Dieudonné appartient-il à l’extrême-droite ? D’évidence non. Dieudonné a-t-il été victime d’une cabale destinée à le briser ? Il n’y a pas le moindre doute. Cette cabale est-elle justifiée ? Elle a eu ses puanteurs. Dieudonné est-il vraiment antisémite ? De la judéomanie à l’antisémitisme, il n’y a qu’un pas que le comédien a depuis allègrement franchi. C’est d’ailleurs ce que pensent, quoiqu’en disent les naïfs, les antisémites de tout faf et de tout négationnisme qui se sont empressés de le rallier ou de l’aider, prélude à d’originales manipulations…Au bout de la route, sans grande surprise, le FN…

Un colon israélien qui hurle « Isra-Heil » à la télé, c’est Dieudonné, caricaturant à peine le discours d’une extrême-droite juive, ultra-sioniste et violemment raciste que nous traitons par ailleurs dans ce numéro. Ce n’est certes pas fin. Comme ce secteur s’est spécialisé dans l’accusation d’antisémitisme tout azimuth, la nouvelle cible est toute trouvée, d’autant que Dieudonné avait déjà dérapé auparavant !

Dans une ambiance délétère ou l’antisémitisme a connu une montée indéniable, liée au conflit en Israël-Palestine, Dieudonné se juge injuste victime d’un « lobby » représenté par le CRIF, se rebiffe et… en rajoute. Outre l’insistance avec laquelle il revient sur le phénomène « sioniste » et « les sionistes qui l’attaquent » (même si ce n’en sont pas), quand il parle des « négriers reconvertis dans la banque », quel que soit le contexte, il passe largement les limites du tolérable. Cela lui vaut procès sur procès (une vingtaine à ce jour) sur des mots plus que douteux, mais aussi, c’est sa défense, tronqués ou/et sortis de leur contexte. Comme il les a tous gagnés, sauf le dernier, actuellement en instance d’appel, il se persuade peut-être qu’il n’est pas plus antisémite que d’autres victimes de cabales anti-antisémites, carrément grotesques quant à elles, comme celles initiées contre Daniel Mermet, Pascal Boniface ou Edgar Morin…

De dérapage en outrance judéomaniaque, Dieudonné a ainsi perdu la plupart des soutiens de ceux qui espéraient que son antisionisme était une option politique, et pas une déviance antisémite. La liste EuroPalestine s’est débarrassé de lui à cause de ses mauvaises fréquentations [1] ; l’historien Louis Sala-Molins, avec lequel il avait pourtant rédigé le scénario de son projet de film Le Code Noir, pourtant une grande idée, l’a récemment lâché…

D’autres font les aveugles et les sourds, autour notamment du site internet « Les Ogres », ou de l’association « La banlieue s’exprime », que Dieudonné parraine. Il est vrai que le reste du discours dieudonniste, profondément républicain, anticommunautariste, social et ralliant les oubliés du post-colonialisme a de quoi attirer.

Mais d’autres encore ont parfaitement compris où il se dirigeait et se sont vite précipités à ses côtés, pour l’accompagner ou en rajouter. On ne peut croire que le fait soit volontaire, mais Dieudonné a réussi le tour de force d’attirer autour de lui la quasi totalité des mouvances antisionistes ultra et antisémites, auparavant éclatées.

Le phénomène de dérive vers des alliances contre-nature n’est pas nouveau et a connu ces dernières décennies quelques exemples célèbres, comme le dirigeant vert Jean Brière au début des années 90 ou le militant libertaire Fausto Giudice : des dérapages verbaux ou écrits, pas forcément révélateurs, suivi de procès politiques pas toujours de bonne foi, un refus de la personne de fermer sa grande gueule, et pendant que les portes se ferment devant lui, d’autres s’entrouvrent qui lui murmurent dans une haleine de souffre : « tu as raison ; nous, on te comprend… » Une solidarité des réprouvés qui amène rapidement sur des terrains fangeux…

