Après huit réunions de la campagne d’acceptabilité pour les nanotechnologies commanditée par le gouvernement, chacun a pu constater le dévouement des membres de la Commission nationale du débat public. « Je pourrais me consacrer à d’autres activités beaucoup plus lucratives, si je n’avais pas confiance en le fait que ce que nous faisons peut être utile », jurait le président, Jean Bergougnoux, à Clermont-Ferrand.

Aussi lit-on avec gravité ses premières conclusions, livrées à l’Agence France Presse à mi-parcours de la campagne : « Les grands accusés sont les applications qualifiées de futiles, telles que les chaussettes au nano-argent qui fiche le camp dans les lavages et dont on ne sait pas ce qu’il devient dans l’environnement » (AFP, 2/12/09*).

Deux millions d’euros, les services d’une agence de manipulations publiques, des conférences de presse, une vaste campagne de communication, auront eu cette vertu : alerter les pouvoirs publics et l’opinion sur les dangers des chaussettes. Qui oserait encore critiquer le rôle de la CNDP après un tel coup de semonce ? Pas les Verts, ni France Nature Environnement, ni la FRAPNA, ni tous les pseudo-écologistes et promoteurs de l’encadrement des nuisances qui militent pour des nanotechnologies « responsables ». Pas les associations de consommateurs, rassurées de pouvoir acheter leurs chaussettes les yeux fermés, grâce à ce formidable exercice de démocratie participative.

Comment s’étonner de ce résultat, quand la campagne de la CNDP fait mine d’ignorer le nanomonde pour focaliser l’attention du public sur les seuls nanoproduits ? Quand le saucissonnage des thématiques abordées dans les réunions dissimule le projet global et révolutionnaire de monde-machine, pour décliner jusqu’à l’écœurement les traditionnelles nuisances sanitaires et environnementales du monde industriel ?

Le gouvernement soucieux des deniers publics aurait pu s’épargner ces deux millions gaspillés. Depuis des années, Pièces et Main d’œuvre annonce les mesures à attendre du pouvoir pour nous faire avaler la pilule du nanomonde : encadrement, normes de pollution, étiquettage. « On disposera bientôt des taux de nano-contamination tolérés, fixés par quelque comité de normalisation, et dans quelques années on sera soulagés de savoir que la France respecte les normes. Comme pour les dioxines, les pesticides et les OGM, on oubliera que le seul taux acceptable de contamination est : zéro.
Etiquettées et labellisées, les nanotechnologies pourront tranquillement « révolutionner nos vies » et poursuivre leur projet d’homme-machine dans un monde-machine. » (Aujourd’hui le nanomonde n°13, juin 2007)

Pendant que les gogos s’indignent des chaussettes anti-odeur, Clinatec peut tranquillement développer ses implants neuronaux expérimentaux pour calmer les dépressifs ; STMicroelectronics et IBM peuvent disséminer leurs puces RFID partout sur la planète, dans les objets et les corps ; le Centre de communication scientifique, technique et industrielle de Grenoble peut acclimater les ados à la réalité augmentée et à leur future condition d’hommes-machines.

On vous l’avait dit : participer, c’est accepter.

Pièces et Main d’œuvre –
3 décembre 2009

* [http://www.romandie.com/infos/news2/091202182327.0i252p….asp->http://www.romandie.com/infos/news2/091202182327.0i252p…1.asp]