Expulsion du squat de la demi-lune à Montreuil

Tous à la rue, tous dans la rue !

« Il y aura toujours quelque chose à nettoyer »

7 h du mat’, des connards en uniformes viennent nous tirer du lit, le premier d’entre nous qui croise la brigade d’intervention se fait embarquer, on apprendra plus tard que les flics l’ont tasé dans la cuisine. On a quelques minutes pour rassembler les affaires qu’on ne veut pas perdre avec ce lieu qu’on nous arrache. De toutes façons, la pelleteuse est là, les 2 mi-lunes sont détruites juste après l’évacuation. Les talkies crachent une autre info : un camarade venu en soutien s’est fait arrêter. Quelques habitants parviennent à pénétrer par derrière dans le jardin et montent sur le toit de l’entrepôt – troisième bâtiment des 2 mi-lunes qui servait de salle de concert, lieu de discussions à beaucoup, cantine à une époque, free shop etc… – , on gueule comme on peut, improvise des banderoles, on veut dire qu’on est toujours là, qu’on partira pas du quartier, assistant en direct à la démolition de nos maisons.

« C’est la poussière de nos rêves »

Hier à la Boissière, des gens ne se sont pas juste fait expulser de leur logement. Nous n’avons pas seulement été viré de chez nous, avec nos enfants, notre bébé tout près de naître, et tout ça, la veille de la trêve hivernale.
Hier à Montreuil une grosse opération policière a tenté de casser tout ce qui ne passe pas dans le soi-disant ordre républicain qu’on veut nous imposer, de faire taire toute parole incontrôlée, de détruire nos luttes et nos rêves. Il ne faut pas seulement que le promoteur immobilier, Foncière Résidence (qui a ses bureaux à Nogent sur Marne) à qui appartient ces maisons, puisse à nouveau jouir de son droit de propriété, il faut aussi qu’on arrête d’essayer de vivre autrement, qu’on rentre dans le rang et qu’on se taise. Parce qu’à la Demi-lune on essayait de créer un espace d’organisation et de discussions politiques, un lieu de fêtes et d’échanges, un lieu où l’on accueille aussi bien des gens de passage que des gens qui cherchent un endroit à habiter pour plus longtemps.

Nous cherchions à partager nos galères, nos débrouilles pour en faire des forces et des victoires. Partager nos galères de chômeurs, de travailleurs exploités, de sans-papiers, d’étudiants à mi-temps, d’indésirés, et bricoler à partir de là. La Demi-lune n’était pas un centre social, pas plus un squat d’habitation ou un lieu artistico-culturel, ni tout à fait un lieu strictement politique, mais un bricolage entre toutes ces choses-là, un étrange mélange de gens, d’histoires et de pratiques. Parmi les projets des derniers mois, il y a la création d’une caravane radio, un studio ambulant pour enregistrer et diffuser la parole, la faire voyager. Mardi dernier, jour de grève, la caravane s’installe de bon matin devant la mairie de Montreuil, pour diffuser des paroles, des colères, de la musique et des envies de grève. Une quarantaine de CRS envoyés par le préfet arrivent finalement pour nous faire dégager. Deux jours plus tard, le même préfet accompagne ses troupes pour notre expulsion, décidée depuis 1 an et demi par le juge.

La répression s’abat quand la colère monte

Il faut que la ville soit propre. La mairie tente d’expulser illégalement un bâtiment dont elle est propriétaire, boulevard la Boissière, ses agents de sécurité (ASVP, tranquillité publique) ont ordre d’empêcher toute occupation de logements municipaux, à l’aide de boites de sécurité qui n’hésitent pas à lâcher les chiens. Un homme a été mordu la veille. La préfecture expulse les 2 mi-lunes, en même temps qu’un autre squat dans une rue perpendiculaire – et ils en profitent pour mettre en garde-à-vue les 6 personnes sans-papiers qu’on trouve à l’intérieur. Circulez tout est en ordre, le quartier est clean. Au même moment, des lycéens en colère, en plein mouvement social, reçoivent aussi le message de la répression : la BAC et les CRS interviennent au lycée Jean Jaurès pour mater les jeunes qui oseraient se révolter. Un lycéen de 16 ans est touché à l’œil par un tir de flash-ball. Rentre en cours y’a rien à voir, t’as rien à faire dans la rue. Il faut briser tout mouvement social dès son début, que surtout rien n’arrive.

On veut nous terroriser pour nous faire taire.

Le 8 juillet 2009, après l’expulsion de la clinique à Montreuil, la police avait tiré au flash-ball en visant les têtes, un ami a perdu un œil. Les jeunes qui descendent dans la rue depuis 3 jours sont la cible des cow-boys de la BAC qui les arrêtent violemment à chaque manif. Nous n’avons pas encore revu l’un des nôtres, celui qui s’est fait tasé. Brusquement réveillé, il était derrière la porte à l’entrée des policiers qui ont tiré aussitôt. Et comme d’hab’ quand les flics te cognent c’est toi qu’on arrête pour rébellion. Matraqué en 2006, il avait écopé d’une première condamnation. Il purge maintenant une peine de 5 mois fermes à Fleury.

Nous n’accepterons jamais leur monde hideux, le vide et la peur qu’ils installent un peu partout.

Malgré l’isolement qu’ils cherchent à créer, des gens se croisent, se rencontrent. Nous partageons des colères, et peut-être des espoirs et des rêves.

Ils n’ont détruit qu’un espace d’échanges et de luttes, mais partout d’autres continuent de se construire…

Des réseaux de solidarité sont présents et actifs, et les habitants de la demi-lune ont trouvé les soutiens nécessaires pour ne pas s’éclipser.

Avec ou sans maison, à Montreuil comme ailleurs, la colère monte, tous à la rue, tous dans la rue !

Rassemblement DIMANCHE 24 OCTOBRE, 15H, à La Boissière (lieu précisé plus tard), MONTREUIL, pour ne pas s’éclisper, continuer de résister, fêter nos envies, gueuler nos colères

Assemblée Mercredi 20 octobre, 20H, au 28 rue Carnot, métro croix de Chavaux, pour discuter de jeudi 14, des suites, et préparer dimanche

contact : 2milunes@gmail.com