Carrefour des antisémitismes

Ainsi, la petite bande du site négationniste de l’Association des anciens amateurs de récits de guerres et d’holocaustes (Aaargh) toujours en recherche d’un damné de la terre fleurant bon la haine du « sionisme », n’hésite pas à accompagner dans le même temps les communautaristes islamistes (cf article « Allah va comme je te pousse ») et à fréquenter, paradoxe, le théâtre de la Main d’Or de l’anticommunautariste Dieudonné. Officiellement, le soutien à la cause palestinienne et l’antisionisme radical sont la base de l’alliance. Ginette Skandrani, copine du facho-islamiste Latrèche, intègre même le staff de campagne présidentiel de l’ex-comique. Son bon camarade, le chercheur négationniste Serge Thion, viré pour cette raison du CNRS en 2000, intervient dans le site dieudo.net sous le pseudo peu original de Serge Noith ; Israël Shamir, alias Adam Ermash (anciennement Jöran Jermas) a fait de même, ne cachant même plus sa haine sous le vocable « sioniste », et parlant ouvertement de « juiverie » : il est vrai que le malheureux était alors sous le choc de l’emprisonnement de son ami négationniste britannique David Irving, aux sympathies néo-nazies affichées… La traduction de ses textes est de Maria Poumier, autre rédactrice du site, enseignante à l’université Paris 8-Saint-Denis et proche de Roger Garaudy, puis qu’elle est secrétaire de rédaction de sa revue A Contre Nuit. Elle est aussi responsable de l’association « Entre la plume et l’enclume », que l’on trouvait au côté de Dieudo organisatrice d’une manifestation en soutien au peuple palestinien en juin 2006. Cette manifestation avait la particularité d’être appelée par tout ce que la cause palestinienne peut compter de soutien nauséabond, à savoir La Pierre et l’Olivier de Ginette Skandrani, l’Association Zapatiste de Libération Sociale et le Collectif Guantanamo de son vieux pote Fausto Giudice, le Comité Cheik Yassine, (du nom de l’ancien chef du Hamas tué par les Israéliens) de Abdelhakim Sefrioui, membre lui aussi du bureau de campagne de Dieudonné et trésorier du Conseil des Imams de France(! !), et le Collectif de la Communauté Tunisienne en Europe de Mondher Sfar, aussi bien connu de la sphère négationniste. Pas de surprise : ce petit monde travaille ensemble depuis bien longtemps.

Dieudonné lui-même ne nie pas le génocide juif. Mais il relativise la portée de la Shoah par le parallèle fait, entre autres, avec les victimes de la traite négrière. C’est regrettable puisque les deux combats pour la mémoire, aussi légitimes l’un que l’autre, ne sortent pas renforcés par ce type de stratégie de comparaison victimaire. Il fait aussi la critique de l’utilisation de la Shoah pour la justification et la défense de l’Etat israélien. Ce n’est pas forcément faux, même si l’idéologie sioniste s’en est fort bien passé avant les années 40, mais les références choisies sont plus que douteuses puisque Dieudonné fait appel au livre L’industrie de l’Holocauste de l’américain Norman Finkelstein, fortement sujet à caution à cause de son ambigüité et d’erreurs manifestes, et défendu par la plupart des négationnistes. Notons que le maladroit Finkelstein n’est pas lui-même suspect des dérives de ses « sympathisants ».

Hors groupe négationniste autour de l’Aaaargh, on retrouvera dans les mauvaises fréquentations de Dieudonné toute une clique islamisto-populiste, quasiment au grand complet, qui avait fondé le Mouvement Justice et Dignité et appelé à la manif islamiste contre la loi sur le voile du 7 févrer 2004(cf article « Allah va comme je te pousse »). On a pu croiser à plusieurs reprises Nouari Khiari et Maata-Makhlouq faisant la claque à la Main d’Or. Nouari Khiari, lors d’un rassemblement en novembre 2004 contre un gala de soutien à l’armée israélienne, s’est fendu d’un petit discours antisioniste musclé conclu par un vibrant appel à soutenir Dieudonné. Lors du spectacle « Mes excuses » au Zénith à Paris en décembre 2004, il assurait le service d’ordre aux côtés de Joss, le garde du corps du comique, avec un fort groupe de jeunes des quartiers qu’il avait mobilisé pour l’occasion. Etranges passages, étranges fusions entre des groupes et des idéaux que tout devrait opposer, à part la haine du « sioniste », pris bien entendu au sens extra-large. Dans la clique MJD soutenant Dieudonné, on notera encore la présence de Jean-Paul Cruse (voir encadré et article « Allah va comme je te pousse »)…

