“On connaît la situation grenobloise, mais le débat aura lieu, c’est certain !”
Jean Bergougnoux, président de la CNDP nanos, Grenews 25 novembre 09

Aujourd’hui, mardi 1er décembre, devait avoir lieu à Grenoble le « débat public » sur les nanotechnologies organisé par la Commission Nationale du Débat Public.
Nous arrivons sur les lieux du débat vers 19 heures. Le dispositif de sécurité est pour le moins impressionnant. Les entrées du batiment sont toutes bloquées par des barrières de sécurité, et plusieurs vigiles se tiennent devant chaque entrée. On ne le sait pas encore, mais des camions de gardes mobiles prêts à intervenir sont stationnés à l’arrière du batiment. A travers les vitres, on aperçoit déjà Dorothée Cellard, grande chef des flics de l’Isere qui s’active.

Les portes sont ouvertes quelques minutes plus tard, et pour pouvoir rentrer, nous devons nous soumettre à des fouilles de nos sacs et de nos poches, et à des palpations du corps par des vigiles. Aux personnes qui arrivent avec une caméra, il est demandé une carte de presse. Le débat est public, soit, mais quand même, il vaut mieux laisser le traitement de l’information à la presse aux ordres. Nous entrons donc dans le premier hall. Là, il nous est demandé de signer un papier sur lequel il est écrit que nous nous engageons à ne pas perturber le débat. Nous signons de bonne foi, puisqu’il n’y a aucune chance que nous perturbions un débat. En effet, ce n’est pas un « débat » qui est prévu ce soir, mais une opération de com’ destinée à nous faire gober les nanos. Accessoirement, nous reconnaissons aussi dans ce hall la femme d’I&E, l’agence de com en charge de l’organisation de ce faux débat. C’est elle qui était présente à la conférence ratée de la CNDP à Grenoble. (voir ici : http://grenoble.indymedia.org/2009-11-19-Grenoble-confe…ue-de

Une fois ces formalités accomplies, nous pouvons emprunter les escaliers qui mènent au débat pipeau. Des vigiles sont disposés tous les 15 mètres. Juste avant de rentrer dans la salle du débat, nous nous trouvons dans une salle plus petite où sont disposés tous les tracts et dossiers de propagande du gouvernement. Ils sont à la disposition du public. Aprés y avoir jeté un oeil nous entrons enfin dans la salle, encore sous la surveillance des vigiles. Des hotesses nous souhaitent la bienvenue, et nous remettent un stylo et une feuille qui nous permettra de poser des questions lors du débat. Nous nous asseyons dans la salle tranquillement. Sur scène, ils ont mis le paquet. Sièges en cuir pour les gens de la tribune, deux écrans géants, de grands panneaux de la CNDP…

Devant la tribune, se tiennent déjà des gros gorilles. D’autres sont répartis partout autour de la salle. Dans la salle, se trouvent des flics en civil, dont certains ont un pistolet coincé à l’arrière de leur pantalon. Nous reconnaissons aussi Patrick le Grand, vice président de la CNDP, et ancien président de la commission du débat public sur ITER, assis au milieu du public. Il est rouge et il transpire à grosses goutes. Alors Patrick, on stresse ? Tu devrais essayer la neuroscience, ça calme parait-il.

Le public prend place peu à peu. Vu les dispositifs de sécurité, l’entrée des gens prend du temps. Un peu avant 20 heures, les gens sont presque tous rentrés, et finissent de s’installer. Il doit y’avoir 400 ou 500 personnes. A ce moment, un des panneaux de la CNDP sur scène s’effondre. Frémissement dans la salle. Une bonne moitié de la salle ricane et chuchotte. L’autre moitié se demandent si finalement, il n’y a pas plus d’opposants que prévus dans la salle… Le calme revient instantanément.

Des personnes se lèvent de leur siège et distribuent des tracts dans toute la salle. Le tract expose les 10 techniques de la CNDP pour organiser un débat pipeau. Il est disponible ici : http://grenoble.indymedia.org/IMG/pdf/tract-6.pdf

Des vigiles supplémentaires viennent s’installer devant la tribune, et le tant attendu Jean Bergougnoux entre d’un pas mal assuré. Il se place derriere son pupitre et commence son discours : « Bonjour, je suis Jean Bergougnoux » Fin du discours. A Grenoble le faux débat aura duré 5 secondes.

