Le mercredi 24 juin dernier, environ 400 personnes ont manifesté à Argenteuil pour dénoncer l’assassinat d’Ali Ziri, un algérien de 69 ans, par des policiers lors d’un contrôle routier le mardi 9 juin à Argenteuil. Voir l’appel de cette manif et plus de précisions sur l’histoire sur http://nantes.indymedia.org/article/17603 .

Le cortège est parti du foyer de travailleurs près de la gare d’Argenteuil pour se rendre vers le croisement où a eu lieu le contrôle routier; et s’est terminé près du commissariat de police d’Argenteuil. L’ambiance était au recueillement mais aussi à la colère contre cette nouvelle mort. La manif a été principalement silencieuse même si le cri « Pouvoir assassin » a été repris plusieurs fois. Sur la banderole en tête du cortège était écrit « VERITE ET JUSTICE POUR ALI ZIRI » et des dizaines de personnes tenaient son portrait sur des pancartes. Les abords de la manif depuis la gare d’Argenteuil étaient remplis de flics, sans doute une bonne centaine au total, en civil ou en uniforme, avec tout le matériel pour réprimer le moindre événement qui ne leur conviendrait pas. Cette occupation policière du terrain très visible apparaît comme très agressive quand on sait qu’ils sont là pour défendre, par la force s’il le faut, des meurtres commis par leurs collègues.
Nous nous sommes arrêtés à plusieurs reprises durant le parcours et des textes ont été lus, surtout par des proches qui rendaient hommage à sa mémoire, en précisant qu’une plainte était déposée, que tout serait fait pour que la justice enquête sur les faits et pour connaître la vérité. Les discours étaient finalement assez timides et prudents sur les faits, en parlant d’une mort dans des circonstances douteuses, alors qu’il est très clair que c’est un nouveau meurtre commis par des policiers et que d’ailleurs la majorité des gens présents dans la manifestation venaient pour dénoncer un assassinat policier.

Bien sûr, et comme d’habitude dans ces cas-là, les autorités policières et judiciaires ont rapidement fait connaître leur version des faits. Selon le procureur adjoint au parquet de Cergy-Pontoise, Bernard Farret, « Les deux hommes étaient en état d’ébriété au moment de leur interpellation. Ils ont été embarqués au commissariat parce qu’ils se rebellaient et outrageaient les policiers. Ali Ziri, transporté à l’hôpital, est décédé après être tombé dans le coma ». Ce même parquet n’a donc pas souhaité donner suite à cette affaire, puisqu’il n’y a « pas de suspicion de bavure ». Toujours selon le procureur adjoint, « l’autopsie de monsieur Ali Ziri exclut que la cause du décès puisse résulter d’un traumatisme, et conclut qu’elle est due au mauvais état de son coeur ». La manoeuvre est grossière mais de nombreux médias reprennent cette version et le tour est joué, on n’en parle plus. Heureusement qu’un certain nombre de personnes ont formé un collectif « Vérité et justice pour M. Ali Ziri », refusent que cette histoire tombe dans l’oubli et refusent la version policière en sachant très bien que cette mort est due à un tabassage en règle, des traces de coups étaient visibles sur le corps du défunt, et non pas à une crise cardiaque subite.

Il est à noter l’absence de « service d’ordre » autour de la manif, ce qui est à mon avis une très bonne chose car c’est toujours chiant quand un groupe avec des bandanas fluos autour du bras se prend très au sérieux dans un défilé et veut tout contrôler en t’expliquant où tu dois foutre tes pieds. Malheureusement l’absence de service d’ordre dans cette manif n’a pas signifié l’absence de stratégies politiciennes de manipulation au premier rang desquels le NPA qui redémontre encore sa bonne filiation avec la LCR. Je n’écris pas ça pour faire perpétuer je ne sais quelles embrouilles groupusculaires ou interpersonnelles avec le NPA mais je ne peux pas supporter de voir leurs méthodes crapuleuses de manipulation et de récupération dans les luttes pour servir leurs intérêts politiciens et c’est ce que je veux dénoncer ici. Déjà, dans cette manif chargée émotionnellement, chacun a eu l’intelligence minimale de laisser ses drapeaux de côté pour venir dénoncer cet assassinat sans tenter de mettre en avant son orga, sauf le NPA tout fier d’arborer ces autocollants. Ensuite dans un petite rue commerçante et alors que la manif se fait un peu moins silencieuse et un peu plus rageuse aux cris de « Pouvoir assassin », une bousculade a lieu vers l’avant et des policiers semblent vouloir arrêter un jeune, très vite la tension monte, des cris, quelques projectiles sur les flics, d’autres jeunes s’nterposent pour empêcher l’arrestation. A ce moment les gens du NPA, au nom du « maintien du calme » et donc du maintien de l’ordre, tentent de faire une ligne pour empêcher que les gens se regroupent et isolent donc directement les jeunes qui tentent de libérer leur copain. Ils jouent alors directement un rôle de flic en facilitant la manoeuvre policière d’arrestation. Finalement je crois que personne n’est arrêtée. La tension est donc plus vive par la suite en s’approchant du commissariat et les petits flics du NPA réitèrent à la fin de la manif en formant encore une ligne sur toute la largeur de la rue pour repousser et disperser les gens.