C’est probablement grâce à une de ces mouvances qu’on a pu voir à quelques reprises Dieudonné s’afficher avec les juifs ultra-orthoxes Naturei Karta, une scission de 1935 du mouvement Agudat israël. Profondément antisionistes par conviction religieuse, il considèrent que l’Etat israélien est une hérésie puisqu’il doit être donné par Dieu et non construit par les hommes. On les trouve principalement à New York, mais aussi dans le vieux quartier de Mea Sharim à Jerusalem, où ils font leur possible pour ne rien accepter de l’Etat hébreu. Par haine d’Israël, ils sont prêts à se compromettre avec tout mouvement antisioniste, surtout les pires ; les radicaux antisémites ne se privent pas de les utiliser. Ils étaient ainsi présents en décembre dernier à la conférence négationniste de Téhéran . Mais laquelle des tendances a payé leur venue et leur hébergement en France ?

Après les piliers de l’Aaaargh, les opportunistes d’Allah et les toqués de Yaveh, on trouve aussi les complotistes de Thierry Meyssan et du réseau Voltaire, pour qui l’avion sur le Pentagone du 11 septembre 2001 n’a jamais existé ! La dérive de ce personnage et de ses fidèles mérite un article entier que nous réservons pour un prochain numéro (avant deux ans, c’est juré !). Parmi les amis du personnage, Francesco Condemi, caution « de gauche » du staff présidentiel de Dieudo et mystérieusement disparu depuis le voyage au Liban de son boss. La découverte de l’entourage fascisant de Dieudo l’a-t-il choqué ? Ce n’était pas le cas quand il faisait le beau aux dédicaces d’Alain Soral à la très nazifiante librairie Facta d’Emmanuel Ratier.

Puisqu’on est sur les curiosités, rappelons le flirt de Dieudonné avec la surmédiatisée et groupusculaire Tribu Kâ et son leader, le fara Kémi Séba (cf article dans ce numéro). Dieudonné avait pris ses distances avec eux en 2004 pour extrémisme. Ca ne l’avait pas empêché de les inviter à faire une conférence de presse au théâtre de la Main d’Or en octobre 2005. Kémi Séba est aussi passé faire un tour au dernier spectacle de Dieudo au Zenith de Paris en décembre dernier. Est-ce réellement leur extrémisme antisémite qui l’a dérangé ? On pense plutôt à leur zèle communautariste et séparatiste racial, alors que Dieudo rêve d’une République idéale type 1793, réconciliée avec un passé qui du coup se doit d’être reconnu et revisité pour soigner tous les trous de la mémoire nationale (traite négrière, colonisation). Certains ont du coup voulu accuser Dieudonné de communautarisme noir. C’était idiot ! Le problème, c’est que réconcilier la république avec son passé ne veut pas forcément dire avec tout le monde. Et aujourd’hui, c’est avec l’extrême-droite la plus décomplexée que Dieudonné fait alliance, quoiqu’il puisse dire ou penser. En est-il vraiment conscient ?

C’est là une partie du problème. D’après ceux qui le connaissent, Dieudonné est un bon comique, un brave type, mais un parfait crétin sur le plan politique : de fait, par antisionisme, il copine avec des antisémites. Bien qu’anticommunautariste, il s’entend avec des séparatistes noirs. Par esprit de réconciliation républicaine, il est allé serrer la pince de Jean-Marie Le Pen et se fâche avec tous les autres. En attendant pire ? Pour les analyses du phénomène Dieudo par rapport à l’extrême-droite, on se reportera à l’exhaustif article sur notre site http://reflexes.samizdat.net/spip.php?article287

Fachos sous camouflage

Mais il reste quand même intéressant de zoomer sur les deux personnages à l’origine de l’alliance Dieudonné-FN. D’abord Marc Robert, qui fut le coordinateur de campagne, s’occupant de la « mise en cohérence de l’ensemble des soutiens à Dieudo ». Marc Robert, de son vrai nom Marc George, candidat malheureux du FN en 1995 aux municipales à Eragny dans le 95, est aussi le président d’un très fantômatique Cercle République Sociale. Il aurait découvert Dieudonné lors de son spectacle à l’Olympia en 2004, débordant de blagues… « antisionistes »… Il est passé du PS au FN lors de la première guerre du Golfe, au nom de la « lutte des nations libres contre l’Empire » et parce que « le PS était passé au capitalisme ». Déjà un étrange parcours… Qu’il avoue son passé frontiste était subtil, lui donnant un certificat de repenti. Mais lors d’une interview faite par son copain Ahmed Moualek sur « La banlieue s’exprime », il déclare tout de go que « Le Pen n’est pas raciste (…) Le vrai raciste, c’est l’axe américano-sioniste ». Pour les suspicieux que nous sommes, tout celà renifle le registre nationaliste-révolutionnaire (le mélange anti-capitalisme/alliance des périphéries contre le centre, représenté par le système américano-sioniste et ses alliés/ Le Pen n’est pas raciste…). Selon le site d’informations Bakchich.Info, c’était déjà avec des anciens du GUD non-repentis que Marc Robert/George établissait ses contacts…

