Trois motions alternatives étaient proposées aux militants: la motion A, résultante d’un accord entre l’ancienne Position 2 et une partie de la Position 1 présentées au Congrès, qui proposait une candidature propre du NPA sans préciser le programme et l’orientation de cette candidature; la motion B, regroupant la partie restante de la Position 1 et la Position 3, qui proposait la poursuite des discussions avec le Front de Gauche en vue de donner un profil « unitaire à la démarche électorale du NPA »; et la motion C, présentée par la Position 4 et par un secteur minoritaire de camarades anciennement Position 2 qui proposait elle aussi une candidature indépendante du NPA mais sur la base d’un programme lutte de classe et révolutionnaire, comme premier pas pour une réorientation du parti.

La Conférence n’a fait donc que confirmer le résultat des AGs électives: Avec une courte majorité (50,4%) la motion A est arrivée en tête, suivie par la motion B (40%) et de plus loin par la motion C (5,8%)

Une nouvelle majorité certes, mais un pas en avant?

Le bloc ayant soutenu la motion A et un particulier les camarades de l’ancienne Position 2 présentent le résultat de la Conférence Nationale et la constitution d’une nouvelle majorité comme un grand pas en avant. Cependant loin d’apporter une clarification aux ambiguïtés qui sont à l’origine de la crise et qui ont de fait laissé la porte ouverte à l’orientation liquidationniste des partisans du texte B, cette nouvelle majorité est constituée d’une part autour d’une simple orientation électorale et voit en outre le jour sur la base de la plus grande confusion, et surtout du renoncement par son aile gauche (la Position 2) du programme qu’elle avait défendu lors du Congrès, par delà les limites des textes présentés par les camarades et que nous avions déjà critiqués à l’époque.

Pendant toute la Conférence les partisans de la motion A originaires de la Position 1 ne se gênaient pas du tout pour affirmer contre ceux qui critiquaient le caractère vide de contenu programmatique de cette motion qu’ils n’avaient pas besoin d’avancer un programme car le programme existait déjà et c’était le texte « Nos réponses à la crise »[[Ce texte a été présenté au Congrès par une commission regroupant des membres des positions 1 et 3. Il est disponible sur le [site du NPA->http://www.npa2009.org/content/nos-r%C3%A9ponses-%C3%A0…u-npa]. Nous l’avions, au nom de la Position 4, vivement critiqué, notamment dans notre plateforme, disponible sur le [site du CCR->http://www.ccr4.org/Plate-forme-Pour-un-NPA].]], défendu par les Positions 1 et 3 lors du Congrès de février.

Rappelons ce que disaient les camarades de la Position 2 avant le Congrès sur ce texte et pour justifier le fait de présenter un texte alternatif: « il y a un problème plus général que les camarades n’arrivent pas à résoudre malgré les retouches successives: l’absence d’un raisonnement qui devrait pourtant structurer tout le texte en faisant le lien entre les revendications portées par les travailleurs dans les luttes aujourd’hui et la prise du pouvoir. Cela tient aux ambiguïtés qui existent fondamentalement sur cette question, l’idée en particulier d’un gouvernement «au service de la population» qui s’appuierait sur les luttes, mais ne serait pas directement issu des nouvelles formes de pouvoir mises en place par le monde du travail et l’ensemble de la population dans les luttes; et au fond une conception assez ambiguë de la «rupture avec les institutions» qui se révèle finalement assez compatible avec l’idée d’une constituante et d’une VIe République tels que les défend (du moins en parole) Mélenchon[[«’Nos réponses à la crise’ ne convient pas au NPA », disponible sur le [site du NPA->http://www.npa2009.org/content/tribunes-sur-nos-r%C3%A9…crise].]]».

Et pourtant quatre mois plus tard ces camarades se taisent face à l’affirmation insistante des camarades de la Position 1 affirmant que « Nos réponses face à la crise » sera la base programmatique de la campagne. Ils en arrivent même à dire que le problème n’est pas le programme car là-dessus nous serions tous d’accord au sein du parti. Bref, au moins en ce qui concerne la Position 2 et ce qu’elle défendait jusqu’à hier, c’est plutôt d’un sacré pas en arrière qu’il faudrait parler ! La confusion est telle que nous pourrions donc nous retrouver dans la situation ubuesque de mener une campagne cautionnée par la Position 2, dirigée par la Position 1… avec le programme de la Position 3.

