Retour sur le CAC : quelques pistes…

Bilan partiel ( à compléter, à critiquer !) de quelques militant-es présents à la semaine du CAC

– Autogestion et autonomie :

On ne peut que se féliciter du niveau de logistique matériel, et de la recherche d’autonomie très importante par rapport à d’autres camp (VAAAG, anti-Otan et autres No Border) : Production d’électricité autonome grâce aux éoliennes, au groupe électrogène à huile, et aux panneaux solaires, chiottes sèches, fours à pain mobiles, systèmes de filtrage de l’eau, nombreuses structures et cuisines, etc, etc. Aussi, on a pu apprécier l’ambiance générale agréable et l’aspect intergénérationnel des participant-es. Le camp était organisé de sorte que les enfants, les adolescents et les moins jeunes puissent être accueillis dans de bonnes conditions.

– Modération et autodiscipline :

On a pu constater une sur-attention aux règles collectives, un formalisme trop important au niveau du fonctionnement des AG et de la prise de décision, comme du déroulement des débats, des AG de quartier où les soucis de vie quotidienne et la logistique prenaient une place bien trop importante, délaissant toute question politique à un temps limité voire nul… La « démocratie directe » du CAC a besoin d’autocritique.

Il faut d’une part un apprentissage de chacun sur la prise de parole, mais aussi accepter les moments de conflit, et d’une façon générale, mettre une bonne dose de souplesse dans la « modération » (à notre sens préférable à la notion de « facilitation ») des AG ou des débats : par moment, il faut « laisser couler » la discussion… Par exemple, on a pu voir une AG et un débat à plusieurs dizaines de personnes fonctionner sans modération, sans que cela ne fut néfaste à la répartition de la parole : au contraire, c’était plus vivant et plus libéré dans la discussion. La « modération » peut par exemple rester inactive pendant un moment, et intervenir quand les choses s’enveniment ou que certains monopolisent la parole…

A l’inverse, au CAC, les règles strictes de « facilitation » ont eu pour conséquence une certaine « prise de pouvoir sur l’AG » de certain-es exerçant ce rôle à plusieurs reprises. Il faut donc prendre en compte que c’est une fonction délicate et source de pouvoir, en aucun cas une personne neutre extérieure aux débats… D’un autre côté, il y a eu clairement un manque de réaction des gens face à quelques personnes qui prenaient en main les débats, l’ordre du jour, ou même la tonalité politique des assemblées du CAC.
Nous sommes réticents quant à la notion de « blocage » (cf. lorsque lors d’un consensus, on demande si quelqu’un « bloque » la décision) : Pourquoi ne demande-t-on pas tout simplement l’avis des gens après une discussion ? Ça permettrait à tous et toutes, notamment ceux et celles qui ne s’expriment pas ou peu de donner leur point de vue ! Comment peut-on laisser la « facilitatrice » ou le « modérateur » juger qu’à un moment donné il y a un semblant de consensus, et qu’il s’agit alors juste de demander si un ou une personne chiante a le courage de mettre son veto ? De même c’est trop facile de finir par un « c’est bon tout le monde est d’accord ? »…

Nous avons eu le sentiment que trop de signes étaient utilisés : on se serait cru par moment à un concert de marionnettes.

On veut tout de même souligner que d’une manière générale, les pratiques « autogestionnaires » étaient pas mal intégrés chez la plupart des militant-es. Cependant, et on y reviendra, un certain nombre de participant-es avaient une base politique peu claire…

– Ligne politique du camp climat et rapport aux orgas :

Il n’y a pas vraiment eu d’historique du réseau camp climat, sur ses objectifs, sa « ligne politique », ses moyens d’action, son origine, etc. C’est resté un peu flou pour la plupart des gens.

Il y a aussi eu très peu de discussions, en débat ou en AG, sur la réelle différence entre la semaine de résistance et le CAC. Cette différence a trop été résumée à un camp fait d’individus, contre la semaine des partis et des orgas. D’abord c’est nier les différences politiques : qu’est-ce qu’un parti comme Europe Écologie ou une ONG comme Greenpeace aurait eu à faire au CAC, si ce n’est se prendre des tartes à la crème de soja ? Quelque part, heureusement qu’il y a eu deux camps !

