Relevé d’un dialogue
ayant eu lieu, dans la
nuit du 5 au 6
novembre 2010,
devant le siège de
Ouest-France bloqué.

Captation et transcription proposées
par l’Institut de démobilisation.

Lieu : Le siège de Ouest-France (Chantepie)

Temps : Le 5 novembre, à 23H30

Personnes impliquées dans le dialogue :
D’un côté, MM. Philippe Boisonnat, directeur départemental
d’Ille-et-Vilaine, Michel Boucher, directeur général délégué de
Ouest-France (notés indifféremment A) ; De l’autre trois
individus participant au blocage (notés indifféremment B).
(N.B. : Ces deux « indifféremment » sont notés non par
indifférence, mais parce que notre captation n’a pu discerner,
pour raison technique, les propos particuliers des uns et des
autres, à l’intérieur des deux camps.)
Situation : Depuis une demi-heure, une centaine d’individus
bloque les voies d’accès de l’entrée principale du siège de
Ouest-France. Des policiers sont déployés à l’intérieur du site
dans lequel des manifestants ont pénétré un peu plus tôt.
A – Comment pouvez-vous vous en prendre ainsi à la liberté
d’expression ? C’est un fait grave que d’empêcher la presse
de travailler…
B – Mais c’est justement Ouest-France qui attente à la liberté
de la presse ! Votre journal contrôle tout ou presque en
Bretagne. Vous êtes hyper-puissant et sans pitié avec vos
adversaires et ceux qui écrivent des choses contre vous. Vos
avocats sont très efficaces pour faire taire les récalcitrants.
Tout le monde le sait. Et c’est vous qui nous accusez
d’attenter à la liberté de la presse, c’est le monde à l’envers !
A – Des livres critiques à l’égard de notre journal ont été
publiés. Vous pouvez les trouver en librairie et les lire !
B (avec insolence) – C’est vrai, celui de votre ancien
journaliste Guy Delorme est d’ailleurs très instructif. On peut y
lire combien votre journal a toujours été au service du pouvoir
de manière fort servile. C’est pour ça d’ailleurs que vous avez
été obligés de changer de nom. L’Ouest-Eclair a été l’un des
journaux les plus collabos de France et a nourri par ses
articles la haine antisémite.
A – Paul Hutin, le fondateur de notre journal, n’a pas collaboré
et il a quitté le journal pendant la guerre! C’est très clair.
B – Vous avez raison, Paul Hutin n’a, en effet, pas collaboré
mais le journal est resté dans les mains de la même famille,
celle des Desgrées du Loû-Hutin et les résistants y étaient
d’ailleurs très opposés, n’est-ce pas ? Mais votre Paul Hutin,
c’était un malin… Il a réussi a récupéré le journal.
[…]
A – Mais est-ce que vous savez seulement combien de
lecteurs nous avons ? Nous en avons deux millions ! Et c’est à
ces lecteurs que vous vous en prenez en bloquant ce site
comme vous le faites.
B – Deux millions de lecteurs, ce n’est pas un
argument…N’importe quelle émission de télé débile a plus de
spectateurs que vous de lecteurs…Vous êtes à la traîne…Et
puisqu’on parlait de la collaboration, vous savez bien que la
résistance était le fait au début d’une poignée de marginaux
et de farfelus…Est-ce que pour autant ils avaient tort? Et
combien de millions de lecteurs avait L’Ouest-Eclair? Nous
serions curieux de le savoir…
A (visiblement très choqué)– Ainsi, vous vous prenez pour des
résistants, c’est ça ? Vous ne manquez pas de toupet !
B – Vous avez raison, Monsieur, ce n’est pas parce que vous
êtes des collabos que cela fait de nous, nécessairement, des
résistants.
A – Ah, d’accord… Quand même…
B – Et puis, vous savez, nous aussi nous lisons votre journal.
Nous sommes aussi de vos lecteurs. Un certain nombre pense
d’ailleurs que Les Hutin sont de grands comiques, que les
articles de François-Régis ou Jeanne Emmanuelle sont du
second degré… Que les Hutin sont l’équivalent dans le
domaine de la presse de la dynastie Zavatta… Une dynastie
de comiques que les Hutin… Jeanne Emmanuelle doit
d’ailleurs déjà avoir un descendant prêt à prendre la relève,
non ?

[Pendant ce temps, des camions de police manœuvrent
devant l’usine, les manifestants acceptent de laisser sortir les
salariés qui ont fini leur journée, des étudiants en théologie
sortent du site qu’ils ont visité et viennent discuter avec des
bloqueurs. Autour des barricades constituées essentiellement
de poubelles de petits groupes se sont formés. Au-dessus du
siège, le logo de Ouest-France brille dans la nuit]

A – Mais est-ce que vous vous rendez seulement compte que
vous allez empêcher la diffusion de plusieurs centaines de
milliers de journaux ?
B – Mais, monsieur, nous sommes précisément ici pour cela.
Pour vous bloquer. Ce dialogue n’est qu’anecdotique. Nous
sommes venus pour empêcher votre journal de paraître et non
pour parler de la liberté d’expression, de votre liberté
d’expression qui n’est que votre liberté de mentir et de
désinformer. À votre liberté d’expression, nous opposons notre
liberté de vous bloquer.
A – Vous auriez pu prendre rendez-vous, nous vous aurions
reçus et vous auriez pu nous faire part de vos critiques
touchant certains articles!
B – On serait venus vers 16 heures et on aurait pris un café en
parlant de vos articles dégueulasses… C’est ça? Parlons-en
maintenant de vos articles. Celui sur la première action de
blocage du dépôt de Vern-sur-Seiche était mensonger. Il était
écrit qu’il n’y avait là que des éléments extérieurs. C’était
faux. Nous sommes venus aider des salariés à bloquer leur
dépôt. Votre journaliste ne pouvait pas l’ignorer. Il n’est pas
débile à ce point-là. Il ne pouvait pas ignorer la présence de
salariés. Il a menti délibérément pour discréditer cette
action…
A – Ne caricaturez pas ainsi les journalistes s’il vous plait, et
vous les connaissez nos journalistes, n’est-ce pas? Vous les
croisez dans les manifestations…
B – Bien entendu et certains le disent que leur marge de
manœuvre est limitée parce qu’ils travaillent pour un journal
de droite des plus réactionnaires. Ils aimeraient sans doute
écrire autre chose, pour certains, car ce ne sont pas tous de
mauvais bougres mais les temps sont durs et ils ne veulent
pas perdre leur boulot… Ils ont d’ailleurs fait paraître un
communiqué, par le biais du SNJ, pour déplorer notamment
les éditos de François-Régis. Des salariés de l’imprimerie
rencontrés pendant les manifestations les ont déplorés
aussi…Eux aussi les ont trouvés dégueulasses, ces éditos…
A – Mais vous ne pouvez pas rester là ! Nos journaux sont
comme des produits frais qui doivent être livrés chaque
matin !
B – Des produits frais ? Ce sont plutôt des poissons pourris!
A – Nous sommes un service public, nous sommes au service
du public !
B – Qu’est-ce que vous êtes drôle !
A – Mais je ne plaisante pas ! Vous allez empêcher la diffusion
de 600.000 journaux!
[ À cette dernière phrase des A, plusieurs individus, parmi
ceux venus bloquer, applaudissent ]
B – On veut parler à François-Régis ou à Jeanne Emmanuelle!
Qu’ils viennent ici! Ou filez-nous un édito!


Novembre 2010.
À la Maison de la Grève (Rennes).
Institut de démobilisation
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