Comme à chaque fois, la grand-messe des élections est l’occasion pour tou-te-s les défenseurs et défenseuses de la société actuelle de multiplier les « appels au civisme » et autre propagande du système de la représentation. En effet, le devoir de tou-te-s citoyen-ne-s, c’est à dire chaque personne de plus de 18 ans à qui l’Etat répressif à bien voulu accorder la nationalité française, est de perpétuer la république en allant, à peu près une fois par an, remettre symboliquement son pouvoir de décision entre les mains d’une élite composée de professionnel-le-s de la politique. Ces professionnel-le-s de la politique organisent à tours de rôle la gestion du capitalisme, et la perpétuation d’un système où quelques-unEs décident pour tou-te-s. Elles et ils proposent – dans le meilleurs des cas – d’augmenter les salaires, de sanctionner les patron-ne-s, d’instaurer des conseils consultatifs où la parole de chacun-e pourra être écoutée avant d’être oublié. Bref, ils et elles rêvent d’une autre société où les patron-ne-s resteraient patron-ne-s, où les travailleuses et travailleurs continueraient à travailler et où les élites politiques continueraient à gouverner. A chacun-e ses rêves, ses fantasmes, ses utopies. Celles de nos élites valent peut-être les nôtres. Mais les élites en questions supportent mal le choix de certain-e-s de ne pas se déplacer pour leur donner un pouvoir de représentation. Peut-être y voient-elles une menace de leur légitimité ? Aujourd’hui, les élites pleurent sur le fait que les jeunes ne s’intéressent pas à la politique, demain lorsque ces mêmes jeunes entreront en luttes contre un projet qu’on voudra leur imposer, les mêmes élites leur reprocheront d’appartenir à des groupes extrêmement politisées. Il serait plus honnête de dire dès le début qu’elles déplorent que d’autres n’aient pas les mêmes idées politique qu’elles. On pourrait en tirer un magnifique slogan Orwellien : « refuser de choisir qui décidera pour nous, c’est laisser les autres décider pour nous ».

Mais ce qui dépasse le supportable, c’est l’instrumentalisation révisionniste des victimes des guerres « démocratiques » en Irak et en Afghanistan dans l’édito de Ouest France du samedi 13 mars 2010. François Régis Hutin écrit dans un article contre l’abstention :

« On voit actuellement dans le monde que des gens meurent pour voter. C’est le cas en Irak, en Afghanistan. Ces gens, là-bas, savent la valeur de la démocratie. Ils en paient le prix, parfois de leur vie.»

Il y a bien des gens qui meurent en Irak et en Afghanistan, mais, n’en déplaise à celles et ceux qui avaient nié le génocide des Tutsis au Rwanda en 1994, « ces gens, là-bas », ne meurent pas parce qu’ils et elles se battent pour pouvoir voter, ils et elles meurent à cause des guerres impérialistes qui sont menées par les démocraties occidentales, sur les ordres des élites politiques de ces démocraties. Oui, les Irakien-ne-s et les Afghan-e-s savent la valeur de la démocratie. Elles et ils en paient le prix, parfois de leur vie. Ce que l’on appelle « démocratie » n’est pas la forme de gouvernement parfaite, ni la seule qui permettrai à chacun-e de s’exprimer et de vivre libre. Il s’agit d’un mode de gestion de la population qui écrase les minorités – à l’exception des minorités possédantes et dirigeantes – en utilisant parfois la diplomatie, parfois la répression. Reste à mettre en place des organisations collectives qui ne demanderaient à personne de se laisser gouverner.