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Nous n’obéissons pas

Des femmes dans les pas de Ilana Hammerman

Le vendredi 23 juillet, une douzaine de femmes juives et une douzaine de femmes palestiniennes, un bébé et trois enfants palestiniens ont entrepris un voyage de Cisjordanie, dans six voitures privées. Nous avons traversé plusieurs checkpoints, avons roulé vers la plaine costale d’Israël, et visité Tel Aviv et Jaffa, ensemble. Nous avons mangé dans un restaurant, nagé dans la mer et joué sur la plage. Nous avons terminé la journée à Jérusalem. La plupart de nos invitées palestiniennes n’avaient jamais vu la mer. La plupart dans toute leur vie n’avait pas prié dans leurs lieux sacrés : elles les ont regardé longuement des collines du Mont Scopus.

Aucune de nos invitées n’avait un permis d’entrée des autorités israéliennes. Nous annonçons ici publiquement que nous avons délibérément violé la Loi d’entrée en Israël. Nous l’avons fait dans la trace de Ilana Hammerman, après que l’état ait déposé une plainte contre elle à la police israélienne. Elle a publié dans Haaretz un article le 7 mai racontant une semblable excursion.

Nous ne pouvons pas consentir à la légalité d’une « Loi d’entrée en Israël » qui permet à tout Israélien et tout Juif de se déplacer librement dans toutes les régions entre la Méditerranée et le fleuve Jourdain tout en privant les Palestiniens de ces mêmes droits. On ne leur accorde pas la liberté de mouvement dans les territoires occupés et ne sont pas admis dans les villes et les cités au-delà de la Ligne verte, où leurs familles, leur nation et leurs traditions sont profondément enracinées.

Elles et nous, toutes des citoyennes ordinaires, avons franchi le pas avec un esprit clair et résolu. De cette manière nous avons eu le privilège d’expérimenter un des plus beaux jours et le plus excitant de notre vie, de rencontrer et lier amitié avec nos courageuses voisines palestiniennes, et ensemble, avec elles, d’être des femmes libres, ne serait-ce qu’un seul jour.

Nous n’avons pas emmené des « terroristes ou des ennemies, mais des êtres humains. Les autorités nous ont séparé de ces femmes par des barrières et des barrages routiers, des lois et des règlements, souvent invoqués comme prétexte pour assurer notre sécurité. En fait, ces barrières existent seulement pour perpétuer une inimitié mutuelle et le contrôle de terres palestiniennes saisies illégalement contre des conventions internationales et les valeurs de justice et d’humanité.

Ce n’est pas nous qui violons la loi : l’Etat d’Israël la viole depuis des décennies. Ce n’est pas nous (des femmes avec une conscience démocratique) qui avons transgressé : l’Etat d’Israël transgresse, nous manipulant tous dans le vide.

Henry David Thoreau, dans son essai bien connu « La désobéissance civile » (1845) a écrit :

Quand un sixième de la population d’une nation qui a entrepris d’être le refuge de la liberté sont des esclaves, et qu’un pays entier est injustement envahi et conquis par une armée étrangère et soumise à la loi de l’armée, je ne crois qu’il est trop tôt pour des hommes honnêtes de se rebeller et de révolutionner. Ce qui rend ce devoir si urgent est le fait que le pays ainsi envahi n’est pas le nôtre, mais que l’armée d’invasion est la nôtre.

Ecoutez ces paroles, voyez comme elles décrivent avec pertinence notre situation ici et maintenant – et faites ce que nous avons fait.

(ordre alphabétique hébreu)

1. Ilana Hammerman, Jerusalem

2. Annelien Kisch, Ramat Hasharon

3. Esti Tsal, Jaffa 

4. Daphne Banai, Tel Aviv

5. Klil Zisapel, Tel Aviv

6. Michal Pundak Sagie, Herzlia

7. Nitza Aminov, Jerusalem

8. Irit Gal, Jerusalem

9. Ofra Yeshua-Lyth, Tel Aviv 

10. Roni Eilat, , Kfar Sava

1. Ronit Marian-Kadishay, Ramat Hasharon
2. Ruti Kantor, Tel Aviv

Ilana Hammerman

En défense de la dignité et de la liberté

Après 43 ans d’occupation, Israël a perdu le droit d’être appelé un Etat de droit

Il n’y a pas longtemps, une fondation s’appelant Le Forum légal pour le pays d’Israël a demandé au procureur général d’ouvrir une enquête pénale contre moi pour avoir violé la Loi d’entrée en Israël parce que j’avais emmené trois jeunes femmes palestiniennes pour une journée de plaisir à Tel Aviv (« S’il y a un ciel » Haaretz Magazine, 7 mai 2010).

