D’abord, voici un abrégé des événements préalables au congrès. La semaine juste avant le congrès, deux voitures de l’entreprise Siemens ont brûlées. Sur quoi la police a reçu une lettre de revendication liant l’action au congrès, où l’entreprise Siemens participe à des innovations techniques et d’équipement. Les gestes de menaces de la police n’ont pas tardés. Par exemple, la réunion générale et ouverte au public lors du congrès a été surveillée par au moins deux agents de police en civil qui sont connus.

Deux autres actions de nuit se sont déroulées la veille du congrès. Devant l’entrée du bâtiment principal de la « Stiftung Wissenschaft und Politik » (Fondation Science et Politique), quatre cartouches de gaz ont explosé et enflammé la porte. Cette fondation, qui élabore des analyses de politique internationale, est principalement financée par la chancellerie allemande. Une autre action, cette fois-ci avec des pierres et des sachets de peinture liquide, fut perpétré contre le bâtiment de l’entreprise Rola – soi-disant « leader sur le marché du développement de logiciels de sécurité ». Un autre bâtiment d’un des sponsors du congrès fut dévitré une semaine après le congrès. Après chaque action une lettre de revendication détaillée ciblant le congrès et la nouvelle architecture de sécurité européenne a été laissée sur place.

Il reste à constater que l’infrastructure de l’appareil de pouvoir forme le point faible de leur architecture. « Belgrade 6 », « Tarnac 9 », « militante gruppe » ou n’importe qui – la lutte continue !

A P P E L

Comme les années précédentes, un congrès européen de la police a eu lieu en 2010. Ce congrès consiste en une rencontre internationale de responsables de la police, d’hommes et femmes politiques et de l’industrie de la sécurité. Il a eu lieu pour la 13ème fois et est organisé par le groupe d’édition « Behörden Spiegel », qui arrange également la conférence européenne de la défense. Selon les organisateurs-trices, l’année dernière, 1,800 participant-e-s sont venus en provenance de 70 nations.

UNE DOUBLE INTERCONNEXION

Les organisateur-trice-s du Congrès appellent eux-mêmes à ce que « les relations qui existent déjà soient renforcées et que des nouvelles pratiques soient développées ». L´élargissement et l’approfondissement de la coopération des organes répressifs de l’UE sont ainsi les deux objectifs principaux que se fixe ce congrès, visant à établir « une stratégie européenne globale de sécurité intérieure ».

« Le Programme de Stockholm » est prévu sur l’agenda – programme qui planifie sur plusieurs années la politique intérieure de l’UE. Ce plan quinquennal appelle de nouveau à une « lutte contre le terrorisme et la criminalité organisée », réclamant par ce biais le renforcement de la coopération policière, militaire et des services secrets. Ils inaugurent ainsi de nouveaux standards techniques de surveillance et de contrôle, ce pour quoi l’industrie de la sécurité présente divers produits dans le hall du congrès. La coopération policière-militaire était déjà un thème au 12ème congrès (2009). Kai Vittrup s’était vu offrir une tribune afin de présenter ses riches expériences. M. Vittrup est actuellement le chef des forces policières de l’UE en Afghanistan, il était chef des forces policières de L’O.N.U au Kosovo et était également l`un des responsables des interventions de la police au Soudan, en Irak et au Timor oriental. Il était en outre chef de la police de Copenhague pendant plusieurs années. Cette police s’est d’ailleurs bien illustrée, lors du Sommet Climatique, sur ce que sera l’avenir des droits de l’homme.

Le congrès de la police se veut « porteur d’avenir » en intégrant les méthodes des services secrets au travail policier. La surveillance et la répression travaillent de plus en plus « proactivement », ce qui désigne dans le jargon policier une « stratégie d`anticipation », approche également poursuivie par l’OTAN. Durant le congrès, de nombreux forums se sont tenus sur le thème de « la fusion entre sécurité intérieure et extérieure ». Une conférence était dévolue à la question : « Que peut-on apprendre des forces armées ? »

Les polices et les agences européennes comme Europol et Frontex sont de plus en plus interconnectés par le biais de toutes leurs bases de données et systèmes d’informations qui s’y rapportent. A l’avenir les agences s’engageront aux côtés d’autres polices, même en dehors de l’UE. C’est l’une des innovations du Traite de Lisbonne, qui prétend ainsi résoudre les conflits de « manière civile ».

Concernant la lutte contre l’immigration « illégale » les ministres de l’intérieur sont bien d’accord. Ceux qui sont principalement visés par ce dispositif sont sans aucun doute les immigrant-e-s, qui sont indistinctement associé-e-s au « au crime organisé et au trafic illicite de drogues ». Parce que la migration trouve toujours, malgré l’appareil de sécurité blindé, des nouveaux chemins dans les pays privilégiés de l’UE, les polices répondent en créant des nouvelles bases de données comme le système automatisé de reconnaissance d’empreintes digitales Eurodac ou le nouveau fichier de visa à partir de 2010.

Beaucoup de ces bases de données enregistrent principalement des migrant-e-s. De plus en plus, ces informations sont utilisées à d’autres fins policières. Tandis que les frontières extérieures sont de plus en plus assurées par de nouvelles techniques comme l’utilisation de satellites, de caméras thermiques, de détecteurs de mouvement ou de drones, le franchissement des frontières pour les voyageu-r-se-s possédant un passeport européen ou un visa s’organise de manière plus discrète. La sensation d’une « Europe sans frontières » ne doit être que le ressenti de gens privilégié-e-s.

