[Article à paraitre dans dans « Cette Semaine » n°98, printemps 2009, p32]

-InsurgeEs-

{{« Doit-on, en signant nos contrats d’embauche nous sauvant de la misère, continuer à accepter que pour sauver notre peau il nous faille fermer les yeux sur le rôle final, potentiel ou immédiat, de ce que nous fabriquons ? »}}

{{{Blocages, sabotages et séquestrations}}}

{{29 janvier, Auxerre (Yonne)}} : Les salariés de l’usine Fulmen (Exide Technologies), fabricant de batteries, luttent contre la fermeture. En grève, ils contraignent physiquement le patron à manifester à manifester avec eux, l’ayant obligé à revêtir un tee-shirt portant le nombre de travailleurs licenciés.

{{5 mars, Auchel (Pas-de-Calais)}} : Les salariés d’une usine de l’équipementier automobile Faurecia se mettent en grève illimitée après l’annonce de sa fermeture d’ici fin 2010 (suppresion de 179 emplois sur 508, redéploiement des 329 autres postes vers deux autres sites). Le blocage des ateliers mettra en quasi arrêt la production des clients de l’équipementier, en particulier Toyota à Onnaing (Nord), Renault à Maubeuge (Nord) et Volvo à Gand (Belgique). En plus des indemnités légales de licenciement, ils obtiendront une prime de 3.000 euros par salarié et reprendront le travail le 23 mars.

{{12 mars, Clairoix (Oise)}} : Les salariés de l’usine Continental partent en grève sauvage, dénonçant le projet de fermeture du site en mars 2010, annoncé la veille. Plusieurs centaines des 1 120 salariés exigent que le directeur du site, Louis Forzy, vienne s’expliquer. A peine entré dans la salle, il est bombardé d’œufs (dont l’un le frappe en plein visage), le forçant à se casser. Les quelques 500 ouvriers, qui refusent de reprendre le travail, bloquent ensuite la circulation de la RN32. Le

{{16 mars à Reim}}s, le comité central d’entreprise est suspendu après des jets d’oeufs, de chaussures et d’une bouteille sur la direction. Les salariés de Clairoix étaient venus en car pour manifester leur colère. Le 25 mars, tandis que les syndicalistes sont à l’Elysée, 1000 ouvriers (épaulés par ceux d’autres boîtes) en manif, bloqués par les flics, montent une barricade de pneus enflammés. Le 21 avril, mécontents qu’un tribunal déboute le CE de toutes ses demandes (dont invalider la fermeture), les salariés dévastent la sous-préfecture de Compiègne (bureaux, ordinateurs, fenêtres) puis le poste de garde de l’usine. Elle est mise en lock-out le lendemain.

{{13 mars, Pontonx-sur-l’Adour (Landes)}} : Lors du dernier comité d’entreprise avant la fermeture de l’usine (311 licenciements) prévue le 17 avril, le PDG de Sony France est séquestré toute la nuit. Il est relâché le lendemain en milieu de matinée afin de se rendre à la sous-préfecture de Dax pour une première réunion de conciliation. Deux semaines plus tard, les salariés obtiendront 13 millions d’euros supplémentaires d’indemnités de licenciement (10 000 euros en plus de l’indemnité légale et 45 000 euros de plancher) et de meilleures conditions de reclassement.

{{16 mars, Dijon, Chevigny-Saint-Sauveur (Côte d’Or) et Appoigny (Yonne)}} : Trois jours avant le dernier comité central d’entreprise, occupation des deux usines et du centre logistique d’Amora-Maille (Unilever) avec piquets de grève. Leur fermeture (244 emplois supprimés) a été annoncée le 20 novembre 2008. A Chevigny, un stock de 22 000 palettes de produits est conservé en guise de “trésor de guerre”. Le 27 mars, ils obtiendront une prime de préjudice de 50 000 euros pour tous, en plus des indemnités légales de licenciement, et reprendront le travail le 30.

