Les journalistes auraient-ils enfin réagi à l’interdiction d’associations kurdes et aux poursuites ignobles engagées contre des militants ? Parlent-ils de la future loi Loppsi 3 qui propose tout un tas de charmantes mesures, fuite en avant paranoïaque d’un système opposé à sa population ? Ou peut être est il question de l’incendie criminel du squat de roms du 20° arrondissement, qui logeait des dizaines de familles et où un rom est mort ?

Non, rien de tout cela : l’attentat contre les fondements de notre république démocratique très libre et très citoyenne, c’est un cocktail molotov lancé dans la nuit du 1er au 2 novembre sur la rédaction de Charlie Hebdo, et les victimes (plus médiatiques que les roms visiblement) ce sont les disques durs de quelques ordinateurs.

Les conséquences matérielles doivent être un peu pénibles pour l’équipe de Charlie, forcée de déménager à Libération (on a les amis qu’on mérite), mais du point de vue financier, on peut tabler sur un remboursement des dégâts par l’assurance et sur une augmentation des ventes due au buzz médiatique.

Non, ce qui fait tant bouillonner le monde des médias, c’est le symbole : on s’attaque à la presse. Et là, c’est la sainte alliance, depuis les journalistes de « gauche » jusqu’aux plus réacs (Guéant, Marine Le Pen). Une sainte alliance qui serait impossible si Charlie Hebdo était véritablement un journal subversif. Car au final, il fait un peu partie de la grande famille de la presse, qui est depuis quelques années en crise perpétuelle, rongée par la pub, ayant abandonné tout journalisme d’investigation, écartelée entre format papier et site web. Les ventes sont en baisse et la pente suivie est une fuite en avant continuelle donnant une uniformisation totale de l’offre. Le Figaro, Libé, Le Monde, et tous les autres titres, les journaux régionaux… Leurs articles se ressemblent, sont interchangeables, ils ne reflètent plus que l’expression de la culture dominante. Caricatures de la subversion, apologie des contestations inoffensives (indignés, clowns, altermondialistes), stigmatisation des minorités nationales sur fond d’humanisme social-démocrate. Ces journaux ont depuis longtemps choisi d’être la voix de leurs maîtres (souvent de bonne foi, nous ne le nions pas) en servant à diffuser une idéologie, en la martelant au peuple.

Rien de très subversif donc, c’est même plutôt puant : sous prétexte de critiquer les religions (ce qui est nécessaire), le journal s’en prend à une des populations les plus attaquées en France, en faisant le jeu de l’extrême droite qui entretient un discours du type « si les catholiques sont critiqués, essayez avec les musulmans ». Chiche. Charlie met sur le même pied culture dominante et minorité. Dans le cadre de la généralisation du racisme ambiante ce n’est pas anodin. C’est défendre l’idée que s’en prendre aux croyants est progressiste, dans la droite ligne de la gauche républicaine et laïque. Or cela n’est qu’un terreau propice au développement d’une aile gauche du nationalisme, une aile sociale dont l’extrême droite a besoin pour agrandir sa base. C’est ce que fait une organisation comme Riposte laïque qui a récemment défendue les fascistes de Troisième Voie par exemple.

Et la liberté de la presse dans tout ça ? C’est une blague. Elle n’existe pas. Les véritables journaux subversifs sont cantonnés à internet, muselés dans leur version papier par des impératifs économiques, touchés là où ça fait mal : aux finances. Dans la société capitaliste, la vraie censure passe par l’argent. Ainsi toute opposition est supprimée ou réduite à un rôle de témoin. On pensera aux différents journaux anticapitalistes en galère, aux journaux d’organisations victimes des dernières lois sur la diffusion en kiosque (Partisan, Alternative libertaire), ou même à Wikileaks qui a perdu 90% de ses fonds suite au blocus des donations organisé notamment par Paypal.

Il n’y a pas de liberté de la presse. Essayez de monter votre journal pour voir. Il n’aura, au mieux, aucune visibilité, ou devra employer un contenu inoffensif (impossible par exemple de critiquer des boîtes privées : légalement, c’est un préjudice à l’image de la marque…).

Feu de Prairie est un média partisan, appuyant le point de vue matérialiste et révolutionnaire, en économie, en culture, en politique. Tous les médias ne se valent pas et à l’heure d’aujourd’hui ou la liberté de la presse papier est un mensonge il n’y a plus grand chose à en espérer. Ces médias ne nous défendront pas, ils défendent des intérêts de classe antagoniques aux nôtres. Si demain Le Figaro ou Minute flambent, nous n’irons pas les défendre non plus. A nous « d’être le média » en développant nos moyens de diffusion d’idées sur internet et dans la rue. C’est le seul moyen de vaincre les illusions réformistes et de diffuser nos idées face au néant proposé au quotidien.

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