Face au traitement binaire des médias, avec leurs gentils sportifs, sponsors et organisateurs d’un côté, et de l’autre (quand ils en parlent) les méchants casseurs que la bonne police est forcée d’arrêter (eh oui ma bonne dame les anarchistes cagoulés habituels vous comprenez, sont jamais contents…) Il m’a paru nécessaire de diffuser largement le récit des résistances locales, dont le caractère universaliste est impressionnant, et préfigure (peut-être) la future révolution mondiale. Pour ceux qui trouveraient ces manifs molles du bidon, je les invitent à aller consulter (en V.O) les récits des actions plus musclées menées ces derniers jours à Vancouver.

INDYMEDIA = FREEDOM

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WE SAY PROTEST, WE SAY PARTY !

Vancouver, 13 février 2010. Par Moira Peters.

« Devons nous faire la fête sur le dos des pauvres ? »

Hollis Johnson de Fort Langley tournait le dos à un petit groupe se frayant un chemin à travers la foule, hier à la Vancouver Art Gallery (VAG) pour protester contre la résistance aux Jeux. Leur message aux contestataires : relax, profitez des Jeux.

« Je suis choqué de voir ces jeunes gens nous dire qu’on devrait être ici pour faire la fête. Ou sont leurs valeurs ? Nous voyons notre état-providence (welfare state) devenir un état répressif. Je suis déterminé à lutter à fond contre le business bêlant et le green-washing d’entreprise dont nous sommes témoins. »

« Je suis sur que si vous asseyez ces gens pour leur parler, vous pourriez les faire changer d’avis », dit Alex Klaver de Vancouver, qui tient une banderole ou l’on peut lire « Mettons fin à la Loi du Marché – Un Autre Monde Est Possible. »

« Ca n’a tout simplement aucun sens, étant donné les injustices que l’on subit, que l’on dépense autant pour les Jeux Olympiques. »

« C’est bien plus qu’une fête », dit Charlie Stewart de Burnaby. « C’est dur de se concentrer sur les festivités quand tant de personnes sont victimes de ces Jeux. »

Steward portait un T-shirt vert avec ces mots, « Acheter du Sexe n’est pas un Sport ». Le T-shirt fait partie d’une campagne destiné à sensibiliser l’opinion à l’intensification du commerce sexuel pendant les J.O 2010.

« Les touristes viennent à Vancouver pour deux semaines de fête, et beaucoup vont vouloir payer pour du sexe. Pour moi, la prostitution est une violence faite aux femmes. Pour moi, ça, ce n’est pas la fête. »

Environ 2000 personnes se sont rassemblées hier à la VAG pour manifester leur résistance aux J.O, avec une marche en direction de la cérémonie d’ouverture à la BC Place.

Alors que des porte-paroles indigènes (Indigenous, adjectif anglo-saxon pour désigner ce qui se rapporte aux peuples autochtones, ici les Indiens d’Amérique) s’adressaient à la foule et que les différentes groupes d’action théatrale rejoignaient les résistants, la manifestation commença à ressembler à… et bien, à une fête. Foods Not Bombs lança de la soupe et des sandwiches sur les marches de la Gallerie tandis que les volontaires encourageaient les gens rassemblés à « manger notre bouffe librement produite » (ici, jeu de mots intraduisible, et oral à propos du lien entre « freegen » et « freakin’ » (qui fait peur, qui à l’air bizarre).

La foule grossit encore un peu plus. Le Mass Movement Cuban Dance School étaient là aussi pour faire la fête.

« Nous célébrons clairement certains aspects des J.O », dit Johanna Wetzel de Vancouver, dont le T-shirt proclamait « I Want To Celebrate ».

