Le 12 mars 2010, des membres de différents syndicats, soutenus par quelques
militants politiques avaient prévu de manifester à Maracay, la capitale de l’État
d’Aragua, à une centaine de kilomètres à l’ouest de Caracas. Ils entendaient
protester contre la politique économique du gouvernement, mais aussi contre la
criminalisation de la protestation sociale et l’impunité dont jouissent les
instigateurs d’assassinats de combattants sociaux, de dirigeants ouvriers ou paysans
non ralliés au pouvoir.
Leur rassemblement – 200 à 300 personnes – fut rapidement entouré de tous côtés par
les forces de l’ordre, puis attaqué à coup de bombes lacrymogènes. Une vingtaine de
manifestants furent arrêtés par les forces de l’ordre et subirent au commissariat
une garde à vue qu’on pourrait qualifier d’ordinaire, si ce n’est qu’on les obligea
à se déshabiller complètement tandis qu’on filmait leur visage, et qu’on en entassa
huit d’entre eux dans une cellule de 2 mètres carrés où séjournait déjà depuis six
mois un garçon mineur. Un représentant du parquet vint leur dire qu’ils seraient
inculpés pour obstruction de la voie publique, incitation à commettre des délits et
outrage à la force publique. Leur comparution au tribunal était prévue pour le
lendemain. Ils furent cependant libérés quelques heures plus tard.

Selon Rafael Uzcategui, qui assistait à ce rassemblement en tant qu’observateur,
représentant l’organisation de défense des droits de l’homme PROVEA, et qui fut
arrêté, c’est la rapidité et l’ampleur des protestations, y compris internationales,
qui amenèrent le gouvernement central à demander aux autorités locales de relâcher
les manifestants.

Il est utile de préciser que l’État d’Aragua et la ville de Maracay sont tous deux
dirigés par le PSUV, le parti majoritaire chaviste, et qu’il ne s’agit donc pas d’un
épisode de l’affrontement entre le gouvernement et l’opposition parlementaire. Comme
le rappelle Rafael Uzcategui, qui fait également partie du collectif de rédaction
d’El Libertario, le pouvoir cherche à museler systématiquement toute expression du
mécontentement populaire. Ainsi, il y aurait actuellement environ 2 200 personnes
attendant de passer en jugement simplement pour avoir voulu exprimer leurs
revendications. On trouvera sur le site de l’OCL l’appel lancé en décembre 2009 par
des organisations vénézuéliennes pour la « défense du droit à la protestation
sociale »

http://oclibertaire.free.fr/spip.php?article665

Il faut naturellement replacer ce durcissement du pouvoir vénézuélien dans le
contexte général de dégradation des conditions de vie de la masse de la population.
Les améliorations attendues des différentes « missions », dans des domaines comme la
santé, l’éducation et le logement se sont révélées largement illusoires ou éphémères
; la priorité donnée dans les marchés publics à des « coopératives » dirigées par
des amis du pouvoir ont accru la précarité (voir à ce sujet l’interview réalisée il
y a déjà 18 mois par Charles Reeve :

http://claudeguillon.internetdown.org/article.php3?id_a…e=232

Aujourd’hui, les
pénuries d’électricité et d’eau se conjuguent aux effets de la dévaluation de
janvier 2010 (le Venezuela importe plus de la moitié de ses produits alimentaires)
pour rendre ces conditions de vie encore plus difficiles. Les gesticulations
anti-américaines et les références au « marxisme » de Chavez ne les amélioreront
pas, et il est à craindre que les mesures d’intimidation, jusqu’à l’assassinat, des
protestataires sociaux ne fassent que s’amplifier.