A ces méthodes s’ajoutent des discours encore plus crapuleux, notamment par Omar Slaouti, la récente tête de liste du NPA pour les européennes, prof à Argenteuil. Il harangue le cortège au moment où la tension est la plus forte pour l’exhorter à se tenir tranquille en soulignant que la seule réponse à donner face à un crime policier est juridique, et que d’ailleurs la vérité surgira obligatoirement car tous les éléments sont en notre faveur et qu’il faut juste laisser la justice faire son travail. Il est particulièrement dégueulasse de laisser croire aux proches qu’une quelconque vérité sera reconnu en justice tant toute l’histoire depuis plus de vingt ans prouve le contraire. Le NPA sait très bien tout cela mais son objectif est de récupérer ce genre de contestation afin d’incarner la médiation de la colère de la rue. Pour être compatible avec leur stratégie de parti électoral en quête de pouvoir, il est dans leur intérêt que cette colère se limite à son expression juridique.

Mais ils savent bien que c’est de la manipulation ; les crimes policiers sont toujours couverts par la justice et finissent après des années d’instruction stériles par être classées sans suite, ou « au mieux » avec quelques réprimandes ou condamnations symboliques pour les flics concernés. On se souvient de Bouna et Zyed à Clichy sous Bois, on se souvient de Larami et Mushin à Villiers le Bel, on se souvient de Lamine à Paris dans le 20ème pour ne citer que des exemples récents en région parisienne. Dans tous ces cas les enquêtes s’enlisent, ne débouchent sur rien, et tentent d’endormir toute la colère qui avait explosé après ces évènements. La justice préfère se concentrer sur la répression des révoltes qui ont suivi ces meurtres policiers où là par contre de nombreuses personnes ont fait de la prison ou y sont encore. Mais il serait naïf de s’étonner de ce constat, la justice n’est pas neutre, son rôle est de garantir la stabilité d’une société au service d’une classe dominante et donc de défendre leurs intérêts. Les juges sont payés pour ça et en profitent très bien.

Nous ne croyons pas dans la neutralité d’une Justice et d’ailleurs ça ne nous intéresse même pas que des flics soient condamnés ou enfermés. Ca n’enlève en rien la douleur d’avoir perdu un proche ou un ami sous les coups de la police. Le seul intérêt dans le fait de porter plainte est de pouvoir obtenir des actes tels que des contre-expertises et de maintenir une pression pour que ce genre d’histoires ne tombe pas dans l’oubli, pour leur rappeler qu’on n’est pas dupe de leur version à la con, et surtout pour que ce genre de choses ne se reproduisent plus. Le rapport de forces face à ces actes se construit de diverses manières, maintenir une pression juridique comme on vient de le dire en est un, résister dans la rue en organisant des rassemblements ou des émeutes en est un autre, tout aussi justifié et pertinent. Les révoltes qui ont suivi les morts des jeunes à Clichy sous Bois, à Villiers le Bel ou plus récemment en Grèce en sont de bons exemples, on ne tue pas quelqu’un dans la rue impunément, sans faire face à des explosions de colère qui sont aussi des expressions de solidarité car on sait très bien que ce qui est arrivé dans tel quartier aurait pu se passer dans n’importe quel autre. Ces révoltes ne sont pas que de la vengeance particulière, ce sont aussi des actes contre le monde qui produit cette police, une police dont la violence et la mort ont toujours été une part de son fonctionnement.

Pour ne jamais oublier les assassinats policiers, solidarité avec tous ceux qui se révoltent contre ces meurtres.