Intitulée “La France en danger” et revendiquant sans doute abusivement le terme d”Assises”, cette journée se déroulera comme il y a plus d’un an à l’Espace Charenton, dans le XIIe arrdt de Paris. Particularité : le BI n’en est pas officiellement l’organisateur, ni d’ailleurs Riposte Laïque. En lieu et place, une association, Nationalité-Citoyenneté-Identité (NCI), qui est une émanation du Bloc mais qui permet à celui-ci de ne pas apparaître.

NCI est en effet dirigée par Catherine Blein [1] qui est devenue la responsable de la communication du Bloc, en remplacement de Bruno Larebière qui a quitté le BI le printemps dernier. Catherine Blein est une recrue récente du Bloc qu’elle n’a rejoint qu’en 2010 et vient de la droite républicaine. Elle a été, entre autres, cadre du RPR et secrétaire générale de l’association Femme Avenir, fondée dans les années 1960 et d’obédience gaulliste. Elle s’est rapprochée du Bloc par l’entremise de Philippe Millau qui a vite compris tout l’intérêt du cursus de cette militante potentielle. Si elle est aujourd’hui officiellement agricultrice et éleveuse de chevaux, elle a en effet par le passé travaillé avec Thierry Saussez, publicitaire et surtout spécialiste de la communication politique au service de la droite (RPR puis UMP). Philippe Millau l’a donc instituée responsable des relations avec les media du Bloc Identitaire en Bretagne avant qu’elle n’intègre la cellule communication de la campagne présidentielle d’Arnaud Gouillon en compagnie des journalistes d’extrême droite Patrick Cousteau et Pascal Magne. Signe de son ascension dans l’organigramme du BI, c’est elle qui a été chargée de représenter un fantomatique collectif de “Citoyens contre le droit de vote des étrangers”, lancé à l’automne 2011 pour surfer sur l’indignation des militants et sympathisants de droite devant la proposition de campagne du candidat Hollande sur ce sujet. Ce “collectif” qui est une création du BI s’est surtout manifesté par une pétition à signer sur le site France-Pétitions qui est également… une création des Identitaires ! Ce site a en effet été conçu durant l’automne 2010 par Fabrice Robert avec l’objectif de récupérer un maximum de contacts mails dans des milieux de droite modérée sensibles aux thèmes des pétitions. France-Pétitions n’offre aucune référence directe, même graphique, au Bloc et sa directrice de publication n’est évidemment qu’un prête-nom. Par contre les pétitions développées sur le site sont largement orientées sur des thématiques identitaires.

On peut évidemment se demander la raison de cette manoeuvre masquée alors que la manifestation s’inscrit clairement dans la démarche identitaire : établir le lien entre nationalité, ethnie et civilisation. À l’évidence ce n’est pas la crainte d’un échec qui est en jeu. Les assises de décembre 2010 avaient réuni pas loin de 1000 spectateurs et celles-ci sont en capacité de faire autant d’entrées. La liste des orateurs est en tout cas là pour le suggérer. Une partie des intervenants viennent de la Nouvelle Droite et sont suffisamment connus pour attirer un public, de Jean-Yves Le Gallou à Henri de Lesquen. Pour ce dernier, la fonction de président de Radio Courtoisie est évidemment un atout supplémentaire. Une autre partie provient des milieux favorables à une “Europe puissance” construite autour de l’axe Paris-Berlin-Moscou. Si Henri de Grossouvre et le Forum Carolus ne sont pas explicitement mentionnés, certains intervenants comme Jean-Claude Empereur en portent les idées. Une partie d’entre eux vient d’ailleurs également de la Nouvelle Droite [2]. Troisième tendance, les orateurs proches de Riposte laïque et des milieux laïco-républicains comme Pierre Cassen. Enfin, deux ou trois intervenants constituent des erreurs de casting potentielles tant leur fiabilité est sujette à caution : c’est le cas d’Omar Ba [3] et de Jean-Paul Bourre. Celui-ci a déjà été évoqué dans certains de nos articles (ici par exemple) et le blog Droite(s) Extrême(s) a eu l’aimable obligeance de mettre en ligne quelques photos rigolotes (là) [4]

La manoeuvre résulte donc plutôt d’une volonté, qui tient du TOC [5] en ce qui concerne le BI tant cela devient habituel, de ne pas apparaître pour ratisser large et amener les “républicains” sur les positions ethniques qui sont les siennes. Cela ne trompe évidemment sans doute pas grand-monde dès lors que l’organisation des Assises, de la restauration jusqu’au vestiaire, émane des différentes composantes du Bloc. Mais celui-ci n’aurait pu espérer attirer un panel aussi large, tant parmi les orateurs que dans le public, sur son seul nom et cela lui évite d’être de nouveau associé directement avec des milieux politiques dont l’orientation rend perplexe des fractions non négligeables des différentes structures identitaires, et ce depuis la manifestation dite de “l’apéro saucisson pinard” de juin 2010 [6]. Par ailleurs la thématique anti-Islam a montré ses limites lors du “rassemblement des cochons” à Lyon. La manifestation du 10 mars qui est directement pilotée par Philippe Millau et le Bloc Bretagne est donc un exercice à risque pour le BI dans un contexte de doutes et de remise en cause sur lequel nous aurons l’occasion de revenir.

