Le talon de fer a commencé à s’écraser sur nos têtes pleines d’idéaux. C’est comme ça que je ressens les choses depuis la semaine dernière. Michèle Alliot Marie s’était promise de combattre fermement ceux qu’elles appelle les anarco-autonomes, et cela se traduit par une augmentation significative des mesures répressives à l’égard des jeunes comme nous qui nous battons pour tenter d’enrayer, ou ne serait-ce que gêner la machine à casser.

Le système se montre chaque jour plus violent, et le sort réservé aux personnes en lutte ces trois derniers mois l’ont bien prouvé : la crise donne aux puissants la légitimité pour casser des emplois et les familles entières qui en dépendent, sans compter qu’elle leur donne le champ libre pour légiférer dans une optique toujours plus libérale. Pour prétendre résoudre la crise qu’ils ont créé, ils offrent nos vies en sacrifice au Marché et voudraient qu’on l’accepte en silence, avant d’envoyer les casqués réprimer nos mouvements de révolte. La stratégie du pouvoir est toujours la même, aussi peu inventive que redoutable : nier sa responsabilité dans la misère sociale, désigner des boucs émissaires, renforcer ses milices et distribuer des coups de bâtons.

La semaine dernière a été un moment fatidique pour notre groupe de militants lillois. Nous nous organisions depuis plusieurs mois pour fonctionner en groupe affinitaire, nous souhaitions construire entre nous des liens forts de solidarité face à l’oppression, afin de mieux nous connaître et nous soutenir, de nous construire ensemble, d’apprendre et de lutter avec plus de force. Mais nos initiatives nous ont exposées à la violence de l’Etat, à son impartialité froide et à son mépris pour la liberté.

Nous avions fait venir des activistes de diverses villes et pays pour nous soutenir dans un round d’actions de trois jours, autour de deux problématiques qui nous paraissent cruciales : l’immigration et la répression policière. L’immigration parce que nous ne supportons plus de voir nos frères et sœurs étranger-e-s subir le racisme institutionnel qui nous tient lieu de politique étrangère, parce que nous sommes radicalement opposés à l’existence des frontières, des papiers d’identité et des prisons pour étrangers. La répression policière, parce que nous voyons avec quelle violence la justice et la police conçoivent les rapports sociaux et écrasent toutes les formes de contestation, et parce que nous ne supportons plus l’invasion de nos espaces de vie par des robots-tueurs en uniformes de combat. C’est donc dans cette optique de remise en question des logiques de domination violente actuelles que nous avions choisi d’organiser deux actions à deux jours d’intervalle dans notre région.

Ce jeudi 21 mai, nous étions donc près d’une cinquantaine à nous rendre à Calais pour répondre à l’appel du Sos Soutien ô Sans Papiers, qui se bat depuis un moment déjà contre les lois d’immigration et les centres de rétention, en subissant toujours plus la répression d’Etat du fait-même de ses positions radicales et véritablement contestataires, a contrario de ces centaines d’associations et collectifs qui préfèrent jouer le jeu des préfectures en acceptant le cas par cas et en se refusant à dénoncer haut et fort l’hypocrisie des frontières.

Dés notre arrivée, nous avons pu constater la mise en place d’un dispositif impressionnant que même la presse locale a qualifié de « disproportionné » : un hélicoptère et une brigade de gardes mobiles qui nous ont fermé tous les accès vers les bois où vivent les migrants afghans. Le centre de rétention situé à 15 km de là était lui aussi placé dans un étau de policiers, comme si nous avions fomenté quelque plan digne d’un scénario hollywoodien.

Et quelle n’a pas été notre surprise de voir se pointer le chef du SDIG Philippe Patisson, qui bien évidemment nous connait nominativement, tant son travail consiste à satisfaire les délires sécuritaires d’Alliot-Marie et consorts en nous surveillant au plus près. Pauvre diable que ce gradé de la police réduit à traquer les agitateurs en culotte courte après avoir été un spécialiste de la contrefaçon dans le monde si chic des arts. Philippe, vos airs d’Arsène Lupin repenti vous trahissent : n’auriez-vous pas quitté l’Aisne pour votre trop grande faculté à sympathiser avec ceux qui ne sont pas de votre bord ? De fait je vous le dit : vous seriez mieux dans la résistance avec nous qu’auprès de certains collabo à talkie-walkie qui vous servent de collègues. Il n’est jamais trop tard pour se découvrir soi-même…

Nous avions donc notre escorte rapprochée lors de cette escapade sur le littoral. Cette balade aura servi à ce que les flics couvrent leurs bandes vidéos avec des gros plans de nos visages, comme si leurs archives ne suffisaient pas, et nous fassent comprendre combien le ministère de l’intérieur a trop d’argent. Qu’on se le dise : l’État à les moyens de faire tourner des hélicoptères dans le ciel pendant des heures pour surveiller seulement 50 personnes armées de leurs seules mains nues !

Et de leur côté, les associatifs pleuraient de ne pas avoir pu donner leur bouffe aux migrants. Il faudra un jour pourtant qu’ils les considèrent comme des adultes, et non comme leurs enfants. Mais les cons sont toujours les mêmes : ceux qui veulent fonctionner à pied d’égalité avec leurs semblables, ceux qui ne se contentent pas d’humaniser l’innommable, ceux qui ont des idées politiques et les expriment…nous les radicaux.