L’autre proche de Dieudonné que l’on voyait fricoter depuis quelques temps avec les bruns est évidemment l’essayiste Alain Soral, bien avant son outing pro-FN : cet « agitateur depuis 1976 », ancien communiste, s’est spécialisé dans la provocation politique tout azimut, et on se souviendra de sa sortie sur France 2, le 21 septembre 2004. Il avait déclaré, alors que Dieudonné était présent : »Ce n’est pas systématiquement de la faute de l’autre (…) si personne ne peut vous blairer partout où vous mettez les pieds (…). Parce qu’en gros c’est à peu près ça leur histoire -des juifs-, tu vois. Ça fait quand même 2 500 ans, où chaque fois où ils mettent les pieds quelque part, au bout de cinquante ans, ils se font dérouiller. » Est-ce une définition nouvelle de « l’antisionisme » ? Il y a des provocations qui ne passent pas. Soral a bien essayé de se rattraper par un correctif sur Oumma.com qui n’a convaincu que ses fans. A l’avenant, on trouvera aussi des attaques contre les homos, ce qui lui valut un zapping d’Act-Up sur sa maison d’éditions, une vision toute particulière du féminisme, etc… Sans insister plus que nécessaire sur son interview paru dans le n°d’Eléments d’été 2004 (intéressante pour mieux connaître le bonhomme), Ce marxiste revendiqué avait aussi donné une interview à « Rebellion », fanzine national-bolchevik de Toulouse en 2005. Il était également passé à la soupe des identitaires à Montparnasse en janvier 2006, après avoir entamé une correspondance, certes critique, mais fructueuse avec eux. A l’avenant, il a signé un appel pour la libération de l’apprenti terroriste et militant néo nazi Michel Lajoye, aux côtés de Fabrice Robert et Richard Roudier du Bloc Identitaire, Gilles Soulas propriétaire de la Librairie Nationale… et a beaucoup fréquenté les librairies les plus nazbroques pour signer ses livres. Curieusement, les sicaires de la LDJ préféraient l’attaquer sur des librairies moins marquées. Enfin, il est le préfacier du 1er livre d’Anne Kling [2], La France LICRAtisée (aux Editions Dualpha/Déterna de notre vieille connaissance Philippe Randa…

Pas de surprise donc quand le 27 novembre, il définit lui-même sur la webradio québecoise Rockik.com, son rôle au sein du FN depuis plus d’un an comme celui d’un « conseiller technique », produisant des idées et des concepts, « en charge des affaires sociales et des banlieues ». Il a déjà eu l’occasion de marquer le FN de son empreinte, à travers le fameux discours tenu par Le Pen à Valmy le 20 septembre dernier. La patte nationale républicaine (voir encadré Cruse-Soral) de Soral y était manifeste.

