Comme toutes les phases préparatoires aux travaux pour la construction de l’aéroport, ces fouilles se heurtent à la résistance des occupant-e-s et d’une partie de la population locale. Dernières tentatives à ce jour pour ralentir le travail des archéos-collabos :

un blocage d’une parcelle par des occupant-e-s et des paysans en lutte venus avec leur tracteurs pour empêcher l’État et Vinci de détruire une once de terre supplémentaire.

Le dépôt sur une parcelle faisant l’objet de fouilles archéologiques, d’une bombe de contrefaçon afin de forcer les archéologues et les flics qui les protègent à faire venir sur place une équipe de déminage. Perte de temps et d’argent pour les bétonneurs qui organisent le saccage du bocage.2

Ces actions ne sont que les prémisses de la résistance acharnée des occupant-e-s et des populations locales aux travaux jusqu’à l’abandon de ce projet absurde, anti-écologique, anti-social.

L’archéologie préventive : une scandaleuse alliance entre chercheurs et aménageurs

C’est l’Institut National de Recherche en Archéologie Préventive (INRAP) qui est en charge de ces fouilles. Cette institution publique est censée servir à préserver le patrimoine archéologique français et intervient en amont de chaque projet d’aménagement.

Son objectif : fouiller systématiquement 6% de la surface concernée par le chantier pour s’assurer que ce dernier n’engendre pas la destruction à coup de pelleteuse de ces si précieuses traces du passé enfouies sous terre. Comme toutes les institutions de l’Etat, l’INRAP, sous couvert d’une mission “d’intérêt général” et de “service public” sert en réalité pernicieusement les intérêts du Capital.

De “généreux” chercheurs en manque de financement s’y compromettent et au prétexte de sauver quelques bribes d’un passé prestigieux collaborent à la construction d’infrastructures d’asservissement à l’impact écologique désastreux : autoroutes, centres commerciaux, prisons, lignes grande vitesse, zones industrielles, aéroports, etc.

L’archéologie préventive, dont la mission est en apparence si noble, s’avère constituer, dans les faits, une invraisemblable arnaque ! L’Etat et le Capital se soucient en effet peu des civilisations passées et des magnificences anéanties par le développement du capitalisme industriel. Ce n’est pas par générosité que l’Etat et le Capital financent les fouilles, cela répond en réalité à deux objectifs principaux :

Renforcer l’acceptabilité sociale des projets d’aménagements : Il n’est quasiment jamais arrivé que les fouilles préventives permettent l’abandon d’un projet d’aménagement du territoire. Alors que ces gargantuesques entreprises de bétonnage ravagent le patrimoine naturel, anéantissent les paysages, désagrègent le tissu social, et transforment petit à petit notre horizon visuel en un océan de béton ; l’Etat a beau jeu de brandir la conservation du patrimoine archéologique comme un argument de vente de sa misérable entreprise de destruction. Comme Biotope, recensant les espèces rares pour permettre à AGO de nous vanter les vertus écologiques de son aéroport ; les archéologues ramassent quelques bribes de poteries pour travestir le carnage d’un paysage, d’un territoire, avec sa culture paysanne et ses traditions rurales, en une entreprise philanthropique, respectueuse du passé et de l’histoire locale.

Exploiter le patrimoine comme une vulgaire marchandise: Or qu’adviendra-t-il si nos archéos-collabos découvrent en quelques coups de pinceaux les vestiges d’une ferme mérovingienne ou d’autres traces d’une époque où le capitalisme industriel ne régentait pas nos vies ? Rien, ou si peu. Ils recenseront les objets qui finiront au mieux sous cloche dans la vitrine d’un musée, au pire dans un carton enfermés dans les réserves inaccessibles au public. Outil de propagande dont se sert l’Etat-Nation pour nous faire croire qu’il a toujours existé à travers les âges, que la “France éternelle” brille de son prestige depuis “nos ancêtres les gaulois” ou argument commercial pour l’industrie du tourisme, la muséïfication du patrimoine ne signifie en rien sa préservation pour l’intérêt de tous et toutes, mais bien plutôt son exploitation au service de l’Etat et du Capital.

