, zonards, manifestations classiques ou tentatives de réappropriation de l’espace public sont rapidement chassés de l’espace urbain qui doit être propre, maîtrisé, sans accrocs). Comment nos actions peuvent elles nous permettre de résister à cet espace normé et aseptisé et, mieux, permettre d’en créer d’autres.

A partir de retours d’expériences militantes diverses comme celle de « Débattons dans les Rues » (réappropriations de la rue avec des gens d’horizons différents : gratuité ; volonté de créer quelque chose dans l’espace public ; paroles boxées, débats, zones de gratuité, porteurs de paroles), celle, italienne, du marquage régulier de l’espace public (par des tags ou des graphs récurrents annonçant la tenue d’une action ou simplement permettant une inscription dans l’espace public), celle, allemande, du Mithausen Syndikat (achat collectif de lieux alternatifs) et bien d’autres (expériences de squat, jeu sur les lieux aux marges privés, publics, communs), nos discussions font rapidement émerger deux enjeux : la nécessité de créer et de faire vivre des lieux alternatifs et celle de se saisir de lieux publics pour s’y inscrire et se les approprier.

Un objectif se dégage de nos discussions : lier appropriation de l’espace public (extérieur) et de l’espace privé publicisé (intérieur) dans une démarche globale. Nous établissons qu’il est nécessaire d’être présents dans l’espace public mais aussi d’avoir des lieux pour se réunir, penser et s’organiser et plus pragmatiquement mettre en pratique des idées et les partager avec ceux qui le souhaitent. Pour se faire, il semble nécessaire de réfléchir aux temporalités de nos actions, puisque nos techniques d’appropriation de l’espace intérieur (le squat pour l’essentiel) ne résistent généralement pas à la répression plus de quelques jours, investir l’espace public avant d’envisager de s’installer à l’intérieur afin de s’inscrire dans une dynamique impliquant au-delà de nos seuls cercles militants semble une idée à développer. Ceci pose la question de savoir ce qu’habiter un espace veut dire : habite-t-on un lieu, quel qu’il soit, parce qu’on y réside ou plutôt parce qu’on l’occupe, le mobilise, le transforme ? Et, conséquemment : comment pouvons nous inscrire durablement dans un lieu public afin de rendre notre présence incontournable ? Autrement dit, comment pouvons nous transformer des actions souvent éphémères en une logique cohérente signant la permanence de notre présence ? S’inscrire dans la mémoire des lieux et dans leur existence sociale est une nécessité : on fait comment ?

L’atelier se conclue sur la volonté de poursuivre la réflexion et de la traduire en actes sur un ou des lieux de Tours, rendez-vous sont pris pour tester des choses

Atelier « Echographie de collectivité en lutte » :

Projection d’un court-métrage sur « l’Hétérotopie ».

Comme dans une famille, il y a dans les collectivités une volonté de transmission de mémoires sur courte et longue durée. Mais à la différence de la famille l’engagement est électif (a-t-on vraiment toujours le choix?).

Question des rôles de chaque individu : reproduction de la division du travail social au sein de la collectivité. Reproduction des déterminismes qui pose la question : est-ce qu’on masque des inégalités profondes dans ce type de communauté ?

« Il faut pousser l’individu jusqu’à émanciper ses problématiques personnelles et se libérer des codes sociaux et de ces déterminismes ».

On remarque une certaine uniformité dans l’origine, le parcours des membres de ces collectivités. L’entrée dans le groupe est en quelque sorte prédéfinie par une situation sociale.

L’affect est primordial, on recherche une communauté d’idée (par exemple une certaine notion de l’égalité).

Rapport de méfiance à l’extérieur / protection des individus dans le « clan ».

Chacun occupe un rôle définit qui peut être enfermant (avec comme solution la sortie de la communauté). Quelle place laisse-t-on alors au choix ?

Nécessité de se poser la question du type d’égalité : Egalité sérielle : valorisation de certains rôles. Équivalence des rôles : possibilité de changer de rôle sans perdre sa place dans la collectivité, sa valeur pour la communauté.

Problème de la dépendance vis à vis des personnes qui jouent un rôle important dans la collectivité. Comment faire quand surgit un problème psychiatrique par exemple ? Finit souvent par l’exclusion de la personne. Problème de la surprise : changement brutal qui produit, révèle, un « mal communautaire ».

Mais la collectivité peut aussi permettre une prise en charge de la personne. Il faut alors éviter l’infantilisation, la reproduction d’une domination.

La création du collectif comme « contrat social » ? Faut-il privilégier les règles formelles ou informelles ? Les règles formelles permettent une lisibilité qui offre la possibilité à l’individu de « ne pas se laisser absorber par le groupe ».