Des partisans du texte B qui sont bien plus clairs…

L’aile du parti regroupée autour du texte B a au moins le mérite d’être claire. Ne voyant pas d’opposition absolue entre les projets stratégiques du NPA et des composantes du Front de Gauche (FdG) elle propose de poursuivre une démarche unitaire visant non seulement les élections de 2012 mais la constitution d’une éventuelle opposition de pression à un gouvernement PS avec le PCF et le PG. Son projet est celui d’une refondation du NPA sur la base du projet d’un front politique permanent avec les organisations réformistes du FdG. N’ayant aucune délimitation stratégique avec le réformisme elle ne voit aucune raison pour que le NPA maintienne à tout prix son indépendance, risquant d’apparaître comme « sectaire ».

Au sein de la Position 4 nous nous opposons fermement à ces positions et nous considérons qu’elles consistent à trancher sur la droite les délimitations du NPA, déjà bien faibles. Cela conduirait à dissoudre le parti dans une gauche institutionnelle et docile incapable de présenter une quelconque alternative face à une extrême droite qui elle se présente comme radicale et anti-système. Ce serait répéter les erreurs dont le NPA prétendait avoir tiré les leçons, notamment en Italie et au Brésil. La participation à des organisations réformistes a mené au bout du compte à la participation aux gouvernements Lula et au soutien du gouvernement Prodi ainsi qu’à la gestion à échelle nationale des affaires capitalistes, incluant la répression contre les paysans sans-terre au Brésil ou l’envoi des troupes au Liban ou en Afghanistan pour ce qui est de l’Italie.

Cependant, le refus des partisans de la motion A de trancher la question de la délimitation avec les réformistes et présentant en effet l’impossibilité d’une candidature commune de la « gauche de la gauche » comme une simple question conjoncturelle (« les discussions n’ont pas pu aboutir ») continuera à alimenter l’apparition et le renforcement d’ailes droites qui s’opposent à « l’isolationnisme ». Car comme disait un dirigeant soutenant le texte B, le Front de Gauche ne disparaîtra pas après ces élections et le NPA continuera à devoir répondre sur le pourquoi il « refuse l’unité ».

Sur ces positions la droite du parti décide de faire elle un pas en avant… et de e diriger même peut-être vers la porte de sortie. Elle se constituera en un courant public pour regrouper les 40% des militants qu’elle représente. Elle entend, selon leurs propres mots, se donner les moyens faire vivre le projet fondateur du NPA auquel la nouvelle majorité serait en train de tourner le dos. Une belle démonstration de comment le flou du « projet fondateur » du NPA permet à chacun d’y trouver son compte. Il restera à voir qu’elle seront les « moyens » que se donnera cette opposition de droite et si elle ira ou pas jusqu’à soutenir la candidature du Front de Gauche en dépit de celle du NPA.

Un bon candidat ne suffit pas

Dans ce cadre de poursuite de la crise et de la confusion qui continue de traverser le NPA, la candidature d’un ouvrier de l’automobile ayant mené une lutte pour la défense des emplois à Ford Blanquefort est une bonne nouvelle. Pour notre part, en tant que Courant Communiste Révolutionnaire, nous avons toujours considéré que dans le contexte de l’offensive du Front National pour gagner les voix des ouvriers et de l’abandon avoué du PS de cette partie de l’électorat et depuis la décision d’Olivier Besancenot de ne pas se présenter, le NPA devait mettre en avant un ouvrier du rang en tant que candidat. L’annonce du projet de fermeture des sites de PSA Aulnay et Sevelnord est venue renforcer cette idée et la candidature d’un ouvrier de l’automobile se dessinait comme étant la plus appropriée. Ce dans ce sens que nous avons mis à disposition du parti le nom de Vincent Duse, ouvrier à Peugeot Mulhouse et membre de notre courant. Vincent lui-même a annoncé retirer sa candidature si Philipe Poutou choisissait de représenter le parti aux présidentielles, et ce en dépit des différences programmatiques et politiques que nous avons avec les camarades du texte A qui ont proposé sa candidature.

