Rédaction de Econoticiasbolivia.com

La Paz, enero 28, 2004

Les populations des principales villes de Bolivie ont rejoint aujourd’hui les syndicats et les organisations sociales et populaires pour condamner les mesures économiques qu’envisage de mettre en place le président Carlos Mesa.
« Ils ne peuvent demander plus de sacrifices au peuple », « Que les riches payent la crise, pas les pauvres », « Cela va être la pire erreur du président », « Ils ne peuvent pas nous faire cela », dirent des citoyens de diverse conditions sociales aux chaînes de télévision et radios locales.
La protestation s’est généralisée dès lors qu’il a été su que parmi les mesures économiques que prépare le gouvernement figurait, entre autres, la fin de la subvention au gaz liquide domestique consommé par les ménages les plus pauvres et la hausse du prix des principaux carburants, qui a un effet multiplicateur sur le reste des produits de base et du transport.

SOULEVEMENT POPULAIRE

« Le peuple va se soulever », a averti le principal dirigeant de la Confédération des Paysans, le « Mallku » Felipe Quispe. « Si Mesa annonce le garrafazo ou le gasolinazo, le peuple va se soulever et très rapidement Carlos Mesa va tomber ».
« Nous nous préparons à sortir dans les rues pour refuser les mesures économiques et faire tomber Mesa », a assuré le leader des paysans de l’Altiplano, qui s’engage avec la Centrale Ouvrière Bolivienne (COB) à une grève générale illimitée et aux barrages de routes si Mesa lance les mesures économiques demandées par le Fondo Monetario Internacional (FMI) et ne répond pas aux attentes sociales. .
La protestation populaire fut d’une telle intensité qu’elle a alarmé jusqu’aux parlementaires du Movimiento al Socialismo (MAS) du cocalero Evo Morales, qui soutiennent le président Mesa et qui avaient condamné l’appel de la COB à la grève comme « séditieuse » et « golpiste » (coup d’Etat).
« Nous avons dit au Président que cela (éliminer la subvention au gaz liquide) est un suicide », a révélé le senateur du MAS, Filemón Escobar, en considérant que ces mesures économiques occasionneront de grands conflits sociaux.
« Il y aura une convulsion sociale, de laquelle sûrement vont profiter ceux qui ne veulent pas d’élections », s’est lamenté le parlementaire du MAS, parti qui tente de canaliser toutes les protestations sociales et la refus populaire du néolibéralisme par la voie électorale. Au MAS, il y a la peur que la lutte populaire soit stoppée par un coup d’Etat militaire d’extrême droite, ce qui suspendrait la démocratie, annulerait les élections et leur possibilité de gouverner.

LES MESURES

Selon les annonces officielles, le président Mesa annoncera cette fin de semaine son programme économique d’urgence avec lequel il tentera de financer un déficit fiscal de plus de 6 % du Produit intérieur Brut (PIB). Jusqu’à maintenant, on sait qu’il réduira de 10% les salaires de la haute bureaucratie et économiserait un peu plus de 35 millions de dollars avec une politique d’austérité. Cent autres millions de dollars seraient obtenus de la coopération internationale et il resterait à financer 250 millions de dollars, qui proviendraient des apports des entreprises pétrolières, de la fin de la subvention au gaz liquide, de plus fortes impositions sur les salaires et de la hausse du prix de l’essence, comme l’ont dénoncé des dirigeants syndicaux et comme l’ont révélé les propres autorités du gouvernement.
Dans les secteurs populaires règne la crainte, au regard des expériences passées, que l’augmentation des impôts et que la hausse du prix des carburants aient un fort impact sur les secteurs pauvres qui forment les deux tiers de la population et qui au vu de ce que se passe maintenant, ne paraissent pas être très disposés à se sacrifier comme le demande le président Mesa.
PAS PLUS DE SACRIFICES
« Chaque année on nous demande plus de sacrifices, chaque année on nous demande de nous serrer la ceinture, jusqu’où ? Les boliviens, nous sommes très pauvres, nous arrivons à peine à survivre », a protesté le dirigeant des professeurs de La Paz, José Luis Álvarez, qui pense que Mesa continue la même politique que l’ex président Gonzalo Sánchez de Lozada, abattu par la furie populaire en octobre dernier.
« Ils ont toujours dirigé l’économie, ce sont eux qui l’ont mise dans cet état (…) Si ils ne peuvent donner à manger au peuple, qu’ils quittent le pouvoir », a-t-il ajouté en appelant les travailleurs de tout le pays à s’organiser avec la COB pour freiner le « paquetazo económico »
A Cochabamba, le principal dirigeant de la Centrale Ouvrière Départementale, Alberto Machaca, a exigé de la direction nationale d’avancer la grève générale et les barrages de routes pour arrêter le gasolinazo de Mesa.
A Oruro, la Fédération des Mineurs a lancé également un appel à la mobilisation. »Nous avons décidé d’avancer vers l’unité des travailleurs autour des documents programmatique et révolutionnaires des mineurs, remplacer le Parlement bourgeois par une Assemblée populaire d’ouvriers, de paysans et de classes moyennes et de nous mobiliser contre les mesures économiques », a informé le dirigeant minier, Miguel Zubieta.

PLUS DE PROTESTATIONS

La protestation populaire a généré une division au sein du gouvernement, entre ceux qui insistent pour appliquer les mesures décidées avec le Fonds Monétaire International et ceux qui pensent que le gasolinazo n’est rien de moins qu’un suicide.
Tandis qu’à la télévision, les messages de protestation continuent, sur la chaine Bolivisión, par exemple, des habitants de Santa Cruz disaient : « Nous n’acceptons pas l’augmentation, vu que cela va toucher les pauvres », « Je ne suis pas d’accord avec l’augmentation du prix du gaz qui va affecter toute les produits de consommation courante », « Le gouvernement avant d’augmenter le prix du gaz doit augmenter les salaires », « Il semble que l’augmentation est importante, je crois que le gouvernement doit réfléchir avant d’appliquer cette mesure impopulaire ».
A La Paz, la protestation était identique : « Ceci est une mesure contre le peuple. Où allons-nous sortir de l’argent pour acheter le gaz, vu que les salaires n’augmentent pas depuis plusieurs années? », « Je ne suis pas d’accord avec cette politique du gouvernement « , « J’aimerai que le gouvernement m’explique comment il va identifier les plus riches pour que ce soit eux qui payent pour le gaz, ceci est une connerie de plus pour lancer ses mesures », « Je suis en total désaccord avec ces mesures. Il semble que président Carlos Mesa se trompe, vu que les mesures économiques ne doivent pas se faire sur le dos du peuple mais sur celui des riches et de la classe politique » .
A Cochabamba, la même histoire : « Je ne suis pas disposé à payer cette somme, vu que la crise économique frappe tout le peuple. Je croit que le gouvernement doit réfléchir et retirer ces mesures », « Il n’y a pas de travail, nous n’avons pas d’argent, et en plus ils veulent nous imposer ce garrafazo. Avec cette mesure, le gouvernement va nous obliger à commettre des délits », « Avec cette crise économique, comment pensent-ils augmenter le prix du gaz. », dirent-ils à Bolivisión.

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