Se révolter est comme respirer. Respirer dans le courage, je compte un-deux-trois, inspire longuement, redresse mes épaules -c’est le moment- et puis… expire les flammes de tout ce que tu es, tout ce que tu voudrais être et n’est pas permis par ce monde. Ta respiration, comme un marteau brisant une vitre, comme une scie à métaux défiant les barreaux d’une prison, un poing rendant les coups à la face de ce monde.

Tu respires, tu inspires et expires longuement. Tu te révoltes. Tu te fais battre et tu tombes. Mais tu n’arrêtes pas de respirer et plus tard tu seras de nouveau sur pied. La respiration des autres t’aide à te relever, comme la respiration d’unE amiE aimantE, d’unE enfant, d’unE camarade proche de toi réchauffe ton cœur avec de la force. Comme la respiration des prisonniers qui ont brûlé une aile entière du centre fermé de Steeenokerzeel pendant l’été 2008. Comme la respiration des prisonniers qui se sont révoltés à Merksplas en essayant d’empêcher la déportation d’un ami, comme celle des prisonniers qui ont conquis leur liberté. Comme celle de ceux qui ont envahi le mois dernier le bureau de Besix (l’entreprise qui construit le nouveau camp de déportation) et qui l’ont détruit, comme celle de quelques anarchistes qui ont mis le feu aux containers sur le chantier de construction d’un nouveau centre fermé à Rotterdam. Comme la respiration des gens qui ont bloqué le centre de déportation de Brugge et celle des prisonniers à l’intérieur qui se sont révoltés en même temps et ont commencé à exploser leur prison. Comme chaque respiration qui a détruit un morceau de l’infrastructure de la prison ces dernières années, comme chaque respiration qui a combattu les contrôleurs et les flics, qui s’est jouée des juges et de leurs avocats, qui a mis les patrons hors jeu, donné du courage à des femmes de quitter leur mari violent, qui a donné la force à des enfants de refuser la volonté que leur parents essayent de leur imposer, les parents qui leur demandaient de se sacrifier. Respirer comme tous les petits actes de résistance qui se nichent dans les pores de notre corps. Résistance contre ce monde qui nous oppresse non-stop, à chaque moment de la journée, toujours.

Nous pouvons arrêter de sentir, s’enfuir dans les temples de la consommation, de la télévision, du sport, de la drogue. Fuir, essayer d’oublier, oublier que tu souffres, que tu vis. On peut se taire, regarder de l’autre côté, laisser ceux qui nous utilisent continuer et un jour on finira sur la pile de déchets des corps compressés. Ou on peut respirer. Calmement, rapidement. Doucement, intensément, chaudement, battant de plaisir.

Respirer comme discuter avec d’autres, discuter de ce qu’on peut faire, de ce qu’on veut faire et pourquoi. Finissons-en une bonne fois pour toutes avec le désespoir, soyons nos propres maîtres sans dieux. Détruisons le vieux monde avec le désir d’un nouveau. Pour respirer librement ! Adieu à ce monde où on se réprime les uns les autres ! Adieu à ce monde où nous allons nous coucher avec des angoisses, où nous nous réveillons avec des angoisses. C’est le refus de se résigner à la vie que cette société essaye de nous imposer, le refus d’abandonner nos rêves et de descendre dans le puit d’une existence malheureuse.

Pleurnicher, se plaindre, pleurer et jurer peut nous soulager le cœur pour un moment. Mais rien ne change.
C’est respirer qui fait battre notre cœur et circuler notre sang. Si tu ne respires pas, tu meurs.

[Texte d’un tract trouvé en plusieurs langues en Belgique, fin 2009]