Après l’expulsion du matin, les Roms ont trouvé refuge aux alentours de l’Office du Tourisme ; muret de pierre pour s ’asseoir, herbe fraîche et verte, ombre du bâtiment de l’Office . Le soir à 18h, la manifestation a commencé là, à cet endroit, avec une grande banderole confectionnée par les soutiens, mais personne ne passait par là, alors on s’est replié vers la rue piétonne, à l’entrée. Là, les passants s’arrêtaient, parlaient, questionnaient. On n’avait pas de mégaphone, alors quelqu’un est allé chercher un micro au parti communiste à l’autre bout de la rue. Un Rom a parlé en premier pour dire ce qui venait d’arriver : l’expulsion, se retrouver à la rue sans logement avec les enfants et les quelques bagages.

Aucun des soutiens des Roms ne voulait parler devant le micro, alors je me suis lancée : j’ai raconté l’errance de ces familles depuis le Salon du livre en novembre 2009, les Roms qui avaient été traquées de lieu en lieu, sans pouvoir se poser nulle part, jusqu’à l’installation au 83 av. Prés. Wilson, 15 jours plus tard. Les enfants qui devaient aller à l’école à la rentrée et qui se retrouvaient sans toit. C’est alors qu’une dame s’est approchée et a dit dans la micro que la maire s’était fait élire en faisant des promesses pour ces personnes, et qu’elle ne tenait pas cette promesse.. Roberta a parlé aussi pour persifler autour du personnage de Sarkozy. L’atmosphère devenait de plus en plus animée !

Les policiers dans deux voitures stationnées un peu plus loin, nous avaient prévenus : si nous restions, ils nous feraient partir, mais le rassemblement se mêlait à la Fête pour les africains prévue pour ce soir-là à cet endroit, d’ailleurs des africains ont aussi parlé devant le micro, l’un pour dire que lui travaillait, et qu’il n’était pas comme les Roms, l’autre pour dire : « Nous avons le même combat ! ». L’orchestre se mettait en place : une flutiste et un guitariste qui ont commencé à jouer un air. Ensuite, un Rom a pris la place occupée auparavant par la flutiste devant le micro et il s’est mis à chanter. Tout le monde, Roms et passants l’encourageaient en frappant dans leurs mains. Un autre Rom après lui, est venu aussi pour chanter, comme il était plus petit il a fallu baisser le micro, le guitariste l’a accompagné et la foule enthousiaste l’a acclamé. La glace était rompue de part et d’autre. Tous unis, africains, français et Roms dans le bout de cette rue piétonne.

Aucun élu n’était présent. Nous avions pourtant pris la précaution de les avertir du rassemblement, et des personnes mises à la rue. Aucun retour de parole à notre annonce, aucune présence d’élus à notre rassemblement. Dans cette absence, on pouvait déceler la gêne, la peur, le refus de participation à une action de leur ville et de ses citoyens. Les élus restant enfermés dans la mairie et les cars de CRS stationnant devant ce bâtiment, étant révélateurs d’un profond malaise. La vie d’une ville, ses soubresauts, et surtout, la conscience de ses habitants qui se manifeste, qui crie sa révolte devant les droits humains bafoués, tout cela n’intéressait pas les politiques. Qu’est-ce qui les intéressait ? L’ordre établi ? Leur ordre ? Comment pouvaient-ils exister et faire régner leur loi, s’ils ne s’appuyaient pas sur les citoyens de la ville ? Ainsi se créait le fossé immense entre le pouvoir et ceux que ce pouvoir prétendait représenter. Il ne représentait en fait qu’une image falsifiée de lui-même…………. !

Montreuil, le 30 juillet 2010