C’est nous les gars de la Marine

Avec un tel entourage, pas étonnant de voir Dieudonné se prêter à une interview très complaisante au Choc du Mois, mensuel nationaliste ou une autre interview dans Novopress (pseudo agence de presse des Identitaires) en juin 2005. Moins étonnant aussi de voir de quelle manière s’est déroulé l’été dernier le voyage au Liban et en Syrie de l’équipe Dieudonné-Soral-Robert/George-Meyssan-Moualek… Ils étaient officiellement allés se rendre compte sur place des dégâts provoqués par les bombardements dans la banlieue sud de Beyrouth. De fait, c’était le premier voyage international du candidat Dieudonné. L’équipe a été reçue par le Président Lahoud, le général Aoun, le Président du CNA (équivalent du CSA), un lambda de la chaîne Al Manar puisqu’ils s’y sont raboulés sans prévenir, le Président du groupe « Soutien à la résistance » (Hezbollah) au parlement, le Président du Parti National Social Syrien (PNSS), le vice ministre des affaires étrangères de Syrie… Nous avions à l’époque tiqué sur le Parti National Social Syrien (libanais par ailleurs), appelé aussi Parti Social National ou Parti National-Socialiste Syrien !! Leur bannière est sans ambiguité, la tornade remplaçant la croix gammée et le rouge et le noir du drapeau s’interchangeant avec le drapeau nazi. Le fondateur, Antoun Saadé, avait été dans les années 30 un grand admirateur des régimes fascistes européens. Le parti, rigoureusement laïc, milite pour une grande Syrie allant de Chypre ( ?!) à l’Irak en passant par la Palestine, le Sinaï et la Jordanie !! Aujourd’hui partie de la résistance libanaise, de la tendance pro-syrienne évidemment, il ne laisse pas forcément de bons souvenirs dans les mémoires libanaises (quel parti en laisse, d’ailleurs ?). Dans les années 70, le néo-nazi François Duprat, alors numéro deux du Front National, correspondait régulièrement avec eux. Pourquoi ce groupe plutôt qu’un autre ?

Il est depuis connu que le voyage et les rencontres, PNSS inclus, ont été organisées par Frédéric Chatillon, déjà cité dans Réflexes tant pour son passé comme responsable du GUD, son présent dans les mêmes sphères, son livre co-écrit avec Jack Marchal et Thomas Lagane sur l’histoire du « groupuscule des dieux » (Les Rats Maudits, épuisé) que pour ses vieilles connexions syriennes [3]. Celles-ci passaient par le canal du général Tlass, ancien ministre de la défense et l’un des principaux financeurs étrangers des négationnistes et des fascistes français, de préférence les antisémites avérés. On sait qu’une rencontre a déjà été organisé entre Dieudo et Chatillon autour d’un repas il y a plus d’un an, mais il aura fallu attendre cet été et la guerre au Liban pour que les 2 hommes s’affichent ensemble. Selon Fausto Giudice, qui se croit toujours de gauche et n’apprécie manifestement pas les nouvelles amitiés de sa vieille copine Skandrani, les Syriens eux-même auraient allongé 5000 € pour le voyage.

La présence de Dieudonné aux BBR et aux côtés de Jean-Marie Le Pen n’est donc qu’un aboutissement, quoiqu’en dise le triste bouffon qui s’obstine à vouloir « arrêter de diaboliser cet homme ». « J’ai voulu me faire une opinion par moi-même », ajoute-t-il à qui veut l’entendre, comme si le FN était sans passé, sans histoire, sans opinion… Les cris de singes saluant son passage ne l’ont apparemment pas troublé… Quant à son opinion sur les slogans FN concernant l’immigration, il se demande encore si ça concerne « les flux financiers, les matières premières, les marchandises » !!… La réconciliation nationale, base du pacte « national républicain », ne doit pas concerner les sans-papiers ou les familles mixtes. Et Dieudonné s’étonne de se faire régulièrement vider de la plupart de manifs, rassemblements ou réunions antiracistes, pour l’égalité ou pro-palestiniennes. Même quand il envoie en reconnaissance son fidèle garde du corps Joss, ce dernier a le plus grand mal à trouver des mains à serrer. Encore un coup des sionistes, sans doute… Il est vrai que Joss a longtemps bossé dans une boîte de sécurité connue comme appartenant à un cadre du FN… Décidément…

« Dépôt de bilan » ou passage vers d’autres sphères ? Le dernier spectacle de Dieudonné a permis de rassembler toute la famille dans une célébration de l’idéal « national-républicain », aux accents « antisionistes » plus que limites : étaient présents Skandrani et Faurisson pour les cousins négationnistes, Kémi Séba pour la tribu Kâ, l’ancien antifasciste Thierry Meyssan cotoyant sans vergogne les « stars » du FN comme Bruno Gollnisch, accompagné par Marc Robert, ou Jany Le Pen, Jean-Michel Dubois, Eric Iorio et Farid Smahi ; rapppelons que ce dernier est un grand copain du populo-islamiste Nouari Khiari, déjà cité. Mais on y trouvait aussi une bonne délégation des radicaux du Renouveau Français avec Thibaud de Chassey et Bruno Archier, devenus inséparables d’Alain Soral (et de Kémi Séba par ailleurs), lui même aux côtés de Frédéric Châtillon. A l’aise dans ses pompes, on a croisé aussi Roland Dumas…