Bergougnoux est en effet vivement interrompu par les applaudissements et les hourras de la salle. Le brouhaha est énorme, et couvre complètement le micro. Il comprend tout de suite que les gens qui l’applaudissent sont des opposant-e-s au nanomonde qui dénoncent le débat pipeau. Un premier slogan est lancé et est repris massivement dans la salle :
« Fermez Minatec et le CEA, aprés on débattra !
Fermez, Minatec et le CEA, aprés on débattra ! »

Bergougnoux panique et essaye de se faire entendre. En vain. Sur un écran géant, des mots apparaissent, qui demandent le calme.

Dans la salle un chant est lancé : « no nano » sur l’air de « Ti amo ». C’est là que l’on prend vraiment la mesure du nombre d’opposant-e-s présent-e-s dans la salle. Nous devons être plus de deux cent. Les bras se lèvent, et se balancent de droite à gauche au rythme de la chanson. L’effet visuel est garanti. Une banderolle « Fermez Minatec » est alors déployée. Les journalistes sont à l’affut. Des ballons de baudruches sont gonflés et lancés partout dans la salle. Des cotillons aussi. Les opposants sont en train de transformer le faux débat en fête anti-nanos. Les gens se lèvent partout dans la salle. Les tracts de la CNDP sont froissés et jetés partout. Des drones en papier survolent la salle.

Bergougnoux anéanti a renoncé à parler. Sur l’écran géant, le débat est annulé. Les slogans et chants continuent à fuser :
« Flics, chercheurs, ou militaires, qu’est ce qu’on ferait pas pour un salaire ? »
« Remboursez Minatec »
« Les nanos, c’est pas vert, c’est juste totalitaire »
« Nanos déjà là, on débat pas »
Sur l’air de YMCA : « CNDP, participer c’est accepter… »

Une personne monte sur scène et s’empare du micro, elle est violemment ramenée dans la salle par trois vigiles.

Les vigiles se sont regroupés à l’avant de la salle. Dorothée Cellard a fait rentrer des flics de la BAC en nombre. La tension monte. Des boulettes de papiers et les cotillons continuent à fuser de partout.
« Tous pucés, tous fliqués, fermez Minatec »
« Ni moutons, ni robots, fermez Clinatec »

A ce moment là, un encravaté en train de se faire interviewer est recouvert de crème chantilly ou de mousse à raser par une personne. Intervention musclée de vigiles et keufs qui l’interpellent et le sortent de la salle. Ca se bouscule contre les vigiles pour essayer de récupérer la personne.
La salle se met alors à crier :
« Libérez notre camarade », et « On part pas sans lui » en tapant sur les sièges. Quelques minutes aprés, une personne visiblement responsable de la sécurité, vient parler au micro et annonce sa libération. Le camarade est effectivement ramené dans la salle sous les applaudissements.

Le brouhaha est toujours ininterrompu. La plupart des chercheurs qui étaient venus pour bourrer la salle sont déjà sortis. Nous décidons alors de partir. Pour éviter des interpellations, nous sortons en chaînes, au cris de : « A chaque débat, on sera là ». Du fait de notre nombre, la sortie prend un peu de temps.

En arrivant dans le hall, nous pouvons voir à travers les vitres des rangées de gardes mobiles qui encadrent chaque coté de la sortie. « Il est beau le nanomonde ! ». Nous restons en chaînes. Quelques secondes aprés, ils reculent et nous décidons de sortir, toujours en scandant des slogans. Nous prenons quelques minutes pour vérifier que tout le monde va bien, puis nous nous dispersons tranquillement. Ce soir les opposant-e-s au nanomonde ont réussi leur coup.

Désolé Jean, ce soir le « débat » n’a pas eu lieu. Vous aviez pourtant 2 millions d’euros de budget. Vous aviez bourré la salle de chercheurs. Vous disposez de tous les moyens de communication imaginables. Vous avez embauché une agence spécialisée dans la manipulation d’opinion. Vous aviez aussi installé un dispositif de sécurité impressionnant.
Malgré cela, plus de 10 000 tracts distribués, des centaines d’affiches collés, une conférence de presse annulée par les opposants, des dizaines de tags anti nanos sur les murs de la ville, des banderolles accrochées, l’invasion de Minatec… et un travail de fond des opposant-e-s depuis bien plus longtemps, ont permis de saboter ce soir votre campagne d’acceptabilité.

Ce n’est pas fini, nous passons le relai aux autres villes.
Plus d’infos sur www.nanomonde.org