INFOS LUTTE FAC DE CAEN (émanant du Syndicat Intercorporatif Anarchosyndicaliste de Caen et publié aussi sur le site A-infos)

La lutte contre les réformes LMD et ECTS a démarré mi-novembre à l’initiative d’une intersyndicale regroupant l’UNEF, la FSE et SUD-Etudiant récemment crée sur Caen. Les premières AG ont rapidement regroupées plusieurs centaines de personnes pour monter ensuite, parfois, à un millier. La lutte a démarré sur des bases dures puisque très vite les piquets de grève ont été adoptés à une large majorité avec pour objectif d’empêcher la tenue des cours. Cette décision fut peut-être précipitée car d’une part le travail d’information, d’explication sur le caractère néfaste des réformes n’avait été qu’ébauché (beaucoup de gens sur les campus ignoraient le pourquoi de la grève et du blocage de leurs cours) et d’autre part le comité de grève n’était pas bien structuré donc difficilement en mesure d’organiser rapidement des piquets efficaces (sortie d’un texte explicatif, repérages de toutes les entrées de bâtiments, achat de chaînes et de cadenas…). Les piquets furent mis en place et tenus jusqu’au jeudi de la semaine dernière sans énormément de succès. Ce manque d’efficacité est lié essentiellement au faible nombre de participantEs et à leur épuisement progressif dans un contexte de désorganisation récurrente. Les piquets se mettaient en place dés 7H du matin mais ne réunissaient en général que 40 à 100 personnes, c’est à dire largement pas assez pour tenir des piquets réellement étanches. La direction de la fac a souvent fait couper les chaînes et cadenas entravant les portes. Certains vigiles harcelaient les grévistes, s’ingéniant à faire entrer les non grévistes par toutes les entrées non ou insuffisamment surveillées. Des profs, des vice-présidents tentèrent plusieurs fois de forcer les piquets, parfois de manière très agressive, bousculant des grévistes (recherche de l’occasion de déposer plainte contre des grévistes s’ils/elles avaient réagi eux/elles aussi de manière agressive ?). Là dessus, les incidents, allant parfois jusqu’au échange de coups, se multiplièrent avec des non-grévistes furieux de ne pouvoir accéder à leurs amphis. Bref la situation a fini par devenir intenable et les piquets ont été suspendus, les gens étant épuisés (la journée commençant fort tôt et se finissant souvent tard avec des AG de commissions…) et pressentant l’aggravation imminente des incidents. Des profs ont commencé à constituer un comité anti-grève et fait circuler auprès de leurs étudiants une pétition contre les piquets de grève. Par ailleurs, pendant les premiers jours, les piquets n’ont reçus aucun tract explicatif à diffuser et rares étaient les grévistes connaissant bien les réformes et en mesure de prendre la parole pour les expliquer face à un public indifférent voire hostile. La plupart des piquets ne se sont donc révélés efficaces au mieux que quelques heures par jour et sur quelques bâtiments seulement… 700 ou 800 personnes votaient les piquets « durs » en AG mais l’AG ne s’est jamais donné les moyens d’une présence massive dans ces mêmes piquets…Les attitudes consommatrices sont fortement ancrées. La grève a cependant réussit à durer et à s’étendre sur les 3 campus de l’université de caen. Ceci étant dit, il est clair qu’elle est nettement minoritaire.