« Nous soutenons les échanges culturels et athlétiques. Nous soutenons aussi le logement pour tous, la justice climatique et l’éducation publique de qualité. Une amie à moi, enseignante, vient juste de perdre son travail à cause des coupes claires dans le budget de l’éducation, et il y a eu aussi des réductions de budget dans les Arts Publics. Pourquoi n’y a t’il pas d’argent pour les écoles de danse ? » Sur le dos de son t-shirt, « Dépenser moins, vivre plus. »

Taryn Thomson et Sara Koopman, toutes les deux de Vancouver et portant aussi le t-shirt « Celebrate », disaient « On peut très bien faire la fête ET protester. »

La grande diversité des problèmes soulevés par la résistance – dépenses somptuaires, vol de terres, militarisation, gentrification (embourgeoisement des centre-villes), prostitution, népotisme et monopoles d’entreprises, répression des libertés civiles, surveillance, absence de logements et criminalisation des pauvres – n’étaient pas articulés juste par les voix et sur les banderoles, mais aussi dans la variété des gens qui défilaient en descendant Robson Street pour atteindre BC Place.

Jeunes et vieux, enfants et familles, personnes en fauteuil roulant et patins à roulettes, anarchistes, activistes, athlètes et universitaires, tous réunis derrière le contingent indigène mené par les Anciens, marchant sous le drapeau des Guerriers. Les représentants de la diaspora Circassienne, le peuple indigène de Sochi, site des Jeux Olympiques d’Hiver de 2014, faisaient le lien entre la lutte présente et les résistances futures en marchant aux côtés des habitants de Vancouver.

Le Quick Solidarity Notes Choir, « Chœur des Notes de Solidarité Rapides » chantait des harmonies avec un beat-boxer de Victoria et le Brass Band jouait avec des frappeurs de seaux. Des cercles de filles dansait.

Une poupée géante « Green Greed » (Voracité Verte) et un « Saumon Fantôme » flottaient parmi les humains défilant.

Même les arbres parlaient.

« Nous sommes ici pour célébrer la nature. Les Jeux les plus verts ? Ce qui s’est passé à Eagle Ridge – où tous les arbres ont été abattus – n’était pas nécessaire » dit Jennifer Norquist des Royaumes Supérieurs de la Sunshine Coast, qui était habillée en vert et montée sur des échasses.

« Nous ne protestons pas contre tous les aspects des J.O, mais nous sommes là pour rapeller aux gens que la nature fournit leur qualité de vie aux êtres humains. Même quand il faut transporter la neige par camions entiers d’aussi loin, c’est à cause de la dégradation de la nature. »

Et tandis que la foule atteignait les 3000 personnes, et commençait à défiler sur la place, un cri de ralliement domina soudain : Pas de J.O sur une terre volée aux Indigènes. Les percussions et les voix insistèrent. Le message se tournait vers la terre. « Sûr qu’on est pour le sport, mais pas pour le vol des terres », pouvait-on lire sur une banderole.

« Vous pouvez regarder le bobsleigh et en profiter. Et vous devriez. C’est marrant ! Mais ce que vous ne voyez pas en regardant cela, c’est la terre volée sur laquelle ce spectacle à lieu. Vous ne voyez pas la destruction environnementale » dit Ted Rutland de Vancouver, un ancien joueur de football américain.

« Vous ne voyez pas toutes ces choses qui rendent le bobsleigh possible ».

Warner Naziel du territoire Wet’suwet’en dit que lui pouvait voir ces choses très clairement.

« Ces Jeux sont financés par les même compagnies qui construisent un pipeline à travers notre territoire. Nous ne voulons pas de ce pipeline ; Nous sommes alliés avec les gens de Fort Chipewyan, Fort McKay, ceux de Haida sur la côte, les Nak’azdli de l’intérieur, les Nadleh Whut’en, Haisla, Tsimshian, et le Conseil Tribal de Sekani ; et nous avons signés une déclaration d’alliance contre ce pipeline », dit-il.

« Nous refusons de battre en retraite, nous refusons de rester calme quand notre terre est violée et pillée. Nous refusons de vivre en pleine béatitude alors que tant de souffrance est causée par ces Jeux Olympiques. »