Mais elle peut à l’inverse s’avérer un bon coup promotionnel pour le livre d’entretiens croisés avec Riposte laïque qui doit sortir chez Xenia à la fin du mois de mars [7]. Ce livre aurait du sortir à l’automne 2010 et constituer une prolongation du coup politique que représentait l’apéro raté du 18 juin précédent. Son plus bel argument mediatique était (est) André Bercoff, en monsieur Loyal d’un pseudo débat. Son estampillage de “gauche” en faisait en effet une prise de guerre de plus pour un BI en pleine dynamique politique. Mais la présence de Bercoff n’était et n’est à vrai dire qu’une fausse surprise. C’est en effet une vieille connaissance de Bruno Larebière qui était à l’époque en phase d’intégration rapide dans le Bloc. Les deux hommes s’étant revus en novembre 2008 après de longues années sans se croiser, André Bercoff a proposé en mai 2009 de faire un livre sur les Identitaires, projet qui n’a pas abouti et qui s’est transformé en livre avec Riposte laïque. Ce glissement politique du journaliste s’explique par le point de vue de Bercoff qui est depuis quelques années clairement hostile à l’Islam. Cela a pu se manifester par des participations à la presse d’extrême droite (le Choc du Mois de l’été 2009) ou à des colloques divers et variés [8]. Les délais qui ont prévalu à la finalisation du livre (les entretiens ont eu lieu fin juillet 2010 !) [9] et le fait que l’ouvrage n’a pas trouvé preneur chez un grand éditeur français malgré les efforts de Bercoff rendent l’impact du livre fort hypothétique. Le Bloc peut donc espérer que le 10 mars créé un minimum de “buzz” pour que l’ouvrage ne soit pas un vrai flop… L’autre intérêt de ces Assises est bien sûr de maintenir une actualité autour du Bloc, en attendant la Convention identitaire 2012 qui devrait se tenir à Paris à l’automne prochain et qui ambitionne de récupérer les déçus du FN et de Marine Le Pen à l’issue des élections de ce printemps. Tout un défi en soi !

[1] Le trésorier de l’association est par ailleurs Philippe Gibelin, ancien cadre du GRECE et longtemps investi dans la DOMUS, local gréciste dans lequel le BI tient son université de rentrée depuis deux ans.

[2] On peut lire la prose de Jean-Claude Empereur dans le numéro d’octobre-décembre 2011 de la revue Éléments.

[3] Omar Ba s’affiche comme un adversaire de l’émigration africaine en Europe à l’instar d’Émile Bomba et c’est évidemment à ce titre qu’il a été invité à participer aux Assises du 10 mars. Mais son parcours personnel a déjà été l’objet de nombreuses polémiques tant la véracité de ses écrits est contestée.

[4] Ce site a par ailleurs relayer des tensions qui existeraient entre Philippe Vardon et le reste de la direction du Bloc. Signe de cette situation selon le blog : le fait que Vardon ne participerait pas aux Assises. Le moins que l’on puisse dire est que nous sommes très circonspects face à cette « information ». Philippe Vardon par le passé n’a pas plus participé aux différentes assises ou colloques parisiens organisés par le Bloc. Par ailleurs il n’a jamais caché qu’un compagnonnage trop marqué les milieux laïcs et républicains lui semblait contre-productif en interne. Enfin il était parfaitement au courant de l’orientation des Assises du 10 mars et des orateurs invités. On peut donc se demander dans quelle mesure il n’a pas voulu se jouer des auteurs de Droite(s) Extrême(s) en distillant ce qui nous semble être de fausses pistes.

[5] Trouble Obsessionnel Compulsif.

[6] La présence de militants de la LDJ lors des Assises de décembre 2010 que nous relations ici a en particulier été source de polémiques internes même si une partie des cadres ne discutent pas ce genre d’orientations politiques.

[7] Cette petite maison d’édition suisse a été fondée par Slobodan Despot, ancien des éditions de l’Age d’Homme. Si le catalogue de Xenia est très varié, on y relève malgré tout l’édition de poèmes d’Oscar Freysinger, figure de l’UDC et du combat contre « l’islamisation » de la Suisse ou de l’ouvrage de Jean Robin sur la « nouvelle extrême droite ». S. Despot semble par ailleurs avoir été pressenti pour intervenir lors des Assises du 10 mars.

[8] De la Guerre sainte à la guerre des banlieues par exemple, soit un déjeuner débat au Fouquet’s Barrière, organisé par les journalistes Michel Clerc et Robert Lafont, dont le fac simili est retranscrit intégralement dans le n° 227 de février 2009 du magazine Entreprendre. Afin de débattre de l’échec de l’intégration des allochtones musulmans (sic), étaient conviés une fourchette de gens plus ou moins sympathiques : Albin Chalandon, ancien ministre de De Gaulle et Pompidou ; Roland Dumas ; Dominique Jamet, journaliste à France-Soir et chroniqueur à Marianne ; Béatrice Robert, Principale du collège Edouard Vaillant de Gennevilliers ; André Bercoff ; Claude de Kermoularia, ancien conseiller de Paul Reynaud, ancien représentant au Conseil de sécurité de l’ONU sous Mitterrand ; Jean Piat, comédien, accessoirement catholique traditionnaliste ; Roumania Ougartchinska, journaliste spécialiste des pays de l’est ; Pascal Thomas, réalisateur.

[9] Le livre a par ailleurs du être remanié à cause du départ de Bruno Larebière