Le Figaro vient de publier un article(1) et un édito(2) polémiques sur la
soit disant sécurité des OGM basés sur un rapport « confidentiel » de
l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments (Afssa). Avec une
couverture annonçant triomphalement la « sécurité des OGM » et un
éditorialiste chevaleresque en croisade contre la « soldatesque anti-OGM
», le parti pris du journal semble assumé sans gène (transgénique). Il
semblerait que nous soyons en face d’une belle manœuvre orchestrée via les
éditorialistes du Figaro, mais servant différentes personnes qui restent
dans l’ombre. Beaucoup parierait sur Monsanto, premier bénéficiaire de ce
genre de publicité, mais le jeu est peut être plus subtile, plus
politique…

Tout d’abord il s’agit d’une attaque contre la société civile luttant
contre l’imposition des OGM. Si nous, les membres de la société civile,
souhaiterions répondre de manière argumentée, il nous aurait fallu avoir
accès en même temps à ce rapport de Afssa sensé être public, or au moment
de la parution de l’article il était « secret » et c’est une fuite
« délibérée » qui l’a révélé au Figaro. Le rapport est aujourd’hui
consultable en ligne(3), reste que la méthode est méprisable (voir le
communique de presse de Greenpeace(4)). On voit bien dans l’édito comment
l’opinion publique est traitée avec mépris en opposant la vox populi
ignare et malléable contre les sages de la technosciences détenteurs
uniques du savoir. Ce n’est rien d’autre qu’une basse attaque aux relents
technocratiques reléguant les citoyens aux rangs de « veaux » justes bêtes
à manger du foin transgénique. Le doctorat en science serait-il devenu le
nouveau cens de la démocratie moderne ?

De plus, l’éditorialiste et son papier se sentent pousser des ailes au
point d’affirmer que tous les OGM sont sains pour la santé humaine et
animale alors que le rapport de Afssa ne traite que du maïs MON810 de
Monsanto. Ils finissent carrément en planante en déclarant « les OGM sont
bénéfiques pour la santé », affirmation autoritaire sans aucun fondement,
postichée de guillemets mais sans source, dont même un Dir Com’ de
Monsanto rougirait…

Par ailleurs, d’un point de vue politique, la manœuvre est ouvertement
tournée contre le ministre de l’environnement, JL Borloo, qui se retrouve
en fâcheuse position pour aller défendre le moratoire français devant la
Commission Européenne le 16 février. Une étude scientifique de son propre
pays démonte ses arguments d’ordres sanitaires et vient contredire l’étude
ayant servi à justifier le moratoire 2008. Borloo se retrouve donc
neutralisé à 4 jours de l’échéance : remonter un argumentaire scientifique
en si peu de temps est impossible. Il lui reste cependant les arguments
d’ordre écologique mais la dimension politique du sujet est alors
exacerbée, il aura donc besoin du soutien de l’Etat français.

Si le ministre est techniquement neutralisé, il ne reste plus qu’une
personne pour trancher la question : l’omniprésident Sarkozy. Quelle est
sa marge de manœuvre ?

Soit M. Sarkozy décide de faire le dos rond face à la Commission
Européenne, qui elle même courbe l’échine devant l’Organisation Mondiale
du Commerce, faisant actuellement pression sur l’Europe pour introduire
plus largement les OGM dans les assiettes des consommateurs Européens.
Dans ce cas, si M. Sarkozy décidait de lâcher sur le maïs insecticide
MON810 de Monsanto, il pourrait jouer les victimes du système et se
contenter d’une escarmouche verbale contre la Commission. Ensuite, un tour
de moulin à vent, et la prochaine couverture du Figaro aura déjà fait
oublier le sujet en nous annonçant que le réchauffement climatique ne
s’est pas fait sentir cet hiver… Quelques mois avant les élections
européennes, cela semble un peu rude et tres à droite dans un contexte
socio-économique défavorable.

Soit M. Sarkosy décide de jouir de « sa stature internationale » et de faire
face à la Commission Européenne en défendant le moratoire sans même devoir
proposer d’argumentaire scientifique mais en restant sur les bases
environnementales ayant déjà justifié largement le moratoire en 2008. A
vrai dire la pirouette n’est pas très risquée, l’Autriche la pratique
depuis plus de dix ans et la majorité des Etats membres de l’Union sont
actuellement défavorables à l’introduction des OGM en Europe. En
conservant le moratoire, M. Sarkozy marquerait alors des points « écolo »
tout en réaffirmant son ouverture politique à moindre frais. En effet, pas
besoin de nouvelle reforme sur l’environnement, il suffit simplement
d’appuyer une décision politique prise l’année dernière, qui d’ailleurs
est la seule véritable position forte sortie du Grenelle. La ruse est
facile et tentante, M. Sarkozy aura du mal à résister, surtout qu’il
mettrait au passage un camouflet publique à M. Borloo, autre péché mignon
de notre président.

Observons et voyons qu’elles seront les silhouettes qui sortiront de
l’ombre du Figaro. Dans cette partie, rien ne va plus, mais les jeux ne
sont pas faits, la majorité des citoyens européens reste opposée à
l’alimentation transgénique et la société civile reste plus que jamais
mobilisée.

Combat Monsanto, le 13 fevrier 2009.

(1)

http://www.lefigaro.fr/sciences/2009/02/11/01008-200902…-.php

(2)

http://www.lefigaro.fr/debats/2009/02/12/01005-20090212…-.php

(3)

http://www.afssa.fr/Documents/BIOT2008sa0266.pdf

(4)

http://www.greenpeace.org/france/news/l-afssa-hors-suje…trume