{{20 mars, Pithiviers (Loiret)}} : Grève illimitée des salariés de 3M Santé (qui fabrique aérosols, comprimés et patches). La suppression de 110 emplois sur les 235 que compte le site est annoncée pour septembre. L’après-midi du 24, le directeur industriel France de ce groupe américain est séquestré. Il est relâché le lendemain, près de trente heures plus tard. Le 2 avril, les salariés obtiendront un plancher d’indemnités de licenciement de 30 000 euros par personne, un congé mobilité allongé à 15 mois et un report des licenciements à novembre 2010.

{{30 mars, Mantes-la-Jolie (Yvelines)}} : Vers 10 heures, une petite centaine de salariés en grève depuis le 24 février avec occupation de l’usine envahissent le siège social de FCI Microconnections, à Versailles. Le PDG et le DRH sont séquestrés quatre heures. Les salariés veulent des garanties contre un projet de délocalisation à Singapour. Le 10 avril après de nouvelles tractations, les 400 salariés obtiennent un sursis de deux ans avec l’engagement des patrons qu’il n’y aura pas de plan social avant 2011. Ils reprennent le travail le 14.

{{31 mars, Paris}} : Une cinquantaine de salariés de la Fnac et de Conforama, où 1.200 suppressions de postes sont prévues, bloquent le PDG du groupe, François-Henri Pinault, pendant une heure dans un taxi à la sortie d’une réunion. Pendant que Pinault est bloqué, les salariés scandent “ Pinault sale escroc, la crise elle a bon dos ”, et barrent la rue avec des poubelles. Les forces de l’ordre interviennent pour libérer le véhicule.

{{6 avril, Onnaing (Nord)}} : 400 des 1700 salariés de l’usine Toyota se mettent en grève illimitée. Le 16 au soir commence un blocage du site, plus aucune Yaris ne sort. Puis ce sont les fournisseurs de pièces détachées qui seront bloquées. Ils réclament le paiement intégral des jours de chômage partiel. Le 20, levée des piquets contre le paiement à 90 %.

{{7 avril, Bellegarde-sur-Valserine (Ain)}} : Quatre cadres de Scapa, fabricant britannique spécialisé dans les adhésifs pour l’automobile, sont séquestrés à l’issue d’une séance de négociations. Cette usine doit fermer, laissant 60 salariés sur le carreau. Le directeur des opérations européennes du groupe, le directeur financier, la directrice du personnel et le directeur général de Scapa France sortiront le lendemain après-midi pour aller négocier en mairie, escortés par les salariés. Ils obtiendront que la prime de départ passe de 890 000 à 1,7 millions d’euros et reprendront le travail le 9 avril.

{{9 avril, Brières-les-Scellés (Essonne)}} : Des salariés des bureaux d’étude de l’équipementier automobile Faurecia séquestrent trois cadres dirigeants lors du Comité central d’entreprise (CCE). Un plan social a été annoncé le 11 décembre (1 215 licenciements entre 2009 et 2011). Le directeur du site de l’Essonne, le DRH, et le directeur des Affaires sociales sont ressortis cinq heures après sans rien lâcher. Le CCE est suspendu jusqu’au 28 avril.

{{9 avril, Thonon-les-Bains (Haute-Savoie)}} : Des ouvriers d’une des cinq usines (182 salariés) du groupe Rencast (850 salariés), en liquidation judiciaire depuis le 18 mars et en grève depuis le 24, spécialisé dans la fonderie en aluminium pour l’automobile, remettent dans le fourneau en fusion 3400 pièces destinées à Renault pour la fabrication de la Twingo et 80% de la production destinée à PSA le lendemain. Reprise du travail le 14 contre une prime de 30 000 euros en sus des indemnités et le paiement des jours de grève.

{{16 avril, Woippy (Moselle)}} : 125 salariés du centre logistique Faure et Machet, FM Logistic (condition d’imprimantes), séquestrent trois cadres pendant douze heures – et deux autres qui ont été relâchés plus tôt. Cette usine doit être délocalisée en Malaisie en mai 2010 (483 licenciements). Les négociations continuent le lendemain à la préfecture de Metz.