Je ne suis pas juriste ni très versée en droit pénal. Mais comme citoyenne ordinaire censée respecter les lois de son pays, je considère que je suis autorisée, même obligée d’examiner – y compris en utilisant le sens commun – la justice et la moralité des lois qui s’appliquent à moi et particulièrement concernant d’autres gens qui sont soumis aux lois de mon pays. C’est à partir de ce point de départ, que ces dernières années, j’ai violé certaines lois de l’Etat d’Israël et annoncé publiquement que je le faisais.

Je ne l’ai pas fait par un défi irréfléchi, mais plutôt après y avoir beaucoup pensé. Par une nécessité devenue de plus en plus pressante ces dernières années, pour soulever certaines questions essentielles en vue de discussions publiques en profondeur dans la société israélienne – une discussion qui ne fléchira pas en entendant le mot « loi ». Parce que une loi formulée par des autorités politiques ne devrait jamais être sanctifiée nul part. Pas même dans des régimes qui ont été élus par les votes d’une majorité de ses citoyens.
Les lois doivent constamment être réexaminées. En effet, nous Juifs savons mieux que quiconque comment est pavée la route vers l’abysse humain par une législation néfaste correctement passée et acceptée par la majorité.
Cette discussion est nécessaire non seulement à cause d’une expérience amère et au nom de la justice et du sens commun, mais aussi à cause de la connaissance fondamentale que chaque citoyen dans un état démocratique est obligé de posséder, concernant à la fois les lois nationales et internationales.
Les choses essentielles qui d’après moi doivent être discutées ont toutes un rapport avec le contrôle militaire israélien des territoires, qui ont été conquis, il y a 43 ans, et avec les centaines de lois et d’injonctions qui en ont dérivé et ont été légiférées en vertu de ce contrôle.

La loi fondamentale de la dignité humaine et de la liberté a été promulguée en Israël en 1994. Elle comprend les stipulations suivantes : On ne violera pas la vie ni le corps ou la dignité de personne ; on ne violera pas la propriété d’une personne ; on ne privera pas ni ne réduira la liberté d’une personne par emprisonnement, arrestation, extradition ou autrement ; toute personne a droit à une vie privée et intime ; on n’entrera pas dans les lieux privés d’une personne qui n’y consent pas ; et toutes les personnes sont libres de quitter Israël.

Tous ces droits sont refusés à la population civile palestinienne vivant dans les territoires occupés sous contrôle militaire israélien. Leur vie, leur dignité et leur propriété sont violées, leur vie privée et leur intimité ne sont pas respectées et on entre chez eux sans leur consentement. Mais surtout, leur liberté est limitée. Ils ne sont pas libres de quitter leur pays, de s’y déplacer ou de choisir leur lieu de résidence où ils ont envie. On leur ôte leur liberté par arrestation et emprisonnement.

En effet, depuis 1967, approximativement 800.000 Palestiniens ont été arrêtés et emprisonnés pour des périodes de temps variées par la juridiction de l’armée israélienne à laquelle ils sont soumis.

Toutes ces restrictions et violations de droits – mélangeant la confiscation de terres, les checkpoints, les barrières et murs et un véritable labyrinthe bureaucratique entourant l’obtention de permis d’entrée et de sortie – tout ceci conduit à des violations sérieuses d’un autre droit humain promis aux citoyens et aux résidents d’Israël, « le droit de se consacrer à n’importe quel emploi, quelle profession ou commerce » qui est garanti par la Loi fondamentale de liberté du travail (1992).

