Un président violemment séquestré à l’aube par des militaires encapuchonnés, suivant au pied de la lettre le Manuel d’Opérations de la CIA et de l’École des Amériques pour les escadrons de la mort; une lettre de renoncement apocryphe qui a été rendue publique dans le but de tromper et de démobiliser la population et qui a été immédiatement retransmis à tout le monde par la CNN sans auparavant confirmer la véracité de la nouvelle; la réaction du peuple qui conscient de la manoeuvre est descendu dans la rue pour arrêter les tanks et les véhicules de l’armée et exiger le retour de Zelaya à la présidence; la coupure de l’énergie électrique pour empêcher le fonctionnement de de la radio et de la télévision et semer la confusion et le découragement.

Comme au Venezuela, aussitôt emprisonné Hugo Chavez, les putschistes ont installé un nouveau président : Pedro Francisco Carmona que l’inventive faculté populaire a rebaptisé comme l’ « éphémère ». Celui qui occupe ce rôle au Honduras est le président du Congrès unicaméral de ce pays, Roberto Micheletti, qui a juré hier comme mandataire provisoire et seul un miracle l’empêcherait de subir le même sort que son prédécesseur vénézuélien.

Ce qui s’est passé au Honduras met en évidence la résistance que provoque dans les structures traditionnelles du pouvoir toute tentative d’approfondir la vie démocratique. Il a suffi que le président Zelaya décide d’appeler à une consultation populaire – appuyée par les signatures de plus de 400.000 citoyens – sur une convocation future à une Assemblée Constitutionnelle pour que les différents dispositifs institutionnels de l’État se mobilisent pour l’en empêcher, démentant de cette façon leur supposé caractère démocratique : le Congrès a ordonné la destitution du président et un jugement de la Cour Suprême a validé le coup d’État. Ce n’est rien de moins que ce tribunal qui a émis l’ordre de séquestration et l’expulsion du pays du président, adoptant comme il l’a fait toute la semaine la conduite séditieuse des Forces Armées.

Zelaya n’a pas renoncé ni sollicité l’asile politique au Costa Rica. Il a été séquestré et expatrié, et le peuple est descendu dans la rue pour défendre son gouvernement. Les déclarations qui parviennent à sortir du Honduras sont très claires en ce sens, spécialement celle du leader mondial de Via Campesina, Rafael Alegria. Les gouvernements de la région ont répudié le putsch et Barack Obama s’est manifesté dans le même sens en disant que Zelaya « est le seul président du Honduras que je reconnais et je veux que ce soit clair ».

L’Organisation des Etats Américains s’est exprimée dans les mêmes termes et en Argentine la présidente Cristina Kirchner a déclaré : « nous allons impulser une réunion de l’Unasur (Union sud américaine), bien que le Honduras ne fasse pas parti de cet organisme, et nous allons exiger à l’OEA le respect de l’institutionalité et le retour de Zelaya, avec de plus des garanties pour sa vie, son intégrité physique et celle de sa famille, parce que cela est fondamental, parce que c’est un acte de respect pour la démocratie et pour tous les citoyens ».

La brutalité de tout l’opération porte la marque indélébile de la CIA et de l’École des Amériques : de la séquestration du président, envoyé en pyjama au Costa Rica, et l’insolite séquestration de trois ambassadeurs de pays amis : le Nicaragua, Cuba et le Venezuela qui s’étaient approchés jusqu’à la résidence de la ministre des Relations Extérieures du Honduras, Patricia Rodas, pour lui exprimer la solidarité de leurs pays, en passant par le magnifique déploiement de force fait par les militaires dans les principales villes du pays avec le clair objectif de terroriser la population. À la fin de l’après-midi, ils ont imposé le couvre-feu et une stricte censure de la presse, malgré le fait qu’aucune déclaration de la Société Interaméricaine de Presse- SIP (toujours si attentive devant la situation des médias au Venezuela, en Bolivie ou en Equateur) condamnant cet attentat à la liberté d’expression n’a été connue.

Il n’est pas inutile de rappeler que les Forces Armées du Honduras ont été complètement restructurées et « reéduquées » pendant les années 80, quand l’ambassadeur des Etats-Unis au Honduras n’était rien de moins que John Negroponte, dont la carrière « diplomatique » l’a amené à couvrir des destinations aussi différentes que le Vietnam, le Honduras, le Mexique, l’Irak, pour par la suite, prendre en charge le superorganisme d’intelligence appelé Conseil National de l’Intelligence de son pays.

Depuis Tegucigalpa il a supervisé personellement les opérations terroristes réalisées contre le gouvernement sandiniste et a promu la création de l’escadron de la mort mieux connu comme le Bataillon 316, celui qui a séquestré, torturé et assassiné des centaines de personnes à l’intérieur du Honduras, tandis que dans ses rapports à Washington il niait les violations des droits de l’homme dans ce pays. Le sénateur étasunien John Kerry a alors démontré que le Département d’État avait payé 800 mille dollars à quatre compagnies d’avions appartenant à de grands narcotraficants colombiens pour qu’ils transportent des armes pour les groupes que Negroponte organisait et appuyait au Honduras. Ces pilotes ont attesté sous serment confirmant les déclarations de Kerry.

La propre presse étasunienne a informé que Negroponte fut lié au trafic d’armes et de drogues entre 1981 à 1985 afin d’armer les escadrons de la mort, mais rien n’a interrompu sa carrière. Ces forces armées sont celles qui ont renversé Zelaya. Mais la corrélation de forces au plan interne et international est si défavorable que l’échec des putschistes est seulement une question de (très peu) temps.

Atilio A. Boron, Pagina/12 (Argentine), 29 juin 2009.

http://www.pagina12.com.ar/diario/elmundo/subnotas/1274….html

Traduit par

http://amerikenlutte.free.fr