Collectif « Ne laissons pas faire ! » – septembre 2009

Jusqu’à quand ?

Ils devraient être sortis, mais, jour après jour, ils continuent à subir la violence d’une justice qui les séquestre depuis plus de 22 ans. Ils ? Ce sont les militants d’Action directe encore emprisonnés : Georges Cipriani et Jean-Marc Rouillan. Georges Cipriani reste incarcéré à Ensisheim : il l’a appris le 20 août dernier. Après plus de 22 ans de prison et ayant terminé depuis février 2005 la peine de sûreté de 18 ans assortie à sa condamnation, un jugement lui avait enfin accordé le 30 avril 2009 un régime de semi-liberté d’un an, première étape vers la liberté conditionnelle. Le parquet avait immédiatement fait appel.

Cet acharnement de l’Etat n’est pas nouveau : en juillet-août 2008, en raison de dispositions contenues dans la loi Dati sur la rétention de sûreté qui, dans son cas, lui avaient été appliquées rétroactivement, Georges avait été contraint – durant un séjour de six semaines au Centre national d’observation (CNO) de Fresnes – de se soumettre dans des conditions très éprouvantes aux examens d’« experts » prétendant juger de son éventuelle « dangerosité ». La Commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté n’avait pas craint de rendre hors délai un avis négatif fondé sur des expertises contradictoires ou périmées. Le 20 août, des juges ont donc infirmé la décision de placement en semi-liberté. Leurs attendus parfois contradictoires révèlent qu’ils « découvrent » après 22 mois de procédure que le dossier de Georges ne serait soi-disant pas recevable : ils lui dénient le droit de vivre dans la ville proche de sa famille et de ses amis, ils lui contestent le choix d’un emploi trop peu payé selon eux ! Mais avant tout, on lui reproche de ne pas renier publiquement son engagement politique et de persister à se définir comme prisonnier d’Action directe.

Pourtant, c’est bien pour les actions armées revendiquées par son organisation, c’est bien en tant que militant d’Action directe qu’il a subi ces 22 années de prison : voilà pourquoi, toujours emprisonné, il ne peut renier cette identité sans se nier lui-même. Sans la longue résistance menée collectivement avec ses camarades pour continuer à assumer cette identité politique, Georges Cipriani aurait depuis longtemps sombré dans l’anéantissement carcéral programmé par l’État. Et, comme Georges l’a lui-même exprimé : « Se repentir, c’est devenir otage de son propre passé… et être alors sans futur et sans présent. » (Limaille n° 5, janvier-mars 2008) Alors, Georges Cipriani victime d’un chantage au reniement, voire au repentir, concepts pourtant absents du droit français ? Pourquoi lui, alors que la même attitude n’avait interdit ni à Nathalie Ménigon ni à Jean-Marc Rouillan d’obtenir de la justice leur placement en semi-liberté ? Ce qu’il était possible d’arracher à la justice en 2007 ne l’est donc plus ?

Jean-Marc Rouillan, il est vrai, a été réincarcéré le 16 octobre 2008, après dix mois de semi-liberté étroitement contrôlée. Il a été remis en prison à temps complet par la justice « antiterroriste », une justice d’exception, qui a fabriqué de toutes pièces un prétexte pour perpétuer une peine déjà accomplie. Il a suffi d’une interprétation fallacieuse de quelques mots prononcés lors d’une interview pour refermer une porte brièvement ouverte sur celui qui se définit toujours comme un militant politique révolutionnaire. Aujourd’hui, atteint d’une maladie rare et évolutive diagnostiquée au printemps dernier, il demeure sans soins en raison de son maintien en prison. Seule, Nathalie Ménigon est enfin en liberté conditionnelle depuis août 2008, sous contrôle judiciaire, après 20 années de détention particulièrement dures et une année de semi-liberté. Régis Schleicher est quant à lui en semi-liberté depuis le 26 août, après 25 ans de prison. Souvenons-nous de Joëlle Aubron qui avait obtenu une suspension de peine en juin 2004, pour être soignée d’un cancer développé en prison. Elle décéda en mars 2006, après avoir consacré ses dernières forces à la lutte pour la libération de ses camarades d’Action directe et celle du militant communiste libanais emprisonné depuis un quart de siècle en France, Georges Ibrahim Abdallah.

Liberté pour Georges Cipriani et Jean-Marc Rouillan !

À justice de classe… résistance de classe !

Le 1er septembre, le tribunal de Compiègne condamnait six ouvriers de l’usine Continental de Clairoix (dont le délégué CGT, Xavier Mathieu) à des peines de prison (avec sursis), pour « destructions en réunion de biens au préjudice de l’État ». Les « 6 de Conti » ont été jugés solidairement responsables des dommages subis par la sous-préfecture, sans qu’aucun acte précis n’ait pu être imputé nominativement à chacun d’entre eux. Avec 200 de leurs camarades, ils avaient protesté contre la confirmation de la fermeture de leur usine.

Ces 23 mois de prison prononcés par une (in)justice de classe l’ont été alors qu’un accord de fin de conflit avait été signé avec Continental et l’État. Que celui-ci fasse condamner les salariés en lutte montre bien que ce verdict politique doit être entendu comme un message du pouvoir aux travailleurs qui oseraient suivre la voie de la résistance tracée par les Conti. La condamnation des Conti est ainsi un avertissement à la classe ouvrière dans son ensemble, à tous les exploités dont la colère gronde contre les patrons et les puissants.

De même, la condamnation de six syndicalistes kanaks de l’USTKE – dont son président, Gérard Jodar – à de lourdes peines de prison ferme et leur incarcération montrent que l’Etat colonial français est prêt à frapper les militants qui se battent pour exercer leurs droits syndicaux et pour l’indépendance de la Kanaky. Mais ni les menaces d’une justice de plus en plus répressive, ni les agressions multipliées de la police, armée de ses Tasers et autres flash-balls avec lesquels elle cible les manifestants, ne pourront enrayer la légitime révolte du peuple. Face aux attaques du patronat et de son Etat, les travailleurs qui osent lutter défendent leur identité de classe.

De même, dans les prisons où leur engagement les a conduits, les militants révolutionnaires – ceux d’Action directe, par exemple – continuent à résister en refusant de renier leur identité politique. C’est l’union de toutes ces résistances qui permettra d’abattre demain ce système inhumain et barbare.

« Je fais partie d’une histoire commencée bien avant celle d’A.D., celle de la lutte des classes, celle de l’engagement pour libérer les exploités. Dans cette histoire, il y a déjà eu des défaites et des reculs. Les exploités et les opprimés surent repartir à l’assaut du ciel. C’est une composante du discours de l’idéologie dominante que de faire croire à l’éternité de son pouvoir. »

Joëlle Aubron

Collectif « Ne laissons pas faire ! »

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