Comment, par exemple, un paysan palestinien peut-il assurer ses revenus si toute sa terre a été saisie dans le but de construire et d’étendre une colonie israélienne ? Comment un travailleur palestinien de la construction peut-il exercer sa profession si son lieu de travail est en Israël et si les fermetures qui sont continuellement imposées dans les territoires occupés le privent de la possibilité d’y arriver ? Comment des centaines de milliers d’autres travailleurs peuvent-ils « exercer un emploi » si il n’y a pas de marché du travail dans les régions où ils vivent et que la Loi d’entrée en Israël les empêchent d’arriver aux endroits où il y a de l’emploi ?

La Knesset a conféré à ces deux lois fondamentales un statut supra-légal – disant que les tribunaux ont autorité d’annuler toute loi les contrevenant. La section 12 de la Loi fondamentale droits humains et liberté déclare : Cette loi fondamentale ne peut pas être modifiée, suspendue ou rendues dépendante de conditions par des règlements d’urgence, néanmoins, quand un état d’urgence existe, en vertu d’une déclaration de la section 9 de l’Ordonnance Droit et Administration, 5708-1948, des règlements d’urgence peuvent être promulgués en vertu de la dite section de refuser ou de réduire des droits garantis par la loi fondamentale, à condition que ce soit dans un objectif approprié et pour une période de temps et une prolongation pas plus grande que nécessaire ».

Ayant lu cette section très soigneusement, je garde le droit et le devoir d’utiliser le sens commun et de dire que 43 ans et des centaines de milliers de morts et d’estropiés et des centaines de milliers d’arrêtés, ne correspondent pas à la définition d’un « objectif adéquat » ou « à une période et une prolongation pas plus grande que nécessaire. »

J’ai le droit et le devoir de connaître les conventions internationales de droit humanitaire qui s’appliquent à un pays qui détient un territoire par conquête militaire – et qui sont prévues pour protéger les populations civiles de ces territoires – et de conclure de cette connaissance que l’Etat d’Israël viole des sections majeures de ces conventions. Spécifiquement, l’état permet à ses citoyens de s’établir dans les territoires qu’il a conquis ; s’appropriant des terres privées pour ses propres besoins et ceux de ses citoyens ; détruisant les biens de personnes et de groupes dans ces territoires ; et jugeant des résidents de ces territoires dans des tribunaux localisés à l’intérieur de ses propres frontières, et les maintenant en prison dans son territoire en contravention aux règles qui stipulent qu’ils soient arrêtés et jugés à l’intérieur des limites de leur pays occupé.

Et surtout, l’état est constamment et systématiquement en contravention avec les conventions internationales en employant une punition collective contre une population civile.

Sur la base de ces faits qui n’ont besoin d’aucune expertise légale pour être compris, on peut dire que Israël a perdu le droit d’être appelé un état de droit. Il a aussi, dans une large mesure perdu le droit d’être appelé un état démocratique. Parce que le principe de la démocratie ne s’accorde pas avec une situation dans laquelle +/- sept millions de citoyens qui jouissent du droit d’élections libres peuvent déterminer le sort de terres et de vies de +/- quatre millions de personnes dont les libertés et les droits civiles sont refusés en vertu d’un contrôle militaire.

C’est ceci qui doit enfin être débattu franchement dans l’Etat d’Israël : Israël est-il vraiment un état de droit ? Est-ce vraiment une démocratie ? Est-ce vraiment un état dans lequel les droits fondamentaux de la personne « sont fondés sur la reconnaissance de la valeur de l’être humain, le caractère sacré de la vie humaine et le principe que toute personne est libre, » comme s’est écrit dans la section d’ouverture de la Loi fondamentale de la dignité humaine et de la liberté ?

De plus, s’il n’est pas un état démocratique ou s’il n’est pas un état de droit quelle est la ligne rouge au-delà de laquelle nous ne pouvons plus continuer à respecter ses lois et règlements plus longtemps sans trahir notre conscience, qui exige de nous, comme le dit la Loi fondamentale de notre pays « de défendre la dignité humaine et la liberté » – c’est-à-dire la dignité humaine et la liberté de chaque personne, et pas seulement d’une personne juive ou israélienne ?

Ilana Hammerman

annelise.ebbe@wilpf.ch


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