D’un autre côté, c’est dommage qu’au sein du CAC aucune orga/collectif n’ait pu s’afficher en tant que telle : c’est nier la nécessité de s’organiser dans des orgas, des collectifs, des associations. Il faut savoir distinguer les partis électoralistes et hiérarchisés des autres formes d’organisation. Également, certaines groupes ont eu la faveur de l’exception : les Clowns, la Vélorution, les Amis de Silence ne peuvent-ils pas être considérés comme des orgas/collectifs avec leur pratiques et leur ligne politique ? Bien sûr que si…

– Un camp hétérogène, des absent-es et un déficit politique :

Le Camp a été très hétérogène au niveau des positions politiques et des pratiques d’actions : ça nourrit, ça permet la confrontation entre des mondes différents. La diversité présente sur le camp a engendrée plusieurs débats intéressants,  permettant de poser des questions essentielles, que ce soit sur des débats post-actions (après l’auto-réduction réussie au Super U ou après le blocage raté de l’aéroport), ou des débats théorique sur « l’écologisme » (se réapproprier le terme ou le laisser aux écolos-capitalistes ?), l’action directe, etc.

On regrette néanmoins un déficit de « communication » avant le CAC, certains « milieux » n’étaient pas du trop au courant (libertaires, syndicaux, féministes, communistes, squats et autonomes…)

On note un déficit de culture politique dans le milieu écolo globalement, et donc sur le camp. Les choses ne sont pas pensées en terme de rapport de force et de lutte contre le capitalisme (préalable à toute idée d’une société « écologique »). Nombre d’interviews dans les médias font paraître ce camp comme appartenant à la tendance « environnementaliste », celle-là même qui entend répandre une pseudo morale de catéchisme-écolo. D’ailleurs, nous avons ressenti une forme de moralisme écolo trop présente sur le camp : par exemple, le « merci, vous avez chié citoyen-durable » à la sortie des chiottes, on préférerait : « merci, votre merde sera stockée en vue d’un déversement ultérieur sur les vitrines de Bouygues, du PS et de la mairie de Nantes ».

Même le nom « camp action climat » est sans doute à revoir, dans la dénomination comme dans les idées véhiculées. Il nous parait essentiel de préciser que l’écologie est une lutte parmi d’autres et qu’elle doit s’articuler avec une critique globale de l’économie marchande. Le camp No Border par exemple, s’il était axé sur la revendication de l’abolition des frontières, insistait sur le fait que si l’on ne renverse pas le système politique actuel, cette revendication n’a aucune pertinence.

– Un curseur néfaste  : non-violence contre violence :

Nous avons été confronté à un manque de respect de la diversité des pratiques en terme d’actions directes. On a noté une certaine dévalorisation de l’action dite « violente » face à la sacro-sainte « action-directe-non-violente », se résumant pour certain à une dichotomie : prendre les armes ou pratiquer des actions citoyennes, responsables et médiatiques. La notion de violence étant très subjective, le principe d’action directe non-violente annoncé sur la propagande du CAC était très mal venu, certains d’entre nous auraient pu ne pas venir sur la base de ce critère défini à l’avance, et on imagine que cela a pu être le cas de nombreuses personnes qui pourtant auraient eu leur place sur ce camp, ou auraient du l’avoir…

Si l’action au super U a été sévèrement critiquée, et même si la discussion sur ce sujet a été intéressante, et que des personnes ont pu changer d’avis ou modérer leurs propos, les actions des clowns et des « vélorutionnaires » ont été à l’inverse très peu sources de remise en cause, alors qu’il y avait matière : des actions qui se résument trop à de « l’artistique engagé ». En caricaturant : on amuse la galerie, on réclame des sourires, et on passe le balai à la fin de l’action (vu à l’aéroport…). Clairement, ces groupes n’agissent pas ou pas assez dans le sens d’une action politique conséquente et porteuse d’un rapport de force.

