A TOURS LA JUSTICE SE DEFILE
HORTEFEUX ASSUME TA PLAINTE !

Le 3 décembre devait se dérouler le procès des quatre prévenus de Tours (deux de SOIF D’UTOPIES et deux du RESF 37) à la suite de la plainte de Hortefeux pour diffamation d’administrations publiques. Dans un communiqué intitulé « les baleiniers », daté du 12 février 2010, signé par SOIF D’UTOPIES et RESF 37, ces deux structures faisaient état de leurs soupçons quant à l’utilisation du Fichier Base-Elèves pour arrêter en vue de les expulser des familles de sans papiers. Il était affirmé que cela rappelait des pratiques employées par la police sous le régime de Vichy
Les deux militants de SOIF D’UTOPIES ont demandé à être jugés exclusivement sur le fond, puisque ce procès est politique. Par contre, ceux de RESF 37 ont souhaité que soit aussi pris en compte dans le jugement les questions de procédures. La présidente du tribunal correctionnel de Tours a reporté une seconde fois le procès au… 17 février 2011. Ce sont des questions de procédure qui ont motivé sa décision. Il faut attendre le 6 janvier 2011 pour savoir si le tribunal retient les nullités de procédure. Trois réponses sont possibles :
relaxe des quatre prévenus. Ainsi le tribunal n’aura pas à juger sur le fond ;
relaxe des deux prévenus de RESF 37 et poursuite du procès sur le fond pour ceux de SOIF D’UTOPIES ;
elles ne sont pas retenues et le procès des quatre prévenus pourra également se dérouler sur le fond.

Les juges sont très gênés pour remplir leur fonction. Ils repoussent (refusent ?) le débat de fond que suscite le procès. Accepteront-ils de juger ? Trois questions leur seront posées.
Est-ce que des individus, des structures peuvent faire part publiquement de leurs soupçons par rapport à d’éventuelles dérives ou exactions de la part de l’administration ou de la police ? Par exemple, Le Monde publie un article révélant que la gendarmerie élabore des fichiers par rapport aux Roms. Les responsables de ce quotidien doivent-ils être poursuivis ? Lorsque des médias informent de l’existence de la circulaire du 5 août 2010 (ordonnant aux préfets d’organiser la chasse aux Roms), leurs directeurs de publication doivent-ils être poursuivis ?

* Est-ce que des individus ont le droit de faire des comparaisons historiques ? Précisons d’abord qu’une comparaison n’est pas un amalgame. Il est hors de question de dire que Sarkozy c’est Pétain, ou que derrière le masque de Le Pen se cache Hitler, etc. Comparer c’est prendre en compte l’expérience historique que nous apporte, en l’occurrence la période de Vichy, afin d’interroger notre passé pour agir sur le présent et tenter d’envisager différents avenirs. Transformer des enfants en appât afin d’arrêter des familles sans papiers et tenter de les expulser du territoire rappelle des pratiques utilisées par le régime de la collaboration. Faire ces comparaisons et alerter est plus que nécessaire. Que le ministre ne soit pas d’accord avec ce type de comparaisons, c’est son opinion. Mais peut-il tenter d’en censurer d’autres, différentes de la sienne ?
* Comment se fait-il que les quatre prévenus soient poursuivis, comme bon nombre d’autres personnes ayant fait des comparaisons historiques de même nature, alors que des responsables politiques les ayant faites ne le sont pas ? Nous avons un début de réponse. Récemment, J.L. Mélenchon a déclaré que des policiers pouvaient être impliqués dans certains actes violents lors de manifestations. Le ministre de l’intérieur n’a pas souhaité porter plainte contre lui, comme le lui demandaient plusieurs syndicats de policiers. Il craignait que cela « serve de caisse de résonance » à ce ténor politique. Ainsi donc, si l’on est connu médiatiquement on peut échapper aux foudres du ministre ; par contre les manants sont trainés devant les tribunaux. Quel courage Monsieur le ministre !
Si le tribunal correctionnel de Tours relaxe sur le fond les quatre prévenus, il affirmera clairement qu’il n’a pas à prendre position sur ces différentes questions. Cela relève de débats de société. La Justice n’a pas à intervenir dans ceux-ci. Par contre, si ils sont condamnés cela signifiera qu’elle conforte la volonté de l’Etat d’imposer le silence sur des dérives de l’administration, de la police et de la gendarmerie, qu’elle entérine la censure d’Etat, qu’elle avalise un traitement inégal de la part de l’Etat selon qu’on soit notable ou manant.
Relaxer les quatre prévenus signifiera aussi que les juges du siège ne sont pas totalement sous la coupe du parquet. Rien ne les oblige à aller dans le sens de la décision politique du procureur : déférer les quatre prévenus devant le tribunal correctionnel en raison de la plainte du ministre de l’intérieur. Ce magistrat est soumis hiérarchiquement au ministère de la justice. Si les juges les condamnent, ils montreront que la Justice est bien sous l’autorité du gouvernement. Cela renforcera le sentiment que nous sommes confrontés à une justice de classes !
Fondamentalement, si l’on ne veut plus que ce genre de procès ait lieu, si l’on ne veut plus voir des militants, des personnes trainés devant des tribunaux parce qu’ils dénoncent des exactions de la police, de la gendarmerie ou de l’administration (qui ne sont pas des bavures, mais sont inhérentes à la xénophobie d’Etat, voire au racisme de celui-ci), cela passe avant tout par la régularisation de tous les sans papiers, l’ouverture des frontières, la liberté de circulation et d’installation, la fermeture et la disparition des camps de rétention. Sinon, l’Etat continuera d’organiser la chasse aux sans papiers, générant les drames humains que nous connaissons tous les jours, les dérives policières et administratives. La xénophobie ou le racisme d’Etat conduisent à la dénaturalisation de certaines personnes de nationalité française. Le régime de Vichy est de ce point de vue riche d’enseignements. Aussi, il y aura toujours des militants, des personnes pour dénoncer les actions de l’Etat dans le cadre de cette politique.
Dans l’immédiat, si les quatre prévenus sont relaxés sur le fond, ce jugement servira de jurisprudence. Ainsi, plus personne ne pourra être condamné parce qu’il aura fait part publiquement de soupçons à propos d’exactions ou de dérives de l’administration, de la police ou de la gendarmerie. De même, les comparaisons historiques avec le régime de Vichy ne seront plus condamnables. C’est notre objectif politique. « On lâche rien ! »

RELAXE DES QUATRE PREVENUS DE TOURS
DEBOUTONS HORTEFEUX
LIBERTE D’EXPRESSION
NON A LA CENSURE D’ETAT
DES PAPIERS POUR TOUS

Tours, le 4/12/2010
Jean Christophe BERRIER, Muriel EL KOLLI
2 des 4 prévenus
membres du collectif SOIF D’UTOPIES
06 31 56 17 56
soifdutopies@yahoo.fr