Il pleut sur Nantes et les manifestants à l’heure ont tous ouvert leur parapluie ou se sont réfugiées sous les abribus ou sous les arbres. Tout le monde à son pardessus et son k-way pour se protéger de cette pluie qui n’en finit plus. Pour les plus frileux, les bistrots servent de refuge ou les cafés et les verres de muscadet permettent de se réchauffer. Un slogan fuse « Le temps est pourrie, le gouvernement aussi », on voit alors quelques sourires. Ca y est le cortège commence à bouger. On regarde autour de soi, la pluie redouble de violence… on se dit que la manif va être pourrie (comme le temps et le gouvernement). Puis, on commence à voir tous ces gens se mettre en marche, les slogans fusent, les banderoles se lèvent… et hop, il nous en faut pas plus pour retrouver le sourire, en plus la pluie commence à s’arrêter. On regarde le cortège défiler, et il n’en finit plus. Quarante-cinq minutes à regarder cette masse compacte et déterminées à ne pas mourir au travail. Beaucoup de professeurs, et d’instituteurs sont là avec la banderole signalant la présence de leur bahut. Et il y en a plusieurs dizaines comme ça. Le personnel ouvrier des lycée et collège n’est pas en reste et on voit des bleues de travail, à coté des blouses des dames de cantine et d’entretien. Tout le secteur public est présent : les profs, EDF-GDF , France Télécom, Le ministère du travail, de l’agriculture, des affaires étrangères, le conseil général, La Poste, les territoriaux, les infirmières, le CHU, l’Université de Nantes, Les ouvriers de la communauté urbaine, ceux de la DDE, les pompiers, la PJJ, et même des policiers… Mais le secteur privé n’est pas en reste. On retrouve pêle-mêle les ouvriers et ouvrières de chez Waterman, la Biscuiterie Nantaise, un gros cortège de chez Airbus, Alsthom, Alcatel, une banderole signale la présence d’ouvriers du Bâtiment, les intermittents sont là, on voit aussi une banderole de la CGT signalant que les employés des supermarchés et de la distribution ont fait le déplacement, les archéologues portent leur Vercingétorix pour signaler leur lutte contre la baisse des budgets, Le port autonome de Nantes-Saint-Nazaire… Beaucoup, beaucoup de personnes de différents secteurs et métiers se sont réunies pour affirmer qu’ils ne veulent plus passer leur vie à se faire exploiter. La retraite est bien méritée, et on ne veut pas attendre encore plus pour commencer à vivre pour soi. Une banderole est tenue par deux hommes en k-way jaune fluo ou on peut y voir un dessin ou un homme est allongée avec une couronne de fleurs et des personnes qui pleurent sur sa dépouille, avec ce commentaire : « La retraite à Soixante-dix ans, les pots de départ vont être plus tristes ».
Tous les syndicats sont là : la CGT, FO, la FSU, l’UNSA, SUD et même… la CFDT, comme quoi la base ne suit pas forcément les directives de Paris et s’y oppose. Des gros cortèges de chaque syndicat sont formés. Cependant beaucoup de personnes défilent avec des personnes de d’autres syndicats et personnes ne cherchent vraiment à être sous la banderole de son syndicat. D’ailleurs beaucoup ne sont sans doute pas syndiqués. Tout le monde parle avec tout le monde. C’est sans doute cela l’unité dans la lutte. On est tous dans la même galère et on en oublie les guéguerres. On sait que pour gagner il faut être tous ensemble. Un seul mot d’ordre 37.5 pour tous et toutes. La grève permet aussi de suspendre le temps de l’asservissement économique et de vivre un peu de bonheur dans la rue.
On se dit que finalement cette journée est quand même bien réussie, même si on est deux fois moins nombreux que la semaine passée. Mais tout va bien : il pleut, et un manifestant mouillé en vaut deux.