Intermittents : « Un grand moment de télévision » sur France 2

Mise en ligne : mardi 11 novembre 2003, par Jacques-Olivier Teyssier

Des intermittents se sont invités au journal de 20h de France 2, lundi
10 novembre.

« Enfin de la vraie information ! » lance un des intermittents comme
pour conclure la lecture d’un texte présentant leurs revendications,
lundi 10 novembre, au cours du journal de 20h sur France 2. Hasard du
direct, les intermittents sont apparus à l’écran à la fin d’un sujet sur
la bisexualité du Prince Charles, comme s’ils avaient voulu également
dire « non » aux sujets people.
Mais leur heure n’était pas encore venue.

« On interrompt le journal ! »
Sans doute pour gagner du temps, David Pujadas, sur fond de panneaux «
Quelle justice pour les salariés ? », lance le sujet suivant : « Voilà
et vous le constatez peut-être, avec nous sur ce plateau quelques
intermittents du spectacle ; mais nous allons tenter de poursuivre le
déroulement de ce journal en parlant des élections générales au Japon.
Victoire, mais de justesse, de la coalition au pouvoir. (…) » Les « On
interrompt le journal ! » des intermittents n’y changent rien. Extraits
du reportage : « (…) Le premier ministre sortant reste au pouvoir. Ce
libéral, partisan des privatisations et des déréglementations, a tout de
suite rappelé son credo : « (…) je veux maintenant faire éclore le
bourgeon de la réforme en un bel arbre. » Présenté comme un Thatcher
asiatique il a promis d’accélérer les privatisations mais rien ne dit
que ce programme libéral sera suffisant pour sortir le Japon de la
crise. (…) le taux de chômage est passé de 1 à 5 % de la population
active. Les japonais ne consomment plus assez. (…) »

« privatisations », « déréglementations », « programme libéral », « ne
consomment plus assez », on croirait une liste de thèmes soumis à la
critique d’une plénière du Forum Social Européen.

« Désinformation »
D. Pujadas ne s’y est d’ailleurs pas trompé : « Voilà on reste dans
l’économie et le social avec donc, vous le constatez, cette intrusion
sur le plateau de plusieurs intermittents du spectacle. Nous avons donc
décidé de leur laisser la parole une minute pour exprimer leur
revendications. »
Une représentante des intermittents prend la place de D. Pujadas et lit
un texte. Extrait : « (…) Nous demandons une émission de débat
contradictoire (elle se tourne vers Pujadas comme pour lui adresser
directement sa demande à moins que ce ne soit des reproches) à une heure
de grande écoute sur ces questions.(…) En quatre mois de lutte, on
nous a rarement laissé la parole. (…) » Bref, on a frôlé le fameux «
médias partout, info nulle part », souvent entendu dans les
manifestations de ces derniers mois. Derrière la présentatrice
improvisées, un panneau : « Désinformation ­ Précarisation ­ Disparition. »

Une minute et vingt seconde après le début de l’intervention de la
représentante, D. Pujadas s’impatiente. L’intermittente poursuit. Trente
secondes plus tard, nouvelle impatience de D. Pujadas : « Voilà…. » La
représentante poursuit avec autorité : « Non, non. Un rendez-vous pour
finir : Jeudi 13 novembre à quatorze heure, devant le siège de l’UNEDIC,
80 rue de Reuilly, Métro Montgallet… tous ensembles ! »
Applaudissements. L’intervenante remercie avec un sourire et un geste de
la main D. Pujadas qui répond glacial : « Si vous voulez bien quitter le
plateau. » C’est à ce moment que l’impertinent intermittent conclue : «
Enfin de la vraie information ! » D. Pujadas : « Voilà, si vous voulez
bien quitter le plateau maintenant… maintenant vous êtes contents,
vous avez réussi… » Il se rassoit et referme la rubrique improvisée
qui aura duré 2’50 » : « Et à vous tous qui nous regardez, nous vous
adressons bien entendu nos excuses pour cette intrusion qui n’était, par
définition, pas prévue mais nous avons choisi de donner la parole donc à
ces représentants des intermittents du spectacle. » Un choix tout
relatif, donc.

Et la petite musique reprend ses droits : « On reste dans l’économie et
on referme cette parenthèse avec un des paradoxes du chômage : on manque
de travail mais beaucoup de postes permanents ou saisonnier restent
vacants. Exemple : les ostréiculteurs qui ne savent plus comment faire.
Ils cherchent 3000 personnes pour récolter les huîtres à quelques
semaines des fêtes. »
Suit un reportage dont l’idée générale est en gros « il y a du travail
mais les gens préfèrent toucher les ASSEDIC. »

La page de « la vraie information » est refermée…

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L’intégralité du texte lu pendant le 20h [1]

« Le 26 juin dernier a été signé à l’Unedic un accord sur l’assurance
chômage des intermittents du spectacle qui excluera s’il est appliqué
30000 personnes. Une mobilisation sans précédent durant 4 mois a mis en
évidence le caractère désastreux, inique et illégal de ce protocole. Une
action en justice en cours allait annuler purement et simplement cet
accord. Coup de théâtre : il y a 5 jours le MEDEF et la CFDT ont choisi
de passer en force en reproposant à la signature le jeudi 13 novembre ce
même accord que nous dénonçons sans trêve. Nous sommes donc revenus à la
même situation qu’à la veille du 26 juin.
Nous voulons une véritable réforme négociée avec l’ensemble des
concernés. Nous voulons que nos propositions soient prises en compte.
Nous demandons une émission de débat contradictoire à une heure de
grande écoute sur ces questions. Ce que nous défendons nous le défendons
pour tous.

En quatre mois de lutte, on nous a rarement laissés la parole. Nous
avons beaucoup appris en partageant ce combat. Nous savons que notre
lutte n’est pas catégorielle. En exigeant de nouveaux droits sociaux
pour les salariés à l’emploi discontinu c’est à la précarisation de
l’emploi que nous nous opposons.Ce que nous défendons nous le défendons
pour tous.

Ce gouvernement prétend « réhabiliter le travail » pour mieux exploiter
les travailleurs. Il impose bas salaires et conditions d’emploi
dégradées. Il exclue 850000 chômeurs du droit à l’allocation, veut
détruire l ? allocation spécifique de solidarité et le RMI, instaurer un
RMA qui donnerait aux employeurs l’argent auparavant dévolu aux
allocataires ! Nous n’avons d’autre choix que la résistance, c’est agir
ou disparaître. Ce que nous défendons nous le défendons pour tous.

RDV : Jeudi 13 Novembre à 14 heures devant le siège de l’UNEDIC 80 Rue
de Reuilly m° montgallet »

[1] Le message qui nous a été transmis et qui contenait ce texte avait
pour objet : « Un grand moment de télévision »

Source : http://www.acrimed.org