Concernant l’organisation du mouvement, ses débuts furent marqué par une certaine volonté de démocratie directe qui a toutefois été le plus souvent improductive. Les AG ont souvent été marquées par un formalisme bureaucratique qui les ont rendu interminables et harassantes pour de faibles résultats concrets. Le comité de grève composé d’un certain nombre de commissions est composé de gens qui ne sont pas clairement identifiables et qui n’ont pas tous formellement été élus. Les commissions ont souvent dysfonctionnées remplissant peu et assez mal les mandats qui étaient les leurs et quand elles ont fonctionné, c’est souvent dans leur coin et sans se coordonner (ou en se coordonnant mal entre elles). Comité de grève et commissions ont un peu tiré a hue et à dia sans réussir à formaliser et stabiliser leur fonctionnement sur des bases efficaces et coordonnées. Le comité de grève (où l’on trouve beaucoup de syndicalistes ou de militants politiques) a vaguement chapeauté les commissions au lieu d’en être l’expression coordonnée. Du coup, à aucun moment, la désorganisation ambiante n’a permis de déboucher sur une action efficace et transparente, un « rythme de croisière », une appropriation collective par l’AG de la lutte, de ses enjeux, de ses formes et méthodes, ce qui aurait permis une véritable DYNAMIQUE démocratique, collective, participative permettant le dépassement des insuffisances et du poids des syndicats. Parallèlement à ce qui vient d’être dit, on peut ajouter que la désorganisation ambiante a donc permis aux syndicats de conserver un rôle assez central, en ce sens qu’ils constituent de fait des structures organisées permanentes disposant d’une logistique, et que faute de mieux, dans l’incapacité de s’auto-organiser efficacement, au milieu d’un relatif chaos, une partie des gens s’en sont remis à eux ou sont venus les appuyer les percevant comme un facteur d’organisation dans une situation qui en manquait cruellement.
A part les piquets décidés par l’AG, il n’a rien été proposé en terme d’action si ce n’est quelques manifs en ville, animées par des syndicalistes à la sono (une sorte de Karaoké collectif) et qui ont fini par s’échouer devant le rectorat sans aucune perspective. Elles ont cependant réuni pas mal de monde : 1500 à 2000 personnes, ce qui n’est quantitativement parlant pas trop mal vu le bordel qui règne dans le mouvement. C’est une forme d’action sans conséquence où les syndicats sont très à l’aise.
L’idée d’occupation de bâtiments officiels n’a pas encore été discutée alors que le mouvement entame déjà sa 3ème semaine. Sur la fac, seul un amphi a été occupé pendant plusieurs jours (uniquement pendant le jour) servant de « QG » et de lieu d’AG. La présidence a fini par le faire fermer. Il en a résulté l’occupation durant une nuit du bâtiment lettres dans une ambiance sympathique par une centaine de personnes qui tentèrent, une ultime fois, de barricader les entrées des autres bâtiments du campus 1, en pleine nuit, en utilisant du matériel pris sur un chantier situé en plein dans la fac. Cette utilisation de matériel de chantier (en fait des palettes, des gravats et des encadrement de fenêtres mis dans des bennes de déchets) a abouti à ce que la présidence (décidément très tentée par les poursuites disciplinaires, judiciaires et les interventions policières ces dernières semaines) porte plainte pour vol et dégradation.
Le mouvement semble donc en perte de vitesse actuellement, les AG sont sensiblement moins remplies, la désorganisation continue de régner, la démocratie directe est plus un fantasme qu’une réalité concrète. Les gens semblent un peu usés. On va voir comment évoluent les choses…