Cependant, comme nous l’avons dit au cours de la Conférence, un bon candidat ne suffit pas. Il faut également un bon programme et une bonne orientation, ce que la nouvelle majorité a précisément refusé de définir. Les premiers résultats de ce refus se voient malheureusement déjà dans les premières prises de parole publiques de Philippe Poutou. Malgré son charisme et ses qualités d’orateur il s’est vu très vite piégé par des questions auxquelles le NPA n’a pas su jusqu’à présent donner de réponse satisfaisante. Questionné sur la soi-disant « stratégie fermée » du NPA et sur pourquoi le NPA ne faisait pas d’alliance avec le Front de Gauche dans le Grand Journal de Canal Plus le 27 juin il a répondu: « C’est déjà arrivé dans des élections locales ou cantonales récemment, c’est déjà arrivé dans d’autres élections […] il n’y a pas eu d’accord cette fois-ci, comme il y en a pas eu la dernière fois, on n’est pas en train de dire ‘super, on n’est pas ensemble’, on aurait bien aimé se retrouver ensemble et se sentir plus fort effectivement. On n’a pas réussi. Il ne faut pas non plus dramatiser, on est ensemble aussi dans les combats au quotidien. Par exemple à la lutte de Ford, Mélenchon est venu nous soutenir. Voilà, c’est aussi ça qu’il faut voir. Il y a un côté des fois où de suite c’est le révolutionnaire qui est le méchant qui est sectaire, et non, ça ne se passe pas comme ça, c’est plus compliqué que ça. Et c’est vrai qu’aujourd’hui il y a des désaccords entre le Front de Gauche, entre Mélenchon et nous, ils existent. C’est ça qu’on n’arrive pas à résoudre pour l’instant. On pense qu’on a le droit d’exister, on a le droit de présenter une candidature sans être forcément taxé comme celui qui ne veut pas être avec les autres, voilà c’est plus compliqué que ça…[[Interview sur Canal Plus, disponible sur le [site du NPA->(http://www.npa2009.org/npa-tv/all/all/27449].]] ».

Malheureusement il semble que pour le NPA c’est toujours « plus compliqué que ça » de répondre à la question sur nos délimitations avec les réformistes. Et ce n’est pas en continuant a dire que c’est juste « cette fois-ci » que l’alliance n’a pas été possible et que c’est dommage de ne pas pouvoir « se sentir plus fort » à côte d’un gentil Mélenchon, avec qui on se retrouve pourtant dans les luttes (sic), en raison de désaccords dont le contenu n’est jamais précisé qu’on pourra se défendre des accusations de sectarisme… Il faudrait au contraire montrer comment malgré toute la démagogie les composantes du Front de Gauche refusent de dire qu’ils ne participeront en aucun cas à un gouvernement PS et n’ont pas abandonné l’idée d’une union de la gauche qui est déjà une réalité dans des nombreuses villes, départements et régions. Mais tout ceci est cohérent avec leur stratégie de révolution par les urnes qui n’est qu’une façade de la gestion des institutions capitalistes. Il s’agit-là d’une stratégie diamétralement opposée à celle d’une révolution sociale qui devrait renverser ces mêmes institutions. Cela est encore plus grave au moment où on se prépare peut-être à un gouvernement PS qui sera amené à appliquer en France des plans d’austérité qu’il soutient, par social-démocratie interposée, pour la Grèce, le Portugal et l’Espagne. Dire cela serait la seule façon de ne pas se retrouver sur la défensive sur la question de l’unité et de donner un profil vraiment anticapitaliste et révolutionnaire à la candidature de Philippe.

L’establishment politique s’acharne contre toute force potentiellement indépendante d’un gouvernement PS

Mais au delà de ces points faibles de notre discours politique, lorsque l’on lit la presse bourgeoise on ne peut s’empêcher d’être interpellé par la violence des propos de certains journalistes à l’égard de la candidature indépendante du NPA représentée par Philippe Poutou. C’est ainsi que Sylvia Zappi parle dans son article du 29 juin de « repli sectaire », de « pulsion suicidaire » et désigne Poutou comme « un inconnu élu sur une ligne sectaire digne des années 1970 ». Pourquoi autant d’acharnement contre une organisation qui, comme Zappi ne se prive pas de le rappeler à chaque occasion, ne pèse que 0,5% pour l’instant dans les sondages? Pourquoi cette pression permanente à « l’ouverture », entendue comme dissolution dans la « gauche de la gauche »? Pour bien le comprendre il faut y voir un certain calcul de la part de ceux qui se trouvent derrière les Sylvia Zappi et les journaux tels que Le Monde. La victoire du PS en 2012 apparaissant comme une hypothèse probable, le contexte européen étant ce qu’il est (et la situation grecque en donne une très bonne image), on peut s’attendre à ce qu’une expérience à l’échelle des masses se fasse une fois de plus avec cette gauche institutionnelle qui mettra en place soigneusement les plans du capital en imposant aux travailleurs « du sang et des larmes ». Face à ce scénario, les rédacteurs en sous-chef et les « journalistes » verbeux de la « gauche bourgeoise » craignent que l’existence d’une force vraiment indépendante à gauche de ce gouvernement puisse canaliser le mécontentement ouvrier et populaire.