Rien d’étonnant alors, à ce que L’INRAP collabore étroitement avec Vinci 3et en fasse la publicité. Encore un bel exemple de partenariat public-privé ! Vinci a beau jeu de communiquer sur sa participation à la rénovation d’Angkor Vaat, cela lui permet, à peu de frais, de masquer son activité néfaste.

Que cette entreprise lache généreusement quelques euros aux archéologues doit-il nous faire oublier que des sans papiers croupissent dans les geôles qu’elle conçoit ? Que des forêts disparaissent sous ses autoroutes ? Que des ouvriers meurent d’accidents de travail sur ses chantiers ?

La charité a toujours été l’argument des puissants pour camoufler leur méfaits, ne tombons pas dans leur panneau !

1 Voir article de ouest torchon à ce sujet qui rend également compte de la résistance d’un paysan à ces fouilles : http://www.nantes.maville.com/actu/actudet_-Aeroport-un…u.Htm

2 Voir aussi la vidéo réalisé par des occupant-e-s de la ZAD lors de la journée de rassemblement du 11 octobre :
[vimeo http://www.vimeo.com/31082867 w=400&h=220]
mardi 11 octobre – Notre Dame des Landes from From ZAD on Vimeo.

3 Voir aussi la collaboration de l’INRAP avec des grands aménageurs et bétonneurs comme RFF sur des chantiers de ligne à grande vitesse et avec GRTgaz pour le transport de gaz en France.

2ème partie de l’article :

La CNT INRAP ou la servitude volontaire des archéologues libertaires !

Cette critique de la fonction sociale et politique de l’archéologie préventive semble pourtant inaudible pour les archéos-collabos ! Suite à la diffusion d’une critique similaire sur les listes internes d’opposants à l’aéroport nous avons reçu un texte signé de la CNT INRAP, et qu’on croirait pourtant rédigé de la main de cadres de la CFDT et du parti socialiste… Florilège 1 :

Une conscience aiguë de leur absence totale d’autonomie :
“ Ce ne sont pas les équipes de l’Inrap qui décident où, quand et
quoi elles vont fouiller. Les diagnostics (tranchées creusées pour
identifier d’éventuels sites) et les fouilles (si des sites sont
découverts) sont faits sur prescription des services régionaux de
l’archéologie – ces services dépendent du ministère de la Culture, ne
font pas partie de l’Inrap, et doivent eux aussi le plus souvent jongler
difficilement entre les pressions politico-économiques et leur mission
scientifique.”

Un constat réaliste concernant les intérêts de leur commanditaires principaux, l’Etat et les entreprises du BTP :
“Notre activité n’entre pas en compte dans les processus de
décision des élus et des aménageurs. Non, non, jamais. À votre avis,
qu’est-ce qu’un député ou un bétonneur en ont à fiche des vieux murs et
des vieux tessons ?”

Une affligeante incapacité à formuler une critique du salariat :
“Les travailleurs de l’Inrap sont pour une bonne part des
précaires enchaînant les CDD, et ils n’ont pas forcément le choix des
chantiers sur lesquels ils sont affectés. Si on propose à un précaire
d’aller travailler sur l’aéroport, même si le projet lui répugne, même
si les conditions de travail sont inacceptables, il ne pourra pas
forcément refuser (surtout en ce moment où les chantiers sont rares dans
le coin), à moins d’avoir envie de se passer de salaire…”

Dans ce texte, a aucun moment la CNT INRAP ne manifeste son soutien à la lutte des opposants au projet d’aéroport de Notre Dame des Landes ! Toute perspective de résistance ou de désobéissance des archéologues est écartée au nom de la préservation du patrimoine : “ le résultat serait lui aussi très simple : l’aménagement se ferait quand même, sans le moindre retard, et les sites partiraient à la benne.”

