Tract d’appel à l’assemblée diffuser largement lors de la manif parisienne du jeudi 23 :

Voilà qu’on veut nous faire travailler deux ans de plus !

Le travail, le turbin auquel on consacre la majeure partie de nos journées, est essentiellement une violence qui nous est faite, et la plupart d’entre nous le ressentent comme tel. Mais il a réussi à s’imposer comme quelque chose allant de soi, quelque chose de naturel (« il faut bien travailler pour vivre ! » et oui !), alors qu’il est le produit d’un rapport de force qui nous contraint à nous activer pour permettre au capital, ce drôle de machin invisible qui détermine nos vies, de se reproduire et de s’accroître. On travaille pour gagner de l’argent, certes ; mais on travaille surtout pour faire gagner de l’argent – pour créer du capital. Quand on y réfléchit, rien de bien naturel là-dedans.

Mais c’est ainsi qu’on nous gouverne : par l’acceptation de fausses évidences. Ainsi de cette réforme des retraites : travailler plus, ben oui, ça ne fait pas plaisir, mais il n’y a pas le choix, c’est l’économie qui veut ça – l’allongement de la durée de vie, le vieillissement de la population, tout ça.

La gauche et les syndicats refusent cette réforme en l’état, tout en reconnaissant qu’il y a un problème, voire pour certains qu’il va falloir se serrer la ceinture. Refuser cette réforme supposerait d’avoir une réforme alternative en tête. Est-il si fou de se dire que ce n’est pas à nous de gérer cette affaire ? Lorsqu’une boîte se restructure, comme ils disent, elle a toujours recours au même chantage : c’est soit les licenciements, une intensification du travail sans contrepartie, etc., soit la boîte va couler car elle ne dégage plus assez de profits, et les salariés couleront avec elle. Il faudrait accepter d’en chier toujours davantage sous prétexte de sauve-garder un système basé sur notre exploitation.

On n’a pas à adhérer à des raisonnements qui visent à nous solidariser avec les logiques de cette exploitation. Sur la question des retraites, il est possible d’affirmer simplement : « bordel, je ne veux pas travailler deux ans de plus car je suis déjà assez exploité comme ça. Point barre. » Mais évidemment, le dire ne suffit pas : il faudra l’imposer. C’est un rapport de force. L’économie, on ne fait pas que la subir : on la fait tourner. Qu’on s’arrête un peu de le faire, ça ne fera pas du bien au capital, mais ce n’est pas sûr qu’on s’en portera plus mal.

Être isolé contribue beaucoup à la résignation. Peut-être sommes nous quelques-uns ici à attendre d’un mouvement social davantage qu’un recul du gouvernement sur la question des retraites… Peut-être sommes nous même plus que quelques-uns à voir aussi la chose comme une occasion : un mouvement social un tant soit peu énervé, en ces temps où la combativité sociale n’est pas à son plus haut, c’est la possibilité de se rappeler qu’une force collective, venant briser le traintrain de l’exploitation, de l’isolement et de la déprime généralisée, permet d’entrevoir des horizons où la réappropriation du monde n’est plus hors de portée. Sans doute sommes nous un certain nombre à d’ores et déjà envisager qu’au cours de la lutte puissent s’élaborer des pratiques qui posent des questions allant au-delà du nombre d’années de cotisations. A espérer qu’un mouvement à venir remette en cause ce qui est quotidiennement accepté et se foute des solutions alternatives proposées par ceux qui gèrent nos vies…

Nous n’en sommes pas là : encore faut-il que ce mouvement ait lieu. Il est évident qu’une journée d’action isolée par-ci par-là, appelée par les syndicats en vue de négociations où l’essentiel est déjà négocié, n’aboutira à rien, sinon à accroître le sentiment d’impuissance. Ces syndicats, qui ces dernières années ont déjà fait avorter des mouvements avant même qu’ils puissent avoir lieu (déjà sur les retraites, en 2003 puis en 2007), se préparent à faire de même ce coup-ci, de manière encore plus assumée. A croire qu’ils préfèrent encore subir une « défaite » plutôt que de voir un mouvement leur échapper…

Dès lors voilà : pour que cette lutte puisse avoir réellement lieu, il faudra nécessairement que cela se passe par dessus les têtes des directions syndicales. Il faudra notamment leur imposer la grève, sans quoi rien ne sera possible. Ce n’est pas tâche aisée : pour cela il faut d’ores et déjà commencer à s’organiser ; à transformer la colère latente en action collective.

Mais, « les syndicats perdent brusquement le contrôle de leurs bases » : voilà qui ne serait pas forcément moche.

grève générale ! grève illimitée ! grève offensive !