ANTIFASCISME…

Les récentes agressions perpétrées par un groupe de nazillons ont reposé la question de la lutte contres les néo nazes qui ressortent de leurs caves ces derniers temps. Ces actes ne constituent pas une nouveauté à Reims, des faits tragiques se sont produits cesdernières années, qui ont vu des bandes de jeunes proches de l’extrême droite passer de la provocation à l’homicide.

Le problème c’est que l’opposition à ce phénomène, elle, n’a pas évolué et reste engluée dans ses contradictions. Que des jeunes se révoltent contre l’abjection que représente le racisme c’est plutôt pas mal et même souhaitable mais ne pas connaître son histoire c’est être condamné a la répéter. Le propos qui suit n’a donc vocation qu’a favoriser la discussion et la réflexion pour avancer dans la lutte et pas a établir un jugement définitif et méprisant. Nous cherchons des camarades pas des troupeaux.

Un petit peu d’histoire

Depuis le début des années 80, grâce a la stratégie de Mitterand qui institua la pro-portionnelle pour jeter un FN peau de banane sous les pieds de la droite, le parti de Le Pen et fille a pu multiplier ses scores par quinze pour arriver a son apogée à jouer les arbitres électoral en 2002. Mais qui dit apogée dit déclin et la faillite et la désagrégation de l’extrême droite organisée conduit forcement à des phénomènes de groupuscule. Cependant la victoire posthume du FN c’est la lepénisation des esprits, celle-ci a pu s’opérer avec légitimité et efficacité car aucun autre discours de la classe politique institutionnelle n’est venu le contredire. Ajouté à l’effondrement de la gauche gestionnaire et à l’abandon de tout projet de société en rupture avec le capitalisme, les propositions de l’extrême droite ont pu être reprises et ont servi à rendre naturelle la construction d’une société inégalitaire. Plus que jamais c’est bien le Capital et ses institutions qui produisent le racisme.

Quel antifascisme ?

La création en 1984 du premier SCALP à Toulouse deviendra le modèle, dans ses mots d’ordre et ses apparitions, pour toute une partie de la jeunesse liée au mouvement rock alternatif symbolisé par le groupe Berrurier Noir. Le problème c’est que cette histoire s’est transformée en mythe et en référence ultime pour des jeunes qui rêvent de revivre ces moments mais qui ne créent pas leur propre identité culturelle.

Résultat : cet antifascisme là n’est pas loin d’être une attitude esthétique voire une mode. Le manque d’analyse, de débat et de critique est manifeste. Au lieu de s’atta- quer au problème global, on essaie d’en bloquer les effets les plus palpables, l’anti- fascisme devient alors lutte de distraction et sombre dans un folklore qui s’il peut être sympathique reste inefficace. Il se contente d’être un antifascisme vaguement culturel. Il faut aussi souligner que cette tendance culturelle est habilement gérée par toute une masse d’anciens au passé plus ou moins glorieux qui faute de récupérer les dividendes d’un militantisme timide leur confère une aura et à vrai dire une existence sociale. Un autre versant de l’antifascisme qu’on pourrait qualifier de républicain c’est l’appel des 250 en 1990 qui donnera naissance au réseau Ras l’front.

Outre son objectif de récupération politique (l’initiative avait été lancé par des proches de la LCR comme l’opération SOS Racisme en son temps), cet antiracisme là a distillé des méthodes beaucoup moins intéressantes. Le recours a l’Etat comme garant de la liberté crée et renforce le thème « tous et toutes contre le fascisme ». Il masque le processus de fabrication du fascisme en luttant contre ses conséquences et non contre ses causes. Il dédouane le Capital de ses responsabilités et dépolitise le combat antifa en se remettant a l’Etat (interdictions, condamnation judiciaires,…) oubliant ici que loin d’être ennemis ces deux la sont alliés. Résultat : le développement des politiques de « front » entraîne un renforcement des illusions sociales démocrates en participant a l’entretien de l’épouvantail fasciste, en favorisant et en entretenant le consensus répu- blicain (le plus bel exemple c’est l’élection de Chirac en 2002). Cet antifascisme là plus politique est somme toute social démocrate voire contre révolutionnaire.

Alors que faire ?

La tension sociale présente aujourd’hui et qui risque de s’intensifier au cours du dé-veloppement de cette « crise » va certainement remettre ces questions au goût du jour.

Quelques pistes de réflexions.

Le fascisme tire ses origines de la situation qui l’a précédé : l’écrasement du processus révolutionnaire entre 1917 et 1921 par la social démocratie européenne (révolution allemande, italienne, bul- gare…). L’antifascisme occulte cette réalité en identifiant le fascisme comme une « force maléfique » en le réduisant à une réaction irrationnelle sans fondements historique venue d’on ne sait où. Il faut placer la critique de l’Etat au coeur de l’analyse du processus de fabrication des autoritarismes que nous subissons au quotidien.

Si l’antifascisme consiste à renforcer la « démocratie » dans une tentative de l’opposer au fascisme en proposant une lutte qui aurait comme finalité d’empêcher qu’il [l’Etat] devienne totalitaire, il occulte les antagonisme de classes et perd tout vocation subversive pour se transformer en gardien de la paix sociale. Ce qui importe c’est de construire un mouvement inscrit dans une histoire sociale pour construire un rapport de force qui permette d’obtenir des besoins élémentaires (comme la liberté de circulation par exemple) sans oublier que la finalité c’est d’en finir avec ce monde de merde. Car nous n’avons pas à sauver la république des flics et des patrons, mais à prendre parti dans cette guerre sociale, en y portant le projet d’un autre futur sans « races » ni frontières, sans président ni patries, une société libertaire et égalitaire ou l’on ne verra d’épouvantails que plantés dans les champs. Au final la meilleure façon d’être antifasciste c’est d’être révolutionnaire.

Un vieux scalpeur

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