La motion portant sur le voile votée lors du congrès de
SUD-Education à Lorient ( 18-22 novembre 2003)

Le port du voile est devenu en quelques semaines une question en apparence si décisive pour l’avenir de l’école, qu’une mission parlementaire et un parti politique (le P.S.) viennent dans un même élan de se prononcer en faveur d’une loi l’interdisant. Même s’il nous faut encore attendre les relevés de conclusions de la commission Stasi, il ne fait désormais guère de doute qu’une disposition législative conforme à ces propositions sera probablement adoptée d’ici la fin de l’année.

Pour SUD-Education, trois remarques préliminaires s’imposent :

· La forme rédactionnelle du texte prohibant « le port visible de tout signe d’appartenance religieuse ou politique (…) dans l’enceinte des établissements scolaires » ne peut masquer le fait évident qu’il s’agit d’abord d’une loi discriminatoire et de circonstance, visant surtout à interdire le port du voile. En aucun cas il ne s’agit d’un projet de loi permettant de réaffirmer ou de consolider les principes et les valeurs de la laïcité puisqu’il n’est même pas prévu d’appliquer ses dispositions aux écoles privées sous contrat et aux départements d’Alsace-Moselle. Nous n’en sommes plus à constater une simple maladresse ni même une grave inconséquence, mais bel et bien une dangereuse provocation dont on ne peut que craindre qu’elle favorise et légitime des revendications communautaristes.

· La réduction des expressions politiques au statut réservé aux signes religieux est, par ailleurs, particulièrement inquiétante. Elle traduit bien la philosophie d’ensemble d’un projet de loi d’autant plus régressif qu’il cède à la demande d’un enseignement du fait religieux. Si l’école de la république n’a certainement pas pour fonction d’aider à l’émergence d’une conscience religieuse par l’inculcation d’un catéchisme (fut-il laïque ou « civique ») elle se doit, par contre, de favoriser la formation d’une conscience citoyenne et d’un engagement politique dont l’apprentissage est inséparable d’une expression et d’une pratique du débat démocratique. L’idée d’une neutralité scolaire qui jusqu’ici s’appliquait pour l’essentiel aux personnels et aux enseignements, est désormais agitée au profit d’une sorte de « mystique » laïque qui revendique une sanctuarisation de l’école sous la bonne garde de la loi et de la police. SUD-Education rappelle à nouveau que ce n’est certainement pas en conférant à l’école un statut d’extraterritorialité par rapport au reste de l’espace social et public que les problèmes qui l’affectent pourront être résolus.

· Enfin, comment peut-on encore prétendre aujourd’hui renouer avec les valeurs de la laïcité sans dénoncer et combattre les forces qui soumettent l’école aux lois du marché et de la rentabilité financière bien plus sûrement qu’à celle d’une Eglise ou d’une religion ? La question du voile islamique qui ne concerne tout au plus qu’une ou deux centaines d’incidents par an est très largement surévaluée en regard des difficultés concrètes et massives auxquelles sont actuellement confrontés les personnels et les bénéficiaires du service public d’éducation. Dans tous les cas, elle ne permet pas de prendre la mesure de l’offensive libérale qui menace l’indépendance de notre enseignement en organisant la marchandisation de l’école.

Nous ne céderons pas à une dramatisation médiatique complaisamment exploitée par tous ceux qui ont intérêt à détourner l’attention des vrais enjeux et à diviser ceux qui ont lutté ensemble pendant le printemps 2003. Nous appelons tous les travailleurs à ne pas se laisser aveugler par ce « voile » brandi comme un chiffon rouge et à garder en mémoire les vraies raisons de lutter.