Alors que le remplaçant de Michel Destot (maire de Grenoble) avait fini son discours d’ouverture, le consul de Russie, en provenance de Lyon, s’apprêtait à prendre la parole… quand deux personnes sont montées sur l’estrade et ont déployé une banderole en solidarité avec la lutte menée à Khimki et contre la collaboration de l’entreprise française Vinci dans la déforestation et le projet d’autoroute Moscou-Pétersbourg, banderole écrite en russe !

Au même moment, quelques panneaux « Free Denis » étaient brandis, et des tracts étaient distribués à toutes les personnes présentes pour cette soirée prout-prout (cf. ci-dessous et ici au format PDF).

Les représentants du consulat de Russie et de la Ville de Grenoble ont été pris à partie, ceux-ci cherchant bien sûr à esquiver le sujet et à terminer au plus vite cette perturbation plutôt gênante pour l’image aseptisée de la bonne entente franco-russe mêlant Etats et entreprises privées.

Après plusieurs minutes de désordre joyeux, tandis que les pontes de la soirée ne savaient plus trop comment se débarrasser de nous et avaient déjà appelé les flics à la rescousse, nous avons décidé de quitter les lieux, desquels nous n’avions rien à attendre, en criant « Liberté pour Denis ».
Le message est passé, et s’il le faut nous reviendrons.

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La Russie vue du train…
et le béton vu de la prison ?

Du 2 au 9 avril 2011, semaine d’action et de solidarité avec les « otages » de Khimki

Un projet à but lucratif…

En 2007, les habitant-e-s de Khimki, une ville de la banlieue de Moscou, prennent connaissance d’un projet de construction d’une autoroute à péage Moscou-Pétersbourg, qui devrait passer à travers la forêt entourant la ville. Assez vite, un mouvement local se constitue alors pour défendre la forêt et contrer ce projet d’autoroute.
En 2008, la commande de construire l’autoroute Moscou-Pétersbourg passe à la compagnie française Vinci…

En juillet 2010, dans le cadre du projet de Vinci, l’agence d’Etat russe « Les Routes de Russie » et la SARL sous-traitante « Teplotekhnik » se mettent à la déforestation, sans même avoir l’autorisation de coupe.

Une résistance populaire confrontée à une défense du pouvoir brutale et sanguinaire

Dès 2007, la lutte prend différentes formes (mobilisations locales, manifestations, recours juridiques, articles dans la presse moscovite) et plusieurs personnes prenant part à cette lutte (notamment des militant-e-s et des journalistes) sont menacées, agressées, parfois mutilées et tuées : entre 2008 et 2011, plusieurs personnes ont été grièvement blessées dans des attentats ciblés. En 2009, un journaliste indépendant, Sergueï Protazanov, est décédé des suites de ses blessures. D’autres ont été handicapé-e-s / mutilé-e-s à vie.

Mais si les habitant-e-s de Khimki défendant la forêt sont les cibles des provocations policières et des attaques d’« inconnus », subissant des arrestations brutales lors des manifestations, des tortures dans les bureaux de police, des agressions par « surprise » dans la rue, etc., cela n’affaiblit pas la lutte, les habitant-e-s de Khimki ne baissent pas les bras, et la lutte s’est internationalisée depuis l’été dernier.

En juillet 2010, alors que la déforestation commence, des habitant-e-s de Khimki, des militant-e-s écologistes, anarchistes, antifascistes et autres arrivent sur le chantier et y installent un campement pour empêcher que les travaux continuent. Le campement est attaqué à plusieurs reprises, les militant-e-s sont harcelé-e-s quotidiennement, et le 23 juillet, une centaine de « mercenaires », pour la plupart néo-nazis, attaquent et détruisent le campement, tabassent certaines des personnes actives sur le campement… Et quand la police arrive, seul-e-s les militant-e-s du campement sont arrêté-e-s ! Les travaux continuent alors de plus belle, jusqu’au 28 juillet, quand une manifestation sauvage de plusieurs centaines de personnes s’ébranle dans les rues de Khimki, contre la déforestation en cours. La mairie de Khimki, plus que complice de la déforestation, est attaquée par des manifestant-e-s (des slogans sont inscrits sur sa façade et quelques vitres sont brisées). La police est prise de vitesse, mais le lendemain, elle arrête deux militants antifascistes, Alexeï Gaskarov et Maxim Solopov, et les fait incarcérer provisoirement, sous l’accusation de « graves troubles à l’ordre public », « utilisation en bande organisée d’armes et d’objets utilisés comme des armes ». Libérés fin octobre 2010 suite à des actions de solidarité dans le monde entier, ils risquent toutefois sept ans de prison ! La prochaine audience pénale les concernant aura lieu le 14 avril 2011.