A noter la création d’un collectif autonome regroupant des anars et des radicaux afin d’intervenir collectivement dans le mouvement en vue d’y faire la promotion de l’auto-organisation, d’analyses radicales, des occupations etc… 2 tracts sont déjà sortis : un sur les réformes et le processus dans lequel elles s’inscrivent, un autre sur la multiplication des répressions policières au sein même des campus. On vous invite à joindre directement le collectif « Pas dupes » à l’e-mail suivant : pas-dupes@voilà.fr
On joint à ce compte-rendu de la lutte sur Caen, le texte de ces 2 tracts.

ENVOYEZ NOUS DES INFOS SUR LA SITUATION DANS VOS FACS ET SUR CE QUE VOUS SAVEZ DE LA PREMIERE REUNION DE COORDINATION NATIONALE A RENNES.
BONNE LUTTE.

PS : l’AG du lundi 01 décembre a rassemblé 200 personnes sur le campus 1. Le campus 2 reste plus mobilisé et maintient des piquets durs. Le collectif « Pas dupes » va chercher à poser concrètement la question des occupations en AG. Des informations sur la suite du mouvement suivront…

Réforme chloroforme !!!

Tout au long des années 90, projets de réformes et rapports se sont succédés, ramenant pratiquement à chaque fois sur le tapis les questions de l’autonomie des universités, du cadre national des diplômes, des frais d’inscriptions et de la professionnalisation des cursus universitaires. C’est dire si cette logique, portée aussi bien par la gauche que par la droite, vient de loin. Projet Devaquet de 1986, réforme Jospin-Lang de 92, rapport Laurent de 1994, réforme Bayrou de 96, rapport Attali de 98: c’est toujours la même rengaine.
L’Etat s’est progressivement délesté de la charge financière des universités en la reportant en bonne partie sur les collectivités territoriales. Les politiques européennes liées aux traité de Maastricht, au pacte de stabilité ont poussé l’Etat à réduire ses déficits publics.
Il a accru l’autonomie des facs (la propriété de leurs locaux et terrains leur a été transférées, la définition du contenu de leurs formations leur a été accordée, la modulation de leurs frais d’inscriptions acceptée…). Etat, collectivités territoriales, élites universitaires ont souhaité ouvrir les facs aux grandes entreprises, susceptibles de financer bourses de recherche, bibliothèques, laboratoires et cycles de formations. Mieux les universités ont fréquemment été invitées à devenir elles-mêmes des entreprises, à déposer et exploiter les brevets issus de leurs recherches, à abriter en leur sein des entreprises naissantes crées par certains de leurs chercheurs, à mettre en place des fonds de capital-risque pour participer au capital de ces entreprises naissantes, à accroître leur part de marché en matière de formation initiale et permanente…
Le poids des collectivités territoriales ( elles aussi souvent fortement influencées par les intérêts du « monde de l’entreprise ») et du capital s’est accru dans la définition des orientations et du contenu des formations des universités. Les formations courtes, professionnalisantes, souvent taillées sur mesure pour (et en partie directement par) le patronat se sont multipliées: IUT, IUP… La tentation d’intégrer dans tous les cursus des stages « professionnalisants » permettant de fournir en main d’œuvre pas chère les entreprises a plus d’une fois dévoré les gouvernements successifs.
L’autonomie des universités, leur ouverture aux intérêts capitalistes sont donc déjà en partie des réalités. Les projets LMD et ECTS visent à renforcer ces tendances lourdes. A travers la réforme LMD se joue le durcissement de la sélection sociale à l’université par l’allongement du temps d’études nécessaire à l’obtention d’un 1er diplôme universitaire et par un filtrage au cours du Master. Avec les ECTS émergent les débuts d’une équivalence européenne des diplômes, élément indispensable à la constitution du grand marché européen de la main d’œuvre de niveau universitaire. Quant au caractère national des diplômes, il continue à être patiemment sapé par l’introduction d’études « à la carte » et par l’adjonction au diplôme d’une annexe descriptive des enseignements suivis. Ceci étant dit, il est de notoriété publique que la valeur des diplômes varie déjà selon le degré « d’excellence » de telle ou telle université. Le mythe de l’égalité des diplômes est en réalité bien vermoulu (l’éducation est devenu un secteur concurrentiel). Quant au mythe de leur « valeur », il ne protége guère de la précarité et du chômage structurel qui règnent dans le monde capitaliste. Au sein même des facs, prés de la moitié des étudiantEs courent après les petits boulots, les temps partiels, les emplois dégradés d’assistants d’éducation qui ont remplacé le statut des pions plus avantageux…
Les projets de réformes se suivent et se ressemblent. C’est au rythme lent du « 2 pas en avant, 1 pas en arrière » que se poursuit depuis plus de 15 ans la restructuration de l’université afin de la rendre plus fonctionnelle (c’est à dire plus rentable et mieux adaptée) par rapport au besoins du développement capitaliste en terme de recherche et de formation de main d’œuvre…
L’Etat, qui se recentre actuellement sur ses fonctions répressives, bat la mesure accompagnant le mouvement du capital. La marchandisation capitaliste de l’ensemble du monde, de l’ensemble des aspects de la vie se poursuit. L’éducation n’est pas censée y échapper… Le problème dépasse donc de loin celui de nos petits diplômes pour rejoindre celui de la domination de nos vie par la logique du profit…

Le collectif « Pas dupes » vient de se créer. Il est indépendant de tout parti et syndicat. Il rassemble des personnes auto-organisées. Il fonctionne de manière assembléiste et autogérée. Il a pour objectifs de promouvoir des analyses, des pratiques, des actions radicales durant la lutte actuelle et après celle-ci.

LA RUE S’EXPRIME, L’ETAT REPRIME !