Menons une campagne anticapitaliste et révolutionnaire qui soit à la hauteur de la « contre-révolution » sociale sans précédent qui se prépare en Europe

Contre la politique timorée de la nouvelle majorité qui risque de nous limiter à un rôle de gauche de témoignage il est possible de tirer profit de la crise actuelle de la bourgeoisie européenne pour passer à l’offensive. La Grèce nous montre ce que la bourgeoisie est disposée à faire. Il est fort probable que c’est également ce que nous prépare le patronat ici, en France. La réforme des retraites de cet automne n’était qu’un avant-goût. C’est en ce sens qu’il nous faut une orientation révolutionnaire, lutte de classe et internationaliste, également dans le cadre de la campagne électorale que nous nous apprêtons à mener.

Il faudrait mener une campagne qui explique que dans le cadre de la « contre-révolution » en cours et de son approfondissement, ce qui se prépare pour les années à venir ce sont des attaques monstrueuses et une baisse sans précédent de nos conditions de vie ; que dans un pays comme la France où 55 % des dépenses viennent des transferts sociaux et 20 % des rémunérations des fonctionnaires un plan de rigueur pour réduire le déficit veut forcément dire couper dans les retraites, les remboursements maladie, les allocations familiales, les allocations chômage, les minima sociaux, supprimer encore plus de postes dans la fonction publique et territoriale, hausser les impôts, etc. Face à cela l’alternative socialisme ou barbarie n’a jamais été autant d’actualité et le seul programme capable d’y répondre c’est celui de la révolution socialiste et du pouvoir des travailleurs.

Il faudrait mener une campagne qui s’appuie sur l’exemple des révolutions arabes et des mobilisations des travailleurs et des jeunes qui en Grèce et dans l’Etat espagnol affrontent dans les rues la politique des gouvernements soi-disant socialistes ; une campagne dont les principaux axes devraient être la défense des travailleurs contre les attaques de la classe dominante à l’image des menace de fermetures des sites de PSA à Sevelnord et Aulnay mais aussi la lutte contre notre propre impérialisme qui opprime et tue les peuples comme en Lybie.

Il n’y a qu’une orientation de ce type pour répondre à la situation historique que comptent nous préparer la bourgeoisie et le patronat, à moins d’être des sceptiques indécrottables et de penser que de telles attaques en France et en Europe pourraient passer comme une lettre à la poste sans générer d’importants phénomènes de résistance. C’est parce que nous sommes convaincus de cette perspective que nous nous battons non seulement pour empêcher un nouveau virage à droite du parti également mais pour lui imprimer une stratégie et une orientation révolutionnaires.

Rien ne garantit bien entendu qu’avec une campagne comme celle que nous proposons nous ferions un score spectaculaire. Cela permettrait cependant de tisser des liens avec les secteurs les plus avancés des travailleurs qui mènent ces nombreuses luttes « invisibles » en ce moment. Cela nous permettrait surtout d’être bien placés pour faire des pas en avant avec les travailleurs et les jeunes dès aujourd’hui et après 2012 pour aspirer à jouer précisément ce rôle que la bourgeoisie veut nous interdire en nous accusant de « sectarisme ». Ce serait un premier pas pour une refondation du NPA sur des bases révolutionnaires, la seule possibilité pour faire revivre le NPA en tant qu’outil politique et de lutte de classe pour des milliers de travailleurs et de jeunes qui s’affronteront inévitablement aux attaques du patronat et du gouvernement dans la prochaine période et afin d’empêcher les progrès de l’extrême droite populiste. Tout ceci reste possible, à condition d’opter pour la clarification politique et non pas pour la confusion comme fait jusqu’à présent la gauche du parti.

04/07/11

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