téléchargez la version en PDF
Haïti: sauver les meubles… du capital, et laisser crever les prolétaires!
Des barrages de cadavres. Voilà ce que les prolétaires de Port-au-Prince ont dressé en travers des rues huit jours après le tremblement de terre. «Ils protestent contre le manque criant de secours d’urgence», nous dit-on. Au-delà de cette évidence à laquelle les medias préfèrent s’en tenir, comment ne pas voir que ces prolétaires survivants en sursis renvoient à la face de cette société, de sa classe dominante mais également de tous ses braves citoyens: ce sont vos morts, ils sont morts de l’entassement dans lequel nous vivions, si peu a été entrepris pour sauver les survivants des premiers jours et depuis lors vous nous laisser crever dans ce charnier géant. En effet, ce n’est pas aux prolétaires d’Haïti qu’il faut expliquer que les Etats aujourd’hui mobilisés sur l’île se foutent bien de leur sort. Ainsi que nous le dénonçons régulièrement avec force dans notre presse, militaires et humanitaires sont plus que jamais les deux faces d’un même programme étatique visant à casser sur le terrain toute solidarité de classe, toute action directe pour la survie. Déjà en temps «normal», dans une région qui a son histoire riche en soulèvements, les prolétaires sont bien placés pour se rendre compte dans quel camp travaille le secteur humanitaire (indépendamment des bonnes intentions individuelles) et a fortiori les Nations Unies: le camp du maintien de la paix, de la paix sociale, du maintien de l’ordre, ou encore du fameux «développement», c’est-à-dire le développement du profit et de l’exploitation, par la destruction de toute pratique autonome de survie et de lutte de notre classe. Dans les faits, toutes ces préoccupations fondamentalement capitalistes d’encadrement, de domestication, de mise au pas civilisatrice sont inséparables de la répression brutale des luttes par les armes et la torture. Il ne se trouvera pas beaucoup de prolétaires pour pleurer les morts de la «Minustah», la mission de l’ONU en Haïti!
Face au désastre que provoque un tel tremblement de terre au sein d’une telle concentration purement capitaliste de misère (soulignons-le), et tandis que la bourgeoisie pleure des larmes de crocodile sur ce qu’elle aime nommer une «crise humanitaire», le rôle de ses agents de «bienfaisance» ne fait que se confirmer. Un porte-avions américain mouille au large d’Haïti, avions civils et militaires défilent en une ronde incessante sur la seule piste opérationnelle de l’aéroport (très rapidement contrôlée par l’US Army),… mais ce n’est pas pour sauver des prolos de Haïti que cette débauche de moyens est mobilisée. Il y a bel et bien secours d’urgence… mais pour le capital: rétablir l’Etat, défendre la propriété privée, assurer l’approvisionnement et la logistique des forces de l’ordre (journalistes inclus) et des institutions stratégiques (ONU, ambassades,…), sauver ses propres ressortissants (y compris des décombres des hôtels de luxe), et surtout redéployer une présence militaire internationale durable, dans le but essentiel de ne pas laisser s’organiser les prolétaires révoltés par leur situation, fruit de la haine bourgeoise internationale, historique et présente, à leur égard. Quand la bouffe et l’eau arriveront aux portes des quartiers populaires dévastés (et au bout de dix jours ce n’est toujours pas le cas!), la distribution parcimonieuse sera comme toujours subordonnée à la docilité et à la soumission de ses bénéficiaires.

Tandis que l’on extrait quelques survivants des ruines devant les caméras et que l’on tente de nous convaincre que «toutes les couches sociales» sont indistinctement touchées, les télés du monde entier diffusent en boucle les images de prolos armés de machettes «faisant la loi dans la rue». Dans leur entreprise commune de division de notre classe, medias internationaux et presse gauchiste sont à nouveau en puante connivence pour nous resservir leurs clichés racistes selon lesquels les hordes de démunis négroïdes, face au délitement de l’Etat, retournent avidement à leur effrayant état de nature, celui de la guerre cannibale de tous contre tous. On nous les décrit tantôt mus par «le désespoir», tantôt par «la cupidité», organisés en bandes qui sèment la terreur pour «s’approprier» les vivres et dont les rangs se grossissent certainement des 6000 prisonniers qui sont parvenus à s’évader à la faveur du séisme. Révulsés par cette déferlante vague de bestialité, nous voilà conviés à applaudir le déploiement salvateur des dites forces de «sécurisation» tout en versant notre obole culpabilisée aux numéros de compte affichés à l’écran des shows télévisés de la «solidarité».

Derrière ce lieu commun journalistique de la «multiplication de scènes de pillage» se cache (mal) un paroxysme de cynisme capitaliste, un fleuron notable dans les progrès accomplis en matière d’inhumanité par la dernière –et la plus «civilisée»- des sociétés de classe: tandis que «tout est désorganisé» et que l’Etat s’est soi-disant évaporé dans le séisme, flics et soldats patrouillent en armes au milieu des gravats et des monceaux de cadavres en décomposition pour empêcher (à balles réelles) les prolétaires affamés et assoiffés de fouiller les décombres de magasins à la recherche de ce qui leur permettrait, à eux et leurs enfants, de ne pas crever comme des chiens! Voilà ce qu’est la prosaïque réalité de la lutte contre les infâmes bandes de pillards! Voilà qui rappellent furieusement –oui, furieusement!- la situation à la Nouvelle-Orléans après le passage de l’ouragan Katrina en été 2005.

Et comme pour la Louisiane, lorsque la bourgeoisie et ses commentateurs évoquent avec une émotion et un empressement obscènes les perspectives de «reconstruction», on ne peut douter que les investissements à consentir, animés du plus pur désintéressement, ne manqueront pas de suivre avec zèle les plans de nettoyage social déjà sortis des tiroirs des Q.G. de la gendarmerie mondiale.

Alors les prolétaires renvoient la politesse aux crapules larmoyantes du monde entier: venez déblayer vous-mêmes ces barrages de cadavres dressés contre l’hypocrisie meurtrière de votre société, c’est bien celle-ci et pas «l’injustice de la Providence» ou «la nature» qui les a produits!

Janvier 2010
Références de quelques articles de notre organe central en français:
«Haïti: le prolétariat affronte la bourgeoisie mondiale» (Communisme n°56, octobre 2004)
«Tsunami, phénomène naturel, catastrophe sociale» (Communisme n°57, juin 2005)
«Katrina: les prolétaires montrent les dents!» (Communisme n°58, mars 2006)

Groupe Communiste Internationaliste (GCI)
BP 33 – Saint-Gilles (BRU) 3 – 1060 Bruxelles – Belgique (important: ne pas mentionner le nom du groupe)
e-mail: info [at] gci-icg [dot] org – Notre presse sur internet: http://gci-icg.org