Depuis le début de l’année, la pression policière augmente sur les luttes sociales. Les luttes étudiantes n’échappent pas à cette dérive répressive.
Déjà lors de la lutte des pions (novembre 2002 à avril 2003), les intimidations se sont multipliées à l’encontre des étudiantEs/salariéEs grévistes.
– A Lyon, suite à une occupation, RG (police politique) et Brigades Anti-Criminalité (BAC) ont interrompu, en pleine Bourse du Travail, une AG de pions pour procéder à des contrôles d’identité et à des menaces.
– A Caen en février, la police en tenue anti-émeute a piétiné et frappé une cinquantaine de pions/nes qui occupaient pacifiquement le rectorat.
– A Lyon encore, durant les grèves du mois de mai, une centaine de lycéens/nes sont brutalement viréEs par les CRS d’un lycée qu’ils occupaient pacifiquement pour y tenir une AG.
Sur les facs parisiennes, les interventions musclées des vigiles et/ou de la police se multiplient également avec la bénédiction de certainEs présidentEs d’université.
– Fin novembre 2002, à Nanterre, une dizaine de chômeurs et d’étudiants occupent une salle et déploient une banderole appelant à la grève. Des vigiles tentent de les agresser. Un des chômeurs finit par les gazer pour se protéger. Peu après, 50 flics investissent le bâtiment, menacent les étudiants qui s’attroupent avec des flash-ball et arrêtent 9 occupants après avoir défoncé la porte de la salle. 48 H de garde à vue s’en suivront. Un étudiant passe en conseil de discipline et prend un an d’exclusion de la fac avec sursis. Le président de Nanterre fait appel trouvant la sanction trop légère et réclamant un exclusion d’un an ferme. Le camarade visé par les sanctions est donc repassé en conseil de discipline cette semaine. On attend des nouvelles.
– Toujours à Nanterre, en octobre 2003, des centaines d’étudiantEs, la plupart étrangerEs n’ont pas le droit de s’inscrire. 300 personnes se rassemblent le 21 octobre pour protester et tentent d’occuper un bâtiment. Les vigiles de la fac les gazent et tapent à la barre de fer: plusieurs blesséEs. A noter aussi que la présidence de Nanterre a placé de nombreuses caméras de vidéo-surveillance sur la fac, mis en place un mur autour du bâtiment administratif pour empêcher les occupations, installé des postes de vigiles à tous les endroits stratégiques pour filtrer les déplacements à l’intérieur du campus. La franchise universitaire interdisant l’entrée de la police a été levée par le président. Les syndicats étudiants vont voir leurs locaux regroupés dans un bâtiment à l’écart de la fac.
– A Jussieu aussi plusieurs centaines de personnes n’ont pas le droit de s’inscrire. Le 30 octobre une vingtaine d’entre eux/elles occupe le bâtiment « inscriptions ». La présidence envoie la police. Une quarantaine de flics en civil (RG et BAC) expulse brutalement les manifestantEs: 5 interpellations. Quelques jours auparavant les CRS étaient déjà intervenus contre une autre action.
– A Caen, la présidente Le Querler a fait arrêter 16 personnes pacifiques qui sortaient de la présidence après l’avoir occupé en soutien aux étudiants sans-logement. Ces personnes attendaient la remise des clés d’un local destiné à accueillir les sans-logement durant la journée. La police a filmé les gens lors de l’occupation, un responsable de la fac, Elissade, a pris aussi des photos des occupantEs pour lancer des procédures disciplinaires. Une plainte pour vol a été déposée (un document aurait disparu sur une table) et pour violences (un vice président de la fac a été légèrement bousculé alors qu’il cherchait à empêcher l’ouverture d’une porte par les occupantEs). La mobilisation rapide de plus de 300 personnes et la réoccupation de la présidence dés le début d’après-midi a permis d’obtenir la levée des poursuites disciplinaires et judiciaires.
– Le 25 novembre, Le Querler a de nouveau porté plainte pour vol et dégradation, des grévistes ayant pris dans des bennes de chantier des matériaux usagés pour bloquer les portes d’un bâtiment du campus 1. Des vigiles et des profs ont menacé et bousculé des grévistes qui bloquaient les entrées. A Caen aussi des caméras de vidéo-surveillance ont été installées sur le campus 1. Les RG circulent librement sur les campus pour tenter d’identifier les grévistes les plus actifs sur les piquets, ce qui ne semble pas déranger les syndicats. La présidence multiplie les attitudes provocatrices à l’affût du moindre prétexte pour porter plainte contre les étudiantEs jugéEs trop « remuantEs ».

Face à la répression des luttes (étudiantes ou autres), à la « démocratie » policière que met en place l’Etat, la solidarité active et massive, la riposte collective, rapide et déterminée, constituent nos meilleures armes. Soyons prêtEs à les utiliser !!!

POLICE PARTOUT, JUSTICE NULLE PART !!!