Il est à noter que si les clowns ne pensent qu’à l’humour et la rigolade, d’autres, porteurs d’action radicales, pourraient de temps en temps mettre une petite dose d’humour ou de dérision dans leurs actions, ça ne ferait pas de mal…

De même, la préparation des actions  doit être organisée en amont du camp par groupe de personnes : les cibles, le matos, etc. Il ne faut pas s’imaginer qu’il suffira de s’organiser seulement pendant le camp. On a par ailleurs pu regretter aussi un manque de culture du secret sur les actions.

– Le féminisme : un grand oubli ?

La question du rapport de genre était inexistante, rien sur l’écologie et le féminisme, pas d’attention spéciale sur ça, et ça s’est retrouvé quelque peu dans les pratiques, notamment dans le montage des structures. Si pour le reste la répartition des tâches a pu être relativement mixte, cette question aurait du être débattue, en AG, en débat, en groupe de travail, etc. Quant aux « et la parité ! » lancée régulièrement par ci par là lors de l’appel à volontaires pour telle ou telle tâche, ça nous a laissé un goût amer…

– Une critique des médias non intégrée et un déficit de mise en place de médias autonomes :

On a pu constater à l’occasion des actions ou de la venue des journalistes, un déficit important au niveau de la critique des médias chez une majorité de participant-es. Et ce malgré des règles de prudence définies en amont par les organisateurs-trices. La règle mise au point en amont sur les médias avait sa pertinence, mais en général il y avait une trop grande complaisance avec les médias.
Cette règle est celle qui a été appliquée au camp no border 2009 à Calais, à la différence notable que là-bas, il n’y avait que les « référents » qui parlaient aux journaleux selon un cadre fixé, avec des points identifiés sur lesquels insister et réfléchis au préalable.
Cette règle peut aussi être rediscutée notamment dans le cadre d’un atelier sur les médias bourgeois, leurs pratiques et les groupes capitalistes qui les possèdent. L’organisation d’un tel débat parait indispensable à l’avenir, en début de camp. Notamment afin de décider des règles communes à l’égard des médias et de l’éventuelle communication que nous souhaitons ou non développer.

Au CAC, on a passé du temps à discuter de la position vis à vis des journalistes (cf le « pataquès » autour de la venue de la journaliste de libération, qui au passage, a fait un papier de merde et a comparé le camp climat à la Corée du nord en terme de « liberté de la presse »). A contrario, quand s’est-on intéressé au groupe média du camp ? Quand s’est-on préoccupé des productions, des articles et autres qui sortaient du camp (ou pas) par nos propres moyens ? En réalité, il semble que cela n’a pas été autant pensé qu’il aurait fallu, ni avant, ni pendant, à la différence d’autres groupes de travail où l’accent a été mis (cuisine, légal team, médical team). C’est un défaut majeur, pour une question aussi « stratégique » et c’est valable pour les camps récents qui ont été organisé, même si au CAC, c’était encore plus visible dans ce domaine.

Car au final ne devrait-on pas empêcher l’accès aux journalistes sur de tels camps militants, et mettre du temps, de la réflexion et des moyens (un budget conséquent ?) sur la réalisation de nos propres supports médiatiques (journal, site, radio, vidéo) ?

+ Le nombre d’appareils photos et de caméras des militants-es sur le camp et lors des actions a « indisposé » une partie des activistes. Le rapport à l’image dans une société sclérosée par la dictature de l’apparence et du spectacle mérite d’être posé. Enfin dans un contexte de répression des idées et des allers-et venues des militant-es, quelques règles de prudence s’imposent et méritent d’être entendues et intégrées.

– Synthèse des propositions :

– Réflexion sur la « modération » des AG
– Respect des tactiques et solidarité, plutôt qu’ « action-directe-non-violente »
– Attention aux rapports de genre et à l’égalité hommes-femmes
– Un atelier sur écologie et féminisme
– Une réflexion à mener sur le terme même de « camps action climat »
– Un atelier sur les médias bourgeois en début de camp
– Un budget et une organisation conséquente pour l’organisation de médias autonomes
– Constituer une liste de réseau de contact ressources pour les infrastructures et les démarches à découvrir (pain mobiles, bibliobus, cuisines collectives, moteur à huile, éoliennes, camion cinéma etc..)
– Une présentation des différentes luttes à mener localement, partout : autoroute, aéroports, etc…