Pour que les luttes ouvrières ne soient pas condamnées à demeurer des facteurs de développement du capital, elles devaient parvenir à opérer réellement ce que les dialecticiens avaient pensé abstraitement : la classe ouvrière devait parvenir à se « nier » elle-même. Ce qui signifie qu’elle devait se détruire elle-même en tant que force productive. De la revendication d’un salaire politique était alors indissociable le mot d’ordre : refus du travail.

D’une certaine manière, le capital – envisageons-le comme une sorte de Sujet unifié, même si c’est une fiction – a trop bien entendu cette revendication. Mais il l’a entendue de telle sorte qu’elle lui a permis de se recomposer. Au mot d’ordre « refus du travail », la réponse du capital aura été : indistinction tendancielle du travail et du non-travail. Du fait de cette indistinction tendancielle, ce qui définit l’activité productive ne peut plus être le temps passé sur les lieux de travail. Car ceux-ci se nourrissent de tout ce qui est mis en œuvre, expérimenté, appris par les uns et les autres en dehors des lieux de travail. Mais cela, le capital ne peut le dire clairement : il doit encore faire croire que le travail, c’est ce qui se passe sur les lieux de travail, et c’est ce qui s’arrête à la fin du temps quotidien passé sur ces lieux. Il doit maintenir la fiction de la valeur-travail, y compris dans ses tournures morales (« le travail, c’est le sens de la vie », disent en substance Jospin, Royal, Fillon et le PCF). Contre cette fiction, les militants qui ont centré leur action sur le revenu garanti ont dit : il faut dissiper les mirages du travaillisme, et pour cela obliger le capital à reconnaître qu’il exploite le temps même de la vie des individus, leurs expériences, leurs affects, leurs relations les plus intimes. Autrement dit, il faut parvenir à nous faire reconnaître comme force productive, que nous soyons salariés, chômeurs, précaires, étudiants ou intermittents.

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