Mort d’un journaliste: Ankara condamné par la CEDH faute d' »enquête adéquate »
STRASBOURG, 9 mai (AFP) – 17h20 – La Cour européenne des droits de l’Homme a condamné vendredi la Turquie à indemniser le père d’un journaliste tué estimant que ce pays n’avait pas mené une « enquête adéquate » sur son décès.
La cour a en revanche rejeté le grief d’atteinte au droit à la vie invoqué par le père qui reprochait à des membres des services secrets de l’Etat d’avoir enlevé, torturé et tué son fils, Ferhat Tepe, reporter au journal Ozgur Gundem à Biltis, ou d’avoir été commanditaire de ces actes.
« Les circonstances du décès de Ferhat Tepe et le fait qu’il ait travaillé pour un journal pro-kurde militent en faveur des allégations de son père », a estimé la cour dans son arrêt. La juridiction ne peut toutefois « conclure au-delà de tout doute raisonnable » qu’il a été la victime d’un agent de l’Etat ou d’une personne agissant en son nom.
Le gouvernement soutenait que Ferhat Tepe avait été assassiné par le PKK (Parti des travailleurs du Kurdistan, mouvement kurde interdit).
Pour tenter d’élucider les circonstances controversées de la mort du journaliste, trois représentants de la Cour ont entendu 24 témoins à Ankara en octobre 2000.
La cour a souligné que l’enquête n’avait pas été approfondie et que les autorités policières et judiciaires n’avaient pas pris de mesures pour identifier de possibles témoins. Elle a conclu qu’il y avait eu violation de la Convention européenne des droits de l’Homme « du fait que les autorités nationales ont failli à mener une enquête adéquate et effective sur les circonstances du décès du fils du requérant ».
Elle a alloué au requérant 14.500 euros de préjudice moral et 14.500 euros pour les frais et dépens.

Procès contre trois Turcs pour un livre sur les Kurdes écrit par Barzani
ISTANBUL, 8 mai (AFP) – 18h04 – Le procès « pour propagande séparatiste » contre deux éditeurs et un traducteur turcs d’un livre sur l’histoire des Kurdes écrit par le dirigeant kurde irakien Massoud Barzani s’est ouvert jeudi devant une Cour de Sûreté de l’Etat d’Istanbul, a rapporté l’agence Anatolie.
Le procureur a réclamé jusqu’à sept ans de prison à l’encontre d’Ahmet Zeki Okcuoglu et Bedir Vatansever, respectivement éditeur et imprimeur de ce livre sorti en janvier, et de Vahdettin Ince, traducteur de l’ouvrage en arabe.
L’acte d’accusation épingle l’emploi, dans ce livre intitulé « Barzani et le mouvement de libération nationale kurde », du terme « Kurdistan turc » pour désigner le sud-est de la Turquie majoritairement peuplé de Kurdes, précise Anatolie.
Le parquet estime également que l’ouvrage du chef du Parti démocratique du Kurdistan (PDK) critique le fondateur de la République turque, Mustafa Kemal Ataturk, selon l’agence.
Les autorités turques considèrent que le terme « Kurdistan » relaye les apirations nationalistes kurdes à l’indépendance du sud-est de la Turquie, en y associant les régions majoritairement kurdes de l’Irak et de l’Iran voisins.
L’armée turque a combattu une rébellion indépendantiste kurde dans le sud-est anatolien, qui a fait quelques 36.500 morts entre 1984 et 1999.
Ankara soupçonne également M. Barzani et l’autre grand leader kurde nord-irakien Jalal Talabani, chef de l’Union patriotique du Kurdistan (UPK), de se préparer à proclamer l’indépendance de la zone qu’ils contrôlent dans le nord de l’Irak, à la faveur de la chute du régime de Saddam Hussein.
Un tel développement, selon Ankara, pourrait relancer la rébellion kurde sur le territoire turque, où les accrochages ont quasiment cessé depuis près de quatre ans.
Aucun des trois accusés n’était présent à l’audience jeudi et la cour a prononcé un mandat d’amener à l’encontre de M. Okcuoglu pour entendre son témoignage, a ajouté Anatolie. L’audience a été ajournée à une date ultérieure.
L’Union européenne (UE), à laquelle la Turquie veut adhérer, a souvent dénoncé les entraves à la liberté de pensée et d’expression des écrivains, intellectuels et journalistes mis en prison pour leurs écrits.