« On cherche la liberté pour tous », mais comment gérer le fait que d’un côté la collectivité gène l’extérieur, et qu’au sein même de la collectivité, l’individu puisse gêner ? « Schizoïde ».

Texte (de F. Tosquelles) sur la résistance qui créé un « entre soi » avec des gens différents (exemple d’un asile sous l’occupation, entre psychiatres, résistants, et psychiatrisés).

Problème des prises de paroles : nécessité de dynamisme et de parler des rôles et des déterminismes pour les bouger. Par exemple problème des genres : exemple du texte « La communauté terrible »- les femmes doivent-elle se « viriliser » ? Ou peuvent-elles conserver des spécificités de genre ? Nécessité de discuter des rôles genrés pour les déconstruire.

« C’est comment on vit le problème, comment on le pense » du coup nécessité de regarder d’autres collectivités, d’autres façons de faire.

Atelier « Désertion et nomadisme : mouvements et perceptions du pouvoir » :

Problématique principale autour du constat d’Anna Ahrendt : la forme impériale de l’État-nation s’est répandue et se reproduit plus ou moins à l’identique sur tous les territoires… Existe-t-il encore des marges pour d’autres formes d’organisation sociale ? Quelles perspectives pour les luttes qui ne souhaitent pas s’intégrer au pouvoir (à la différence du réformisme, de l’interventionnisme institutionnel, etc …) ?

Deux exemples d’organisations de luttes nomades : la Smala d’Abdelkader (capitale itinérante Algérienne en résistance contre la colonisation française), et la création de l’ELZN (la force zapatiste).

Qu’est ce qui distingue ces formes d’organisations, de la création d’un appareil d’État ?
Mise à distance de la théorie de Sartre (« La république du silence ») qui pense que se sont les deux faces d’une même pièce, et que la vocation des machines de guerre nomades est de prendre le pouvoir.

Analyse de P. Clastre sur la notion de guerre, comme moyen de conjurer la formation d’appareil d’État.

Le problème des sciences mineures, comme devenir nomade : analyse des travaux d’Anne Quirien sur les compagnonnages et les bâtisseurs d’églises gothiques. Leurs rapports fondamentalement différents à la construction : plan à même le sol par opposition au plan métrique hors chantier de l’architecte, formation interne par initiation, etc… Nécessité pour l’appareil d’État de gérer et de fixer les corporations, de faire passer dans toutes les divisions du travail la distinction de l’intellectuel et du manuel. Nécessité d’une déqualification du travail, et du recours à une main d’œuvre forcée…

Actualité des formes de vies nomades : Les machines de guerre nomades se constituent à la fois par un phénomène de « désertion » et leurs capacités à «faire peuple » dans un en-dehors de l’appareil d’État.

Problème, ou pas, de la confusion entre nomadisme et parasitisme… (deux textes : A. Brossat « Nous sommes tous des voleurs de poules roumains » sur les pratiques de désertion d’une partie de la jeunesse, et du vol comme « science du dispositif »)

Si le nomadisme est l’apologie du mouvement, de la flexibilité, il peut, s’il se décharge de son potentiel de lutte et de résistance, tout à fait être soluble dans le capitalisme à l’image de la fuyante main invisible du marché.

Questions/critiques autours de la capacité et de la pertinence à habiter un en-dehors de l’A. D’État. Critiques de l’alternativisme et nécessité toutefois de réaliser des expériences collectives et sociales « autres ». Discussions autour du nomadisme, de la désertion, et de la constitution d’un sujet politique en-dehors du concept du sujet-citoyen. Rapport de positivité, ou de perte de négativité vis à vis des conflits qui traversent la société ? Nouvelles formes de luttes sensibles face à un milieu social et un quotidien toujours plus conformiste, et répressif.

Atelier « guide juridique d’autodéfense face aux expulsions » :

Nous avons décliné cet atelier en deux parties : une première concernant les expulsions locatives et sans droit ni titre, et une seconde sur les expulsions d’habitats légers.

En ce qui concerne les expulsions locatives et sans droit ni titre, nous avons essayé de décrypter les différents textes de lois, et de synthétiser le sens de ceux-ci. Nous avons discuté autour des différentes manières de se défendre juridiquement face à une expulsion, en essayant d’inclure les conséquences juridiques. Différents exemples ont été présentés par des individus ayant eut des expériences juridiques dans ce domaine.

Par manque de temps, nous avons pas pu parler des expulsions habitats légers.

Nous avons essayer de réfléchir à la création d’un outil, selon différents supports (papiers, site internet, blog…) qui permette à la fois de clarifier certaines notions juridiques, tout en y mêlant des astuces pour contourner, gagner du temps, etc… À travers cet outil, il nous semble surtout indispensable de mettre à la fois en perspective le juridique et les moyens de lutte.

thanksforthefuture@yahoo.fr