Un événement important est quasiment passé inaperçu la semaine dernière : jeudi 11 mars, lors du rendu de son procès en appel, Nina a été relaxée2. Le 30 juillet 2009, elle avait été condamnée en correctionnelle, pour « bris de “sucette” Decaux » dans la nuit du 18 au 19 mai 2009, à 500 € d’amende avec sursis et 850 € de dommages-intérêts pour Decaux – qui avait également demandé 900 € pour frais de justice3. Le procureur ayant fait appel, elle était repassée devant le tribunal le 21 janvier dernier. Et là, surprise : ce même procureur avait quasiment demandé la relaxe. Après avoir démonté tous les éléments de l’accusation, il s’en était remis au tribunal.

Cela a laissé perplexe plus d’un observateur. L’un d’eux, Sylvestre Gilloire, pense que « le procureur, anticipant sur l’efficacité des arguments de la défense, a sans doute préféré abandonner la partie pour ne pas risquer un désaveu public. Ce serait aussi une façon d’appeler la police à un minimum de rigueur, si elle veut être suivie »4. Là est peut-être la clef de ce procès. Comme dans la plupart des affaires de ce genre, l’accusation a été faite à charge et, les preuves n’ayant pas été apportées, elle a finalement reposé sur les seuls témoignages des policiers – témoignages discrédités par le procureur et désavoués par le juge. Cela ne veut-il pas dire que c’étaient des inventions de la police, des faux témoignages donc ?

Les faux témoignages policiers sont le talon d’Achille des poursuites judiciaires. D’abord, précisons-le, il est inexact de penser que les témoignages de la police valent plus que ceux des autres citoyens dans la mesure où ses agents sont assermentés. Le Code de procédure pénale dit en effet explicitement, dans son article 430 : « Sauf dans le cas où la loi en dispose autrement, les procès-verbaux et les rapports constatant les délits ne valent qu’à titre de simples renseignements. » C’est même un principe général du droit, puisqu’en France il faut apporter la preuve de ce que l’on affirme. Sans preuve, le procès-verbal policier n’est donc utile qu’à titre de simple renseignement ; et dans ce cas le tribunal est censé prononcer une relaxe. Il y a néanmoins un hic : un décalage existe, d’une juridiction à l’autre, quant au poids de la parole d’un dépositaire de l’autorité publique5.

On le voit à travers d’autres affaires reposant exclusivement sur les témoignages de la police et qui ont été traitées par le tribunal de Poitiers ces dernières années. Où sont les preuves qui corroborent ces témoignages ? Qu’en est-il de Sami, délégué lycéen notoire, condamné le 5 juin 2009 sur le seul témoignage de cette police pour violences en réunion contre personnes dépositaires de l’autorité publique6 ? Qu’en est-il de Lucille, 14 ans, condamnée pour rébellion le 5 janvier dernier sur les seuls témoignages des policiers qui l’ont arrêtée le 10 octobre 2009 – ou encore de Samuel, Jean-Salvy, Léo… arrêtés en même temps7 ? Qu’en est-il de Guillaume, condamné sans preuves le 4 mars8 ? Qu’en est-il enfin de David, condamné il y a quelques jours pour outrage et menaces de mort à l’encontre d’un des policiers de la BAC, sur les seuls témoignages plutôt contradictoires du policier partie civile et de ses collègues, alors que les témoignages des amis de David n’ont pas été recueillis9 ? Ne peut-on pas appliquer à toutes ces personnes ce qu’a dit l’avocat général pour Nina : que « les conclusions de la police relevaient plus d’hypothèses fragiles, voire d’une “construction” comportant des affirmations sujettes à doutes sérieux »10, en clair de faux témoignages ? Si nous appliquons le vieux principe de l’égalité de traitement, toutes ces personnes auraient dû être relaxées puisque Nina l’a été.

Comité poitevin contre la répression des mouvements sociaux

http://antirepression.unblog.fr

http://antirep86.free.fr

antirep86@ free.fr

et pour la suite des liens :

http://antirepression.unblog.fr/2010/03/23/faux-temoign…lice/