Les concepts tels que « développement durable », « croissance verte », « écoconsommation » fleurissent de-ci de-là dans les discours et construisent le mythe d’un paradis capitaliste plus juste conciliant respect de l’environnement avec économie de marché. On nous explique que ce nouveau paradis, ou du moins cette terre promise, repose sur une technologie de pointe et sur des pratiques individuelles écologiquement plus responsables. L’homo écologicus capitalitus se présente comme un « consommateur-acteur », « un acteur durable » qui choisit de faire les « bons gestes pour la planète ». Toutefois se contenter de « consommer-écologique » peut-il réellement suffir à endiguer les effets pervers d’un système économique et social que les représentants de la technoscience et de la « croissance verte » ont tout intérêt à sauvegarder?

Présenter l’individu comme seul responsable et coupable de sa condition et de celle de la planète constitue l’un des enjeux idéologiques central du « capitalisme vert ». Tout simplement parce qu’il permet d’occulter la responsabilité de l’organisation sociale et économique actuelle. L’autre enjeu de ce système est l’idée selon laquelle le système capitaliste est le fondement naturelle des communautés humaines, ou du moins des communautés humaines civilisées. Comme si ce système avait toujours historiquement existé et qu’en sortir signifie, dans l’inconscient collectif formaté, revenir à l’âge de pierre et à l’éclairage à la bougie. Un autre monde est possible tant que celui-ci reste dans le cadre bien définit du mode d’organisation économique et social actuel.

Dans cette volonté d’allier écologie et progrès économique, une instance suprême s’affirme comme le graal de ce paradis promis: les énergies vertes! Champ d’éoliens et panneaux photovoltaïques, voitures hybrides et biocarburants, énergie nucléaire et déchets radioactifs durables sont quelques-unes des énergies vertes du futur que les organes technocrates déroulent à nos pieds pour nous assurer de vivre dans le meilleur des mondes.

Ayant intériorisé l’idée que nous vivions dans une société en crise permanente où nous sommes en compétition pour trouver notre place; la technoscience et le capitalisme vert se proposent de nous construire un avenir durable dans lequel nos choix de consommation font de nous des acteurs du monde. Produits bio et équitables vendus dans des grandes surfaces qui se vendent plus éthiques, écovacances et tourisme vert, écofinances, publicité verte et éthique pour une communication innovante et écologique sont autant de produits à travers lesquels le capitalisme vert cultive le paradoxe de se prétendre éthique et solidaire, tout en asseyant sa logique de productivité, de compétition et d’exploitation. Et s’il ne s’agissait là que d’un cheval de Troie permettant au système de donner l’illusion de son changement tout en maintenant son mode de fonctionnement économique et social: vendre de l’espoir par la consommation écologique pour acheter la paix sociale! Et si, en s’appuyant sur la suprêmatie que nous accordons à la science et la technologie, les organes technocrates instauraient un nouvel ordre social global? Or si nous mettions de côté notre « fétichisme technologique » peut-être nous pourrions accepter l’idée que la technoscience ne nous mène pas inévitablement au progrès. Cela car les énergies du futur, toutes pleines de bonnes intentions qu’elles soient, reposent sur des choix politiques directement liés à des intérêts économiques et des enjeux de pouvoir de toutes couleurs.

Par l’intermédiaire des énergies vertes et de la technoscience, on observe une privatisation de l’espace commun qui s’imposent à nos vies et notre quotidien. Accepter d’être des acteurs-spectateurs d’une administration totale de notre vie recouvert sous le sceau d’une bonne conscience citoyenne et de la promesse d’une croissance éternelle. Les centrales nucléaires créent de véritables no man’s land mortifère tandis que les champs d’éoliens industriels foisonnent dans des espaces concentrés et contrôlés. Un mix énergétique reposant sur un développement industriel que seuls certains organes technocrates pourront prendre en charge. Désormais dépendant de cette gestion industriel, on assiste ainsi à la légitimation passive de la domination des organes technocrates qui n’hésitent pas à criminaliser tous autres volontés individuelles et collectives de se réapproprier sa vie de manière autonome et en dehors du marché. De même, rouler en voiture électrique ne remettra pas en cause le fait que les villes et nos activités quotidiennes soient pensées et construites en fonction de ce mode de déplacement. Cela sans revenir sur le fait que la voiture électrique ne sera autre qu’une voiture nucléaire dont la source de l’uranium n’est ni durable, ni propre et dont l’extraction détruit et emprisonne de nombreuses vies!

Alors qu’est-ce que le « développement durable » si ce n’est intégré l’écologie à l’économie de marché; et par la même occasion privatiser la vie en vue de proposer les remèdes qui permettent d e gérer (non sans profit) les problèmes causés par ce même mode d’organisation économique et social? Gérer la biosphère (donc la vie) pour permettre à la planète d’avoir les capacités de subvenir durablement aux besoins de notre mode de consommation consumériste. Puisque consommer c’est exister, alors l’écoconsommation est notre avenir! Après tout c’est toujours « moins pire », « plus mieux » que de ne rien faire du tout pour la planète… Car tout critique que nous soyons, nous avons aussi nos propres contradictions entre ce que nous défendons et nos actes quotidiens (comment ne pas en avoir lorsque l’on vie dans une société qui impose son organisation et marginalise toutes autres pensées et actions). Et il est bien là le problème: c’est que le capitalisme vert, ne nous laisse pas le choix de décider de faire sans et autrement. La politique du « moins pire » ou du « plus mieux que rien » doit-elle faire de nous des pantins au nom du progrès éternel?

Mais restons positif! Grâce au capitalisme vert, les écosystèmes ont une valeur marchande et la planète constitue une ressource que nous pourrons raisonnablement exploiter. Les conflits sociaux , les conséquences humaines , animales et végétales du mode d’appropriation répressif et totalitaire capitaliste sont occultés au profit du seul soucis individualiste de réaliser des économies durables pour notre porte-feuille et celui des gestionnaires de la planète. Car après tout un monde qui saigne sous un manteau vert, c’est quand même bien plus vendeur qu’un monde qui crève sans couverture pour se voiler la face…

Collectif Vélorution de Caen
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caenvelorution[AT]no-log.org

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