Nous rejoignons des participants au collectif pour des droits nouveaux qui ont décidés de s’associer à l’action pour procéder à une nouvelle « décontamination des lieux de la grippe précaire » au métro Nationale puis nous dirigeons vers la CAF.

L’allocataire concernée entre, accompagnée de quatre personnes, elle prend son numéro et va s’asseoir. Le reste du groupe, une bonne vingtaine de personnes, arrive quelques minutes plus tard, puis nous attendons l’entretien au guichet.

Assez rapidement, nous sommes repérés. Malgré l’ambiance détendue, les premiers policiers en civils ne tardent pas pointer le bout de leur talkies.

Les noms des allocataires reçus défilent sur l’écran lumineux. Nous ne manquons pas d’accompagner de nos encouragements chacun des appelés à se rendre à tel ou tel guichet.

Après une vingtaine de minutes, c’est le tour de l’embrouille de la CAF qui nous a amené là et nous nous dirigeons vers le guichet indiqué. Tandis que nous commençons à exposer le litige, la « décontamination » démarre. Certains s’adressent à la guichetière, d’autres entourent de rubans collants les vigiles, d’autres encore parlent avec les allocataires présents tout en distribuant des tracts.

Bien sûr, et comme à chaque fois, la guichetière nous demande de n’être que deux ou trois face à elle : l’allocataire concernée et un ou deux accompagnants. On ne lâche pas, nous ne serons pas moins de six à nous adresser à elle pour exiger l’annulation de l’indu.

Entre-temps, 8 cars de CRS ont pris position de part et d’autre de la CAF. À notre grande surprise et amusement, nous voyons passer de l’autre côté du guichet un flic en civil qui y semble naturellement à sa place, avec sa main sur l’oreille et l’autre dans son blouson.

Pendant que le directeur de la CAF puis la responsable technique des guichets et procédures nous répondent, les vigiles essaient de bloquer l’entrée aux allocataires qui arrivent. La petite foule dispute le contrôle de la porte. Les protestations permettront de la faire ouvrir à nouveau après 10 minutes de forcing. Les allocataires peuvent à nouveau entrer. On va quand même pas nous faire porter le chapeau des emmerdes subies par des ayant droit bloqués dehors par la direction.

Nous exposons le cas. L’Assedic a mis des mois à lui ouvrir ses droits à allocation-chômage. Elle a donc dépendu du RMI. Et la voilà face à l’injonction de rembourser les RMI perçus pendant ce temps. La CAF tente sa chance en exigeant ces sommes alors que les textes prévoient explicitement que la déclaration trimestrielle de ressources (DTR), c’est à dire les ressources effectivement perçues lors de la période en cause, serve de base au calcul des droits, or cette allocataire n’a à l’exception de quelques salaires ponctuels pas eu d’autres ressources que le RMI. Et maintenant la CAF lui impute le coût de la lenteur, de l’obstruction et de la pingrerie des Assedic.

Ces magouilles de la CAF sont très fréquentes, quasi généralisées. Ils tablent sur l’absence de recours des ayants droits et le découragement. Et lorsque recours il y a, c’est comme à l’Assedic, la CAF fait tout pour ne pas reconnaître ses torts et propose un aménagement de la dette plutôt que son annulation, quitte à assortir cette « proposition » d’échelonnement de menaces : « si vous contestez, on mettra en cause votre alloc logement ou votre ouverture de droits à alloc chômage, on lancera un contrôle, vous ne serez pas gagnant et avez tout à perdre ». Encore et toujours, culpabilité et peur sont autant d’armes de gouvernement auxquelles s’ajoute une dénégation constante : Ils pratiquent l’extorsion, mais les fraudeurs, c’est nous ; Ils distillent la panique et l’inquiétude parmi les précaires, mais venir à plusieurs réclamer son dû relèverait de la “prise d’otages“… alors même que c’est souvent le meilleur moyen de ne pas se faire avoir.

Finalement, lorsque la responsable réglementaire revient, elle admet que l’indu de 1582 euros ainsi que les 220 euros de « prime de fin d’année » réclamés par la CAF ne se justifiaient pas et les déclare annulés. Par principe et n’ayant ni les moyens de vivre de promesses ni de subir un revirement, nous exigeons alors une attestation écrite.

Pour les mois de RMI qui ont été versés par erreur par la CAF, alors que l’allocataire avait déclaré son changement de situation en signalant son ouverture de droit à allocation chômage, la responsable de guichet doit aussi concéder une remise gracieuse de dette.

Normalement, les allocations Assedic font l’objet d’une « neutralisation des ressources » et ne sont donc pas prises en compte lors de l’ouverture de droits au RMI. Mais il n’y a pas de petites économies lorsqu’il s’agit d’épargner contre les fauchés et il arrive que le caractère discrétionnaire de la « neutralisation des ressources » viennent trouer le fragile tissu des droits. Là, nous sommes nombreux et insistants : la chef s’engage à ce que l’allocataire, dont les droits à allocation chômage sont épuisés depuis le 22 juin, se voit appliquer cette « neutralisation des ressources ». Elle pourra donc toucher dès le mois de juillet les miettes du RSA

Il avait fallu presque 10 mois de démarches humiliantes auprès de la CAF et de Pôle Emploi pour obtenir ce qui a été ici conforté en moins d’une heure par une action collective : le respect d’une forme de continuités des droits.

La tentative d’extorsion de 2000 euros de la CAF finit par coûter des milliers d’euros de frais de Police : la doctrine de l’accompagnement individuel devient encore plus gourmande en moyens matériels et humains lorsqu’il s’agit de suivre un collectif. C’est tellement dangereux ces choses-là, qu’au moins une soixantaine de policiers, dont 10 civils, aurons veillé sur nous durant l’action, puis nous suivrons à la sortie de la CAF, jusqu’à surveiller longuement ceux qui étaient aller s’offrir un verre au comptoir d’un troquet.

Nous n’accepterons plus que la CAF essaie d’extorquer le pognon des ayants droits, de nous bouffer notre énergie et notre temps. C’est collectivement que nous pouvons mettre en commun des savoirs et multiplier les expériences de résistance au contrôle de Pôle Emploi et de la CAF.