LE POUVOIR DE LA STATISTIQUE

Les polices s’intéressent vivement aux bases de données et aux vastes informations qu’elles contiennent. En Allemagne, on utilise depuis longtemps le moyen du « quadrillage informatique systématique », véritable instrument de contrôle qui définie ce que c’est qu’un comportement déviant et qui normalise la population. Cependant, les polices et services secrets actuelles ont accès à beaucoup plus d’informations policières que la police de la RFA lorsqu’elle a lancé la recherche systématique sous la direction du chef la police fédérale Horst Herold en 1979. Il s’y ajoute la mise en valeur informatique des résultats des statistiques de la criminalité mais aussi d’autres données, par exemple celles des bureaux de la déclaration de résidence, des offices pour les étrangèr-e-s, des bureaux de travail, qui fournissent des informations sur le niveau de diplôme ou sur les domiciles de coupables et suspects. Toutes ces données sont stockées plus massivement et sur une période beaucoup plus longue qu’auparavant.

Les représentant-e-s des ministres de l’Intérieur européen-ne-s se réjouissent d’un « tsunami de données » (citation) et veulent « faire valoir les quantités énormes d’informations pour les administrations policières ». La restriction de la liberté du web fait de même partie des convoitises policières. Des réseaux sociaux en ligne et des sites web sont exploités et si des éléments intrigants sont trouvés alors ils sont incorporés dans les bases de données policières.

L’UE conclut des accords sur l’échange de données avec d’autres pays : des accords avec les Etats-Unis et le Japon règlent par exemple la transmission de données de transactions de finance ou de données de passagers d’avion. Ce n’est pas la première fois que les représentant-e-s des ministères de l’intérieur font fi d’un vote démocratique du parlement européen sanctionnant ce marché de données. Des entreprises de logiciels développent des produits liant la mise en valeur de vidéos biométriques avec des données satellites ayant accès à des nombreuses banques de données. Divers-e-s exposant-e-s offrent même des logiciels qui peuvent prétendument prédire le comportement humain. Il y a un grand nombre d’entreprises allemandes en concurrence sur ce marché de « predictive analytics » (analytique pronostiquant), parmi ceux-ci SAP, PSI, rola security, Siemens, et EADS. La folie de la faisabilité assistée par l’ordinateur exige de traiter de plus en plus de données dans de plus en plus brefs délais et d’y intégrer un nombre croissant de polices. Pour cela, il faut cependant adapter les logiciels et le matériel dans l’ensemble de l’Europe. Afin de gérer cette « architecture informatique », surgissent de nouvelles agences. Ce dispositif se présente comme une « infrastructure délicate » pour le contrôle policier et tiendra une place importante lors de ce congrès.

POURQUOI TOUT CELA ?

L’UE n’est nullement un projet pacifique, contrairement à l’image qu’on aimerait nous en donner. A côté de la violence structurelle envers les pauvres, nécessaire pour faire couler l’argent au mépris des intérêts sociaux et qui doit se développer à l’échelle européenne autant que possible, l’UE envisage de devenir une superpuissance internationale qui suit de plus en plus ses propres buts. Dans le devenir-Etat de l’UE, les quatre membres européens faisant partie du G8 ont décidé d’une partie importante de son orientation. Les investissements dans la recherche et le développement afin de construire une « Homeland Security » (sécurité de la patrie) affermissent l’industrie de sécurité européenne, qui profite malgré la crise de marchés de forte croissance. La fusion de la police, des services secrets et du militaire est censé garantir l’énergie et la production de l’UE et doit assurer la position de l’Europe vis-à-vis de l’extérieur aussi bien que vis-à-vis de l’intérieur au cours des crises encore attendues (p.ex. entraînées par le changement climatique).

ET LA REPLIQUE ?

Les mouvements émancipateurs ne doivent pas se permettre de manquer l’évolution de la coopération des administrations de poursuite. Il est nécessaire de trouver des possibilités de réponses à la répression européennes qui transcendent elles aussi les frontières. Parmi les activistes européen-ne-s il existe déjà des réseaux transfrontaliers qui travaillent dans ce sens, p. ex. dans la sphère de la migration ou dans les contre-sommets. Afin de faire crouler les piliers des architectures de sécurités européennes dans les pays en question, il faut en identifier les acteur-e-s et les implémentations – les agences publiques aussi bien que les agences privées.

Face au devenir-étatique de l’UE, la gauche radicale a du mal à s’y confronter. Du moins en Allemagne, la critique de la manie européenne du sécuritaire est abandonné à des groupes de militant-e-s pour les droits civiques, des avocat-e-s ou récemment le « Piraten-Partei » (parti des pirates).

Au cours de la mobilisation contre le congrès européen de la police, nous avons voulu essayé de nous faire une idée des développements de la coopération des polices européennes. Au préalable de la manif il y eu plusieurs évènements aboutissant à une assemblée générale. Dans cette assemblée nous avons voulu poser la question de l’ampleur des développements déjà accomplis, si la répression d’autrefois était effectivement plus grave qu’aujourd’hui ou bien simplement une autre, à quoi des interventions transnationales pourraient ressembler et quels réseaux déjà existants pourraient être utilisés.

Des informations sur la série d’événements, sur la manifestation et d’autres publications autour du sujet de l’architecture sécuritaire européenne peuvent être trouvées à :

http://euro-police.noblogs.org

http://gipfelsoli.org

IL Y AURA UN 14ème CONGRES – ON SE VERRA A BERLIN EN 2011 !

DISCERNONS LES ARCHITECTURES DE LA SECURITE ET FAISONS-LES CROULER !