Ainsi aucune forme de résistance qu’elle soit ostensible et publique, comme la grève, ou souterraine et discrète, comme le sabotage des fouilles, ou encore la transmission d’informations aux opposants afin de faciliter le blocage des travaux, ne trouve grâce à leur yeux d’anarcho-syndicalistes censés pourtant défendre l’action directe.

Nous qui nous battons pour une société autogéré et pour la réappropriation de nos savoirs et savoirs-faire, ne pourrions-nous pas envisager de nous réapproprier notre histoire et de la rendre vivante; au lieu de la mortifier dans des musées souvent visités par les mêmes aristos et décideurs qui ont participé à la chute de nombreuses sociétés ! Ce n’est que dans ces conditions que l’archéologie préventive servira l’intérêt général…

Faut-il déduire de ce texte lamentable que les archéologues de la CNT ne sont que de vulgaires gardiens de musées dont l’action se résume à brandir des drapeaux noir et rouge en manif et à se plaindre, amorphe sur leur canapé, de la marche du monde en lisant du Malatesta ? La CNT INRAP serait-elle un vulgaire groupe corporatif pour qui la défense de l’Institution qui les emploie passe avant l’autocritique et la dénonciation de l’emprise l’Etat et du Capitalisme industriel sur nos vies ? Ces militant-e-s réduisent-ils l’engagement anarchiste à une posture théorique confinant à la coquetterie intellectuelle ? On peut légitimement se poser la question à la lecture de ce texte affligeant…

L’articulation entre attitude individuelle et aliénations collectives, pourtant au cœur de la pensée anarchiste, semble totalement absente de l’esprit de nos archéos-collabos se réclamant de l’anarcho-syndicalisme : “L’Inrap n’est pas une collectivité autogérée, c’est une organisation hiérarchisée et, ici comme ailleurs, merci de ne pas confondre l’institution (l’Inrap qui pose avec Vinci en se rengorgeant de l’opération Angkor) et les gens qui la composent à la base (l’Inrap qui fouille au Cambodge).”

Difficile pourtant de faire cette distinction lorsque nos syndicalistes balayent d’un revers de la main toute possibilité de résistance à l’institution étatique à laquelle ils appartiennent et étouffent toute autocritique sous un pitoyable patriotisme corporatif !

Ainsi les ouvriers du nucléaire peuvent-ils garder leur conscience tranquille lorsqu’ils collaborent à nombre de destructions environnementales et humaines, et par leur travail confortent notre servilité et notre dépendance à une énergie qui détruit notre futur !?
Quant aux ouvriers embauchés sur des chantiers d’infrastructures voraces de terres agricoles, faut-il faire mine d’ignorer leur rôle indispensable à ces travaux sous prétexte qu’ils doivent bien donner à bouffer à leurs gosses? Ont-ils conscience que leur travail participe à la mise en péril de l’autonomie alimentaire de leurs enfants ?

Et que dire des profs qui inculquent l’obéissance aux rejettons du capitalisme, des travailleurs sociaux qui placent les pauvres sous contrôle, des matons et des flics veules exécutants de la violence d’Etat, etc. ?

Le rôle d’un syndicat anarchiste ne serait-il pas de stimuler l’auto-critique de chaque individu ou groupe afin qu’il réalise l’ambiguïté de sa position à la fois victime et complice du système? Il est surprenant de voir la CNT céder aux facilités des syndicats réformistes se cantonnant à défendre une amélioration immédiate des conditions des travailleurs. A-t-elle perdu de vue la préparation d’un renversement révolutionnaire de l’ordre établi abattant le système capitaliste, autoritaire, et productiviste dans lequel nous sommes engoncés ?

Peut-être les archéos-collabos de l’INRAP, plutôt que se défendre à tout prix, seraient inspirés de méditer cette phrase d’Etienne de La Boétie :

“Soyez résolus de ne plus servir, et vous voilà libres.”

Un membre du collectif de lutte contre l’aéroport de NDDL et un occupant de la ZAD

1 La réponse de la CNT INRAP ainsi que le mail incriminé par ces derniers en pièce-jointe