Plus récemment, Denis Solopov a été arrêté à Kiev, en Ukraine, le 2 mars 2011. Lui aussi est inculpé par la Justice russe pour sa participation à la manifestation de Khimki le 28 juillet dernier. Détenu à la maison d’arrêt de Kiev, Denis est menacé d’extradition vers la Russie… La durée de sa détention provisoire est de 40 jours et se termine le 11 avril, après quoi il doit soit être libéré, soit maintenu en détention en vue d’extradition, ce qui peut durer jusqu’à un an et demi !

Vinci défonce la planète

Déforestation en Russie, exploitation de mines d’uranium au Niger, Vinci, en tant qu’entreprise française, est aussi impliquée dans des projets destructeurs en France, puisque près de Nantes, Vinci est responsable d’un énorme chantier d’aéroport (à Notre-Dame-des-Landes) contre lequel se battent également de nombreuses personnes, plusieurs manifestations ayant déjà eu lieu, et le vaste terrain prévu pour le chantier est occupé déjà depuis deux ans.

Même si à Khimki, les travaux sont suspendus depuis l’été dernier, Vinci souhaite en toute indifférence (le capitalisme ne peut avoir de scrupules) la reprise des travaux. Déjà, en décembre 2010, Vinci espérait que la visite de Fillon à Moscou « débloquerait » la situation.

Vinci n’est qu’un porte-monnaie géant, une espèce de monstre avec des € dans les yeux. Quand on veut rester le leader mondial de l’aménagement du territoire, on a surtout intérêt à se mettre bien avec un maximum de gouvernements et à ne pas faire de sentiments avec des questions d’ordre éthique ou social.

Prison, béton… NON ! Анархия… да !

Pas d’illusions à avoir, Vinci fait le sale boulot pour pratiquement toutes sortes de projets étatiques : tandis que Denis est emprisonné à Kiev, tandis que plus de 60 000 personnes sont incarcérées en France, Vinci continue de construire des prisons, notamment dans les Antilles françaises. Voilà bien un marché « porteur » que celui de la prison et des centres de rétention pour étranger-e-s ou pour jeunes « délinquant-e-s » !

Nous pensons que la prison est au service des riches et des possédant-e-s (comme la Loi et le Droit) . La menace de l’incarcération et l’enfermement lui-même tentent de nous maintenir dans la peur et la soumission. Quel beau monde que celui-ci ! Face à lui, nous n’avons pas honte d’affirmer que des perspectives révolutionnaires nous semblent à la fois nécessaires et enthousiasmantes !

Faisons sortir Denis de prison, faisons sortir les anarchistes biélorusses incarcérés entre autres suite à une action de solidarité avec la résistance de Khimki, faisons sortir tou-te-s les taulard-e-s de toutes les prisons de la planète ! Nos sourires n’en seront que plus vivants et intenses !

Jamais d’expo « La Russie vue de l’autoroute » !

La semaine internationale d’action et de solidarité avec les otages de Khimki, lancée depuis la Russie, tombe en même temps que la dix-septième semaine (grenobloise) de la langue et de la culture russes. Alors que les Etats français et russe font leur business avec Vinci et autres, une conférence se tiendra le 8 avril, sur « l’état de la coopération franco-russe dans le domaine économique », l’affaire de Khimki sera certainement occultée ou diffamée, dans la bonne vieille indifférence qui préside lors de ce genre d’événement consensuel et « démocratique ». Il serait de toute façon fort étonnant, et hypocrite, que la très policière et capitaliste Ville de Grenoble prenne parti en faveur de la résistance de Khimki.

L’exposition « La Russie vue du Train » organisée à la Maison des Associations nous semble être un clin d’oeil éhonté à l’expo que Vinci et les Etats russe et français aimeraient voir un jour : « La Russie vue de l’autoroute ».
Nous appelons la population, et non les institutions, à se solidariser avec la lutte menée à Khimki. L’autoroute ne passera pas !

Nous exigeons la libération de Denis et l’arrêt des poursuites envers Alexeï, Maxim et Denis !
Et que Vinci cesse de détruire la planète et de nous pourrir la vie !

Grenoble, le 4 avril 2011,
CCCP (Collectif Contre le Capitalisme et la Prison)
Contact : souti1culpees38 at riseup point net