Ma Net : des salariées du nettoyage en lutte pour leur dignité

Le 23 mai 2008 à Paris, des femmes sans-papiers de la société de nettoyage MANET (11ème) se mettent en grève et occupent les bureaux de l’entreprise pour réclamer leur régularisation. Cette lutte s’inscrit dans une vague de grèves de travailleurs sans-papiers initiée et soutenue par la CGT, Solidaires et la CNT en région parisienne.

La grève chez Manet

Elle s’appuie sur la loi du 7 janvier 2008, permettant à certaines conditions la régularisation temporaire de sans-papiers ayant obtenu une promesse d’embauche. Les salariées de MA NET sont entrées en lutte après que l’une d’elle a pris connaissance d’une grève dans un restaurant : elle s’y est déplacée pour rencontrer les militants de la CGT qui l’animaient

Le bouche à oreille entre collègues a permis de mobiliser quelques grévistes (8 femmes et 1 homme), une poignée parmi 200 salarié-e-s. Il y a bien d’autres sans-papier-e-s parmi eux, mais d’après les grévistes, la peur est plus forte que l’espoir suscité par les premiers succès du mouvement. Si cette mobilisation dans l’entreprise n’a pas eu l’effet d’entraînement espéré, elle s’est inscrite dans la durée malgré un mode d’action exigeant : il s’agissait d’occuper jour et nuit le local de la société, et de faire face à la perte de revenus et aux conséquences de ce type d’action sur l’organisation de la vie familiale.

Les premières régularisations n’ont pas affaibli la mobilisation : par solidarité, les régularisé-e-s ont maintenu leur grève et se sont relayé-e-s sur l’occupation jusqu’à aujourd’hui. La présence active d’un collectif de soutien associant syndicalistes, membres d’associations, de partis politiques, et habitants du quartier, a permis de populariser cette action par des actions de rue et un relais médiatique, et d’éviter le risque d’isolement de grévistes engagé-e-s dans une action très minoritaire dans l’entreprise et de longue haleine. A l’instar des autres grèves de travailleurs sans-papiers de cette période, les revendications ayant trait aux conditions de travail et celles concernant la régularisation sont indissociables.

Hawa témoigne

Je suis femme de chambre dans le 17ème. Je fais 3 chambre par heure. Les conditions de travail, c’est pas du tout facile. Tu travailles même les jours de repos ! On t’appelle « j’ai un problème, est-ce que tu peux venir me dépanner ? », tu dis oui, mais à la fin du mois, tu reçois que 489 Euros ! Une fois, j’ai travaillé tout le mois, j’ai eu deux jours de repos seulement dans tout le mois, et j’ai reçu 700 Euros ! C’est trop quoi, alors on a décidé de faire la grève. La régularisation, aussi ça fait partie de la grève, parce qu’être une femme sans-papier, c’est pas facile ! Un sans-papier, il y a des gens qui te regarde comme un criminel. Et quand tu es sans-papiers, le patron il t’exploite très bien ! Très bien ! Il a fait du chantage ici aux filles « comment, tu nous emmerde parce que tu n’as pas de papiers et quand je demande d’aller travailler dans cet hôtel, tu dis que tu es fatiguée ? Si tu n’y vas pas. ». Ils ont dit ça à Mariam ici ! Si tu es sans-papiers, tu dois faire l’esclavage mais les sans-papiers ne sont pas des esclaves, l’esclavage c’est fini ! On est des femmes, mais on se laisse pas faire ! On est dans un pays où l’esclavage ça marche plus. On fait plus ça ici !

Femmes et sans-papiers

Il y a quelques années, les luttes de femmes de chambres d’Arcade ou des sociétés de nettoyage en sous-traitance engagées par Eurodisney soulevaient des questions similaires, et déjà d’ailleurs celle de l’exploitation renforcée des sans-papières. Ces luttes souvent longues et dures, du fait de la violences des rapports de travail dans ces entreprises comme de la ténacité des actrices face au bras de fer engagé avec l’employeur ou à la répression patronale, n’ont pas débouché sur une syndicalisation massive des grévistes.

Elles ont cependant fait émerger sur la scène syndicale une figure inédite de la résistance collective à une exploitation multidimensionnelle : des migrantes salariées des activités de services, des travailleuses souvent précaires sur le plan de l’emploi et juridique, pour lesquelles la contestation syndicale relève de la gageure. A ceci s’ajoûte pour les grévistes de Ma Net l’absence de titre de séjour et toute la vulnérabilité qu’elle implique. Mais cela ne les a pas réduit-e-s au silence, loin s’en faut.

En décembre 2008, 2 grévistes ont obtenu des cartes de séjour, une attend toujours le traitement de son dossier par la Préfecture, 5 ont des récipissés de 3 mois, renouvelables à condition que les conditions de travail à temps plein soient remplies. Or, le patron de Ma Net tente de revenir sur le protocole d’accord qu’il a signé en juillet, mettant ainsi en danger le droit au séjour de ces dernier-e-s. La solidarité est plus que jamais d’actualité !

On peut écouter un interview des grévistes :

http://toulouse.indymedia.org/productions_sonores/monta…g.ogg

Quartiers Solidaires-Belleville Le collectif des sans papiers Paris 19 (CSP19)