L’affaire Dieudonné est-elle une manipulation réussie ou la conjonction de nouvelles forces emmenées dans une nouvelle dynamique par le Front National ? Une gageure pour Marine Le Pen, porteuse de la stratégie au sommet du parti. Les prochaines échéances électorales décideront de son succès, mais celui des spectacles sans nuances de Dieudonné montrent déjà ses fortes capacités de nuisances -même relatives- dans des milieux jusque là peu explorés et exploités par la mouvance…

Citizen Caïn

Encadré : DE CRUSE A SORAL, DU DISCOURS « BRUN-ROUGE » AU « NATIONAL-REPUBLICAIN »

Cruse est un revenant que l’on espérait coincé à jamais dans les caves poussiéreuses du souverainisme. Cet ancien mao, puis militant du PCF fut longtemps journaliste à Libération ; il dut en démissionner en 1993 après avoir publié dans L’Idiot International un article titré « vers un Front National » appelant à « un violent sursaut de nationalisme, industriel et culturel » contre l’ultralibéralisme mondialisé illustré par « Wall Street, le sionisme international, la bourse de Francfort et les nains de Tokyo », et à « une politique autoritaire de redressement du pays », liant les problèmes « de l’immigration, du chômage et de l’insécurité urbaine » et prônant une alliance allant des communistes aux ultra-nationalistes, en passant par Chevènement et Pasqua… « On est loin, évidemment, du perfectionnement infini de la démocratie, et de mille bavardages (…) C’est un front qui se forge, et qui se forgera, qu’on aime ou qu’on n’aime pas. Dans une dynamique de redressement, de dépassement, d’efforts de citoyens lucides, contre la logique de crise, de soumission, d’avilissement et d’éclatement, qui déferle sur la planète au rythme du Sida ». C’est envoyé comme du Doriot, ce communiste passé au fascisme puis à la Collaboration sur des bases similaires ! Cruse était loin à l’époque d’être seul au PCF. Le rédac’ chef de L’Idiot International, Marc Cohen, avait participé à l’écriture du texte, et Jacques Dimet, du magazine communiste Révolution soutenait les mêmes idées… Du beau monde… le PCF avait dû s’interroger alors sur les rapprochements tout à fait officiels entre la Nouvelle Droite et l’Institut de Recherches Marxistes de Francette Lazard, membre du Bureau National, et a fait discrètement le ménage… L’affaire médiatique des « liaisons rouges-brunes » n’a duré qu’un été, et a donné naissance à des « comités de vigilance » vite disparus, comme d’habitude…

Mais cette volonté exprimée dans l’article n’est qu’une reprise de la vieille théorie du GRECE d’Alain de Benoist : la convergence des périphéries contre le centre, représentant le système en place. On lui donne alors le nom que l’on veut : discours « anti-système », « brun-rouge », « national-bolchevik » ou… « national-républicain »… Car Alain Soral, ex-communiste ré-inventeur pour le FN de ce concept, a revendiqué début décembre lors d’une conférence du FNJ niçois avoir été l’un des rédacteurs du texte signé Cruse, raison pour laquelle il a été exclus du PCF… Il avait avoué il y a quelques temps sa participation à La lettre écarlate, revue interne à la fédé de Paris du PCF qui défendait déjà ces idées… Vérité ou mensonge, Soral se pose de toute façon au sein du FN dans une continuité radicale historique qui détonne face aux rassurantes déclarations de sa copine Marine Le Pen. Le lifting ne serait donc qu’un maquillage…

[1] 1 en l’occurence Alain Soral et Ginette Skandrani (voir le communiqué d’Europalestine/CAPJPO du 29 oct. 2004)

[2] passée du RPR à « La Droite » de Charles Millon pour finir à « Alsace d’abord » de Robert Spieler…

[3] cf l’article de Reflexes paru en 1998 « Quand le GUD prend le parti de l’étranger ». Chatillon est aujourd’hui directeur de Riwal Communication, une boite très sérieuse qui bosse aussi, c’est bien normal, pour les kamarades (Nouvelle Revue d’Histoire, Fondation Brigitte Bardot…) et a gagné récemment un trophée pour son « Crazypack », le fameux étui en carton cache-paquet de cigarettes. Encore du négationnisme… Plus sur le personnage ?