{{20 avril, Villemur/Tarn (Haute-Garonne)}} : Des salariés de Molex, équipementier de connectique automobile, séquestrent deux cadres, le co-gérant et la DRH, pendant vingt-six heures. La fermeture du site, annoncée en octobre 2008 suite à une délocalisation en Slovaquie, est prévue pour juin (286 licenciements). La négociation qui suit en préfecture est bloquée (suivante le 24), l’usine est mise en lock out.

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{{Aperçu de la lutte à Caterpillar}}

17 février : La direction de Caterpillar dépose un plan de réorganisation prévoyant la suppression de 733 des 2.800 emplois sur les sites d’Echirolles et de Grenoble (Isère).
26 février : Journée de négociation au comité d’entreprise extraordinaire. 400 grévistes devant l’usine, les cadres qui sortent en voiture se prenent des oeufs, des insultes et même un fumigène. Les ouvriers sont rejoints par une partie du cortège étudiant le soir. Une trentaine de personnes tente de pénétrer dans le bâtiment administratif.
27 février : L’usine est bloquée, les piquets de grèves tiennent toute la journée qui se termine par la venue des flics.
2 mars : Journée de semi-blocage des deux sites par 200 grévistes pendant la négociation. Dehors, un fumigène atterit dans un bureau et cinq véhicules de non-grévistes ont les pneus crevés.
18 mars : Pour forcer la négociation, jets d’oeufs sur les caméras de surveillance et les fenêtres des bureaux, puis occupation en force du site de Grenoble après baston avec les vigiles. Les « anarchistes de l’extérieur » se font virer de l’AG par les syndicalistes sur demande officielle des flics. La préfecture nomme un médiateur.
24 mars : Blocage de la gare pendant trente minutes, puis de la circulation.
25 mars : 200 manifestants (étudiants, ouvriers de Caterpillar, etc.) tentent une autoréduc’ à Monoprix. Elle échoue avant d’avoir commencé, faute de détermination et grâce au sabotage sur place de la CGT-Caterpillar.
28 mars : 400 ouvriers manifestent jusqu’à la Chambre de commerce avec une banderole « nous ne paierons pas leur crise », bloquant au passage la gare. 30 mars : La direction boycotte le Comité d’Entreprise, demandant d’abord la levée de la grève qui a repris ce jour.
31 mars : Quatre cadres, le directeur de l’usine de Grenoble, un responsable du service du personnel, un responsable des produits européens et un responsable des achats sont séquestrés 24h au siège du groupe (un cinquième, directeur des ressources humaines mais cardiaque, a été relâché sous les huées au bout de neuf heures). A leur sortie contre le paiement des 3 jours de grève, ils repartent négocier à la direction départementale du travail (DDT).
6 avril : Sous la pression de la base, les délégués syndicaux renoncent à se rendre à l’Elysée.
7 avril : Nouveau round de négociation à la DDT, sous la pression de 200 manifestants lançant oeufs et pétards, qui avaient auparavant fait une opération péage gratuit. La direction propose désormais 600 licenciements (dont 400 secs) et 50 millions d’euros pour le plan social en échange d’un aménagement du temps de travail.
15 avril : Les ouvriers rejettent le plan en AG et installent des piquets de grève, plus un campement devant l’usine à Echirolles malgré les flics.
16 avril : Les salariés empêchent les élus du CE de se rendre à une énième réunion avec la direction. Neuf ouvriers du site de Grenoble passent au tribunal en référé pour « entrave à la liberté du travail ». A Echirolles, l’usine est désormais protégée par les CRS.
17 avril : Huit ouvriers du site d’Echirolles passent au tribunal pour « occupation illicite des locaux ». Tous sont condamnés à 200 euros par infraction.
20 avril : Le pré-accord bouclé la veille entre syndicalistes et direction au ministère des Finances est présenté à la maison du CE. La colère explose, ils sont insultés. A 14h30, 200 ouvriers empêchent physiquement les délégués du CE de revoir la direction à la DDT, à coups d’oeufs et de pétards dans la gueule. 400 salariés au chômage partiel reprennent aussi le travail ce jour-là, quelques autres sont en grève. Le référendum sur le pré-accord est suspendu.

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