La question des retraites a été un révélateur de la réalité profonde de la stratégie de la CFDT. L’annonce précipitée et sans consultation de l’approbation confédérale est révélatrice de la dégradation de la démocratie syndicale en son sein et des conception centralistes et avant-gardistes des dirigeants confédéraux. Le renoncement à rechercher de nouvelles concessions gouvernementales par le prolongement du rapport de force atteint le 13 mai est révélateur d’une conception dans laquelle le rapport de force n’est plus un élément essentiel et où la mobilisation peut même être un obstacle à la réalisation des « réformes nécessaires ». La sortie brutale du mouvement est révélatrice d’une conception cynique, tactique et utilitariste des revendications communes et de l’unité d’action intersyndicale.

Mais c’est le renoncement confédéral aux financements nécessaires à une réforme progressiste des retraites qui éclaire la vraie nature de l’orientation de la CFDT. L’économie générale de la réforme approuvée par la confédération se résume à une solidarité interne au salariat : les mesures pour les plus faibles sont financées par des régressions pour le plus grand nombre, faute de mise à contribution des autres revenus. Or, depuis vingt ans, la part des salaires dans la valeur ajoutée des entreprises a reculé de dix points au bénéfice des profits. La « fracture sociale » et ses conséquences politiques ont été le prix à payer de cette « victoire » des actionnaires et des rentiers face à des salariés placés sur la défensive. La direction de la CFDT considère pourtant que l’on ne peut pas modifier sensiblement cette répartition des revenus. Dans la logique de ce « réformisme moderne » comme il se revendique, il n’y a plus de marges pour faire progresser graduellement les droits sociaux du plus grand nombre par une plus juste répartition des richesses produites. Les seules possibilités se résument désormais à redistribuer suivant ce « nouvel impératif » entre salariés du public et du privé, entre actifs et retraités ; et non plus entre revenus du capital et revenus du travail. L’essentiel est désormais, au nom de la lutte contre l’exclusion, la mise en place de minces et fragiles filets de sécurité. Les droits sociaux se voient ainsi remplacés par des mesures d’inspiration caritatives.

Considérer comme intangible, dans le cadre du capitalisme globalisé, l’actuel partage des richesses, c’est se condamner à ne mener au mieux qu’une politique syndicale d’atténuation des politiques libérales voire, au pire, à inscrire l’action syndicale dans l’acceptation des reculs sociaux que – selon le patronat et les idéologues libéraux – les salariés doivent consentir pour se couler dans le nouvel ordre mondial. Cela conduit l’action syndicale à n’agir que sur les conséquences les plus négatives des politiques libérales et à renoncer à agir pour faire changer ces politiques elles-mêmes. Un social-libéralisme syndical portant le projet d’une société libérale charitable en quelque sorte ! D’où des positions confédérales accompagnant la régression des droits des salariés et des chômeurs, la libéralisation des services publics, le désengagement de l’Etat, etc. D’où aussi la prise de distance avec les mouvements sociaux et les conflits du monde du travail qui prétendent résister à cette entreprise de démantèlement social. D’où enfin, le reniement par l’actuel secrétaire général de l’héritage « autogestionnaire » des années 70, la période la plus identitaire de la CFDT. La voie est désormais ouverte pour l’affirmation sans gêne du libéral-syndicalisme d’aujourd’hui.

Extrait de la tribune publiée le 13 janvier 2004 par Claude DEBONS (ancien Secrétaire Général de la FGTE-CFDT et aujourd’hui militant de la CGT) et intitulée : « Où va le syndicalisme ? ».

Ceux qui souhaitent obtenir d’autres informations concernant les départs de la CFDT, peuvent visiter le site suivant :

http://spasmet-meteo.org/