Vendredi 5 Novembre, à 14h20 exactement, un train transportant onze containers de type CASTOR chargés de déchets nucléaires hautement radioactifs quittera Valognes près du Havre pour être acheminés jusqu’au site de stockage de Gorleben dans le nord de l’Allemagne.

Des dizaines de milliers de manifestants sont attendus samedi à Gorleben où ils entendent marquer une nouvelle fois leur opposition à un mode de production d’énergie dont la sécurité n’est en rien garantie. Différentes actions de blocage du convoi sont prévues jusqu’en début de semaine prochaine. Les opposants sont appelés en masse à déblayer les pierres de remblai des voies ferrées sur lesquelles doit passer le convoi afin de les rendre impraticables. Des actions de blocage des gares sont également prévues samedi dans toute l’Allemagne.

Alors qu’en France les gouvernements successifs, de droite comme de gauche, s’efforcent de museler l’opposition au nucléaire, de minimiser les conséquences d’accidents graves comme celui de Tchernobyl ou de ceux survenus plus récemment dans des centrales vétustes et constituant à ce titre un énorme danger non seulement pour les ouvriers dont les conditions de travail ne cessent de se détériorer mais pour l’ensemble de la population et pour l’environnement, alors que ces gouvernements continuent de faire croire qu’il n’y a pas d’alternative au nucléaire et de soutenir une filière qui lui permet surtout de gonfler artificiellement le PIB national, l’Allemagne se prépare à vivre les protestations les plus importantes depuis l’ouverture du site de Gorleben il y a 33 ans.

A la mi-septembre déjà, 150000 personnes ont manifesté à Berlin et 50000 à Munich contre ce mode de production d’énergie. Soit dix fois plus que les années précédentes. Cette mobilisation n’est pas étrangère à la décision du gouvernement de prolonger la durée de fonctionnement des centrales existantes. Au cours de la dernière campagne électorale, les partis de droite au pouvoir s’étaient engagés à ne pas exploiter ces installations au-delà de la durée prévue au moment de leur conception. Comme en atteste un récent sondage, plus de 80% de la population allemande – et même 65% des électeurs de droite – sont opposés à cette décision gouvernementale et souhaitent la mise en arrêt des centrales nucléaires au profit du développement d’énergies renouvelables.

Les medias français peuvent bien colporter les mensonges du gouvernement Merkel selon lesquels l’économie allemande se porterait bien. L’ampleur de la mobilisation contre l’énergie nucléaire témoigne d’une cristallisation du mécontentement politique et social outre-rhin sur le mouvement anti-nucléaire. Par ailleurs, le mouvement d’opposition à l’extension de la gare de Stuttgart, dont le coût prévu s’élève à 3 milliards d’euros, fait régulièrement la une des journaux depuis la violente répression d’un sit-in il y a un mois et demi. Des bons citoyens se sont pris des coups de matraques et de canons à eau habituellement réservés aux militants de la gauche radicale : et ça a fortement choqué la population.

Mais la poigne de fer du régime allemand s’illustre également au niveau de la répression des actions de mobilisation contre le nucléaire. 16000 policiers et militaires seront ainsi envoyés dans la région de Gorleben le week-end prochain. Le parquet de Lüneburg a décidé d’engager des poursuites contre les signataires (soit 180 groupes et 500 personnes) de l’appel de la campagne « Castor-Schottern » à déblayer le remblai des voies ferrées en ce que celui-ci constituerait une incitation à des actes criminels. Des affiches de la campagne ont été saisies dans des librairies berlinoises. Plusieurs personnes ont été arrêtées alors qu’elles collaient des autocollants du même type. Le campement d’où devait se rassembler avec leurs tracteurs les agriculteurs de la région de Gorleben, historiquement très présents dans le mouvement autonome anti-nucléaire, a été interdit cette semaine…Ceci pour donner une idée du style de gouvernement d’un « grand » pays européen où il n’y a toujours pas de salaire minimum (c’est plus pratique pour exploiter des ressortissants de l’Europe de l’est et des sans-papiers), où la retraite à 67 ans contraint nombre de personnes âgées à faire des ménages ou autres boulots de merde malgré les problèmes de santé, où le droit du travail est réduit à peau de chagrin, où l’on se prend trois ans de prison ferme pour une pierre jetée contre un flic, et où les fonctionnaires des syndicats préfèrent deviser, cigare à la main, de l’opportunité – ou pas – d’intervenir dans le travail intérimaire plutôt qu’apporter leur soutien aux blocages de l’économie qui ont lieu en ce moment en France.

Dans la nuit de dimanche à lundi dernier, à Berlin, des câbles de l’entreprise ferroviaire de la deutsche Bahn ont été incendiés, perturbant la circulation du S-Bahn (équivalent du RER) pendant tout le début de la semaine. Cette action a été revendiquée par un « Kommando Sébastien Briat », du nom de ce militant anti-nucléaire tué le 7 Novembre 2004 par un train transportant des déchets nucléaires : « (…)Vive la révolte ! Ne nous faisons aucune illusion, nous devons sur le long terme, après ce nouveau transport, confronter les entreprises et leurs lobbyistes politiques à leurs responsabilités directes. Les profits qu’ils engrangent au détriment de notre santé, nous les répercuterons sur les coûts de leur santé ! »

Grèves, blocages, sabotages, destructions : France, Allemagne, même combat contre l’état et le capitalisme !