Samedi 23 mai, nous étions entre 250 et 300 personnes à répondre présent Porte de Paris à Lille. Si nous portions des cagoules et des masques, c’est parce que nous venions pour dénoncer le fichage, la surveillance et la répression, c’est-à-dire tout ce qui nécessite des images pour fonctionner. Si nous nous cachions, c’est parce qu’aujourd’hui toute personne qui conteste est inscrite dans un fichier, criminalisée, arrêtée, réprimée, cassée en deux. Et nous étions là par solidarité avec tous ceux qui croupissent dans les prisons pour leurs idées, tous ceux qui se sont déjà pris des coups de matraques et de tonfas sur la peau, tous ceux qui se sont vus humiliés lors d’un simple contrôle d’identité et tous ceux qui se sont fait contrôler pour le seul fait d’avoir un visage trop peu « européen ». Nous étions là contre la violence permanente qu’exerce l’État, cette violence toujours plus banalisée au sein d’une opinion publique acquise aux besoins de l’anti-terrorisme.

Avec banderoles renforcées et fumigènes, nous avons défilé au milieu de tous ces gens affairés à consommer dans les magasins du centre-ville. Notre parcours traversait toutes les rues piétonnes et les quartiers bourgeois, où chacun regardait la chose passer avec étonnement, ironie, inquiétude ou dépit. Notre message est passé, c’est ce qui compte. Et je le précise pour ceux que la cagoule effraie, comme traumatisés par casper le fantome : nous n’avons rien cassé.

Ce qu’il s’est passé après, c’est à l’image de ce que vit l’extrême gauche actuelle, c’est-à-dire une attaque en règle, froide et systématique, implacable, de la part des autorités. Alors que nous approchions de la Maison Flamande (repère des identitaires et autres racistes de tous poils) pour lui infliger la destruction que l’Etat se refuse à assumer, tant il se satisfait du retour inquiétant du fascisme dans nos quartiers, un tir de flash ball a sonné la battue et les robots dont nous parlions tout à l’heure se sont rués dans les brancard pour nous infliger une leçon. La manif s’est scindée en deux, les uns à droite, les autres tout droit.

C’est allé très rapidement. En peu de temps, 28 personnes ont été arrêtées, puis relâchées après une nuit de garde-à-vue. L’une d’elles en garde un coquard et une blessure à la tête causée par la matraque d’un cogne trop zélé, l’autre un mollet déchiré par une balle de caoutchouc tirée en tir tendu. Une troisième est libérée avec une convocation au tribunal pour port d’arme (lance-pierres), tandis que deux se voient prolonger leur garde-à-vue de 24 heures. Parmi eux, un militant de Lille 3 et une camarade Italienne. Pour elle, ça sent le vice de procédure à plein nez (délai de déclaration du début de la GAV), mais encore faudra-t-il le prouver. Les cognes ont tous les droits. Même celui de menacer les personnes arrêtées en leur promettant de futures représailles lors du camp no border. Sans compter la 4eme compagnie départementale d’intervention, dont certains crânes rasés portent du Lonsdale et tabassent à tout-va. A ce propos, voilà le témoignage d’un copain qui en dit un peu plus (source Indymedia) :

AH ,désolé ,mais l’un des deux arrêtés par la bac n’était pas une fille ,c’étais moi …( les yeux flouttés sur une des photos ). Il faut préciser ,et plusieurs camarades en ont été témoins , qu’un des baceux en question portait un t-shirt Lonsdall . Encore une fois ,c’est bien la preuve que l’on ne manque pas de fonctionnaires nazillons dans la police .Celui ci aurait même déclaré lorsque nous nous sommes fait arrêtés  » Votez Fhaine » ( ce qu’un des camarades arrêté m’a dit lors d’une bref rencontre en interrogatoire ),un grand moment pour lui et ses petits copains sans aucun doute .Basse provocation habituelle hélas .

En partance pour le commissariat ,j’ai même entendu un  » Je me suis bien fait plaisir  » ( comme si le type revenait d’une partie de pêche ,fier de cet instant court mais intense ou il avait ,avec passion ,égorgé une carpe de 5 kg … ). »Faudrait que ça arrives plus souvent  » surenchérit un autre . « Des commes ca on en voit pas souvent .Moi ,ca me requinques  » ajoute le co-pilote bientôt retraité …

Pour ma part ,je suis convoqué le 12 juin devant le juge pour enfants ( je n’ai que 17 ans ) pour avoir taggué la préfecture et le palais de justice .Ce que j’ai nié et qui est absolument faux ,bien que je ne nie pas avoir été présent dans le cortège a ce moment ,et jusqu’au bout certes . Même si les baceux disent m’avoir remarqué et suivi bien avant ces bâtiments…Bref ,si certains de vous ,auriez des « éléments » ,du genre photographiques ,filmiques ,ou simples contre témoignages ,cela m’éviterais de prendre des heures de tig sans n’avoir rien commis…( puisqu’il semble être peu probable qu’ils consultent les vidéos comme j’en est fait la demande …) .

Tout cela ,nous donnes ,une fois de plus,des raisons de ne pas nous soumettre à cette milice fasciste ( la vraie CF lille 3 …) que l’on nomme  » représentants de l’ordre  » ; et de nous révolter !

doraziofabien@hotmail.fr

Quand la police réprime l’anti-répression, voilà ce que ça donne. Et il semblerait qu’ils veulent couper des têtes, puisqu’ils promettent de mener l’enquête. Mais pour découvrir quoi ? Un nouveau « comité invisible » ? Une cellule terroriste ? Ben Laden caché dans un squat vegan lillois ? Allons bon, monsieur Patisson, allez donc voir ailleurs si on y est !