UNE ALTERMONDIALISATION EGALITAIRE, FEMINISTE ET LAÏQUE EST-ELLE POSSIBLE
AVEC TARIQ RAMADAN ?
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Tariq Ramadan n’est pas dangereux parce qu’il est le petit fils d’Hassan
al-Banna, fondateur des Frères musulmans à l’origine d’un islam politique
qui a fait des ravages aux quatre coins du monde, mais parce qu’il n’a
jamais pris ses distances avec l’héritage idéologique de cet homme. Il
continue de le présenter comme le « plus influent des réformistes musulmans
de ce siècle »(1), alors que ce réformisme consiste à vouloir revenir aux
fondements de la charia.

Tariq Ramadan n’est pas inquiétant parce qu’il est le frère d’Hani Ramadan,
théoricien islamiste qui approuve la lapidation pour adultère et considère
le Sida comme un châtiment divin, mais parce qu’il juge lui même qu’on ne
peut être musulman et homosexuel, même s’il ne recommande pas de punir les
homosexuels par des châtiments physiques. « Dieu a voulu un ordre.
Et cet ordre, c’est l »homme pour la femme’ et la ‘femme pour l’homme' »
explique-t-il lors de ses conférences devant des jeunes musulmans (2). En
reprenant le Coran de façon littéraliste, il approuve la doctrine de l’ordre
naturel et divin que nous n’accepterions pas de la part d’un intégriste
chrétien.

Incité à se distinguer de son frère, Tariq Ramadan ne le fait qu’avec de
lourdes ambiguïtés. Au lieu de condamner les châtiments corporels et
d’exiger leur abolition, il se contente de proposer un « moratoire total et
absolu, pour nous donner le temps de revenir à nos textes fondamentaux (…)
et de détermine strictement les conditions requises ». Il ne remet pas non
plus en cause le droit d’un homme à user de la violence conjugale, même s’il
souligne que le Coran l’envisage en « dernier
recours »(3).

Tariq Ramadan reconnaît bien l’égalité des hommes et des femmes devant Dieu
mais croit en une complémentarité – et donc en une différence – des sexes
sur le plan social et familial : « L’islam offre un cadre de référence dans
lequel se dessine une conception globale de l’être humain, de l’homme, de la
femme, et de la famille. Deux principes sont essentiels : le premier
fonde l’idée d’une égalité entre l’homme et la femme devant Dieu, le second
celui de leur complémentarité sur le plan social. Selon cette conception,
c’est l’homme qui est responsable de la gestion de l’espace familial mais le
rôle de la mère y est central. »(4)

Tariq Ramadan est un leader fondamentaliste, qui souhaite revenir aux
fondements du Coran. Ses prises de position sont certes préférables aux
recommandations clairement fanatiques de certains islamistes. Mais il se
situe cependant dans une perspective en soi réactionnaire, incompatible avec
une altermondialisation progressiste, car il s’agit de vouloir faire vivre
les hommes et les femmes en fonction d’un livre sacralisé et jugé intemporel
alors qu’il a été écrit il y a plus de 14 siècles. Il existe des courants
musulmans laïques et progressistes, alors pourquoi offrir à Tariq Ramadan un
statut de représentant de l’islam et des musulmans européens ?

Tariq Ramadan se dit laïque, mais il définit la laïcité comme un espace
neutre, devant accueillir toutes les confessions et tous les cultes. C’est
aussi la définition de Christine Boutin. Mais ce ne peut-être celle de
militant/es luttant pour un monde émancipé du fanatisme et donc pour une
laïcité assumée en tant que valeur positive.

Tariq Ramadan ne cache pas son dégoût pour le rationalisme et la modernité,
même s’il prend soin de le déguiser en discours anticapitaliste : « À force
de privilégier la rationalité, l’efficacité et le rendement pour plus de
progrès, nos sociétés sont au bord du gouffre »(5), explique-t-il dans son
livre sur Le Face-à-face des civilisations : quel projet pour quelle
modernité ? Il faut bien comprendre que sa hantise de la modernité ne
concerne pas seulement la marchandisation mais aussi l’évolution des
mentalités sur la famille, à propos de laquelle il explique : « Si la
modernité est à ce prix, on comprendra que tant le Coran que la Sunna
affichent une fin de non recevoir à l’actualisation de cette modernisation. »

Tariq Ramadan n’est pas antisémite mais il donne des listes d’intellectuels
juifs (ou supposés tels) qu’il accuse d’être fanatiquement pro-Israël en
raison de leur identité juive. Que penserait-on de quelqu’un qui
souhaiterait disqualifier les défenseurs des Palestiniens au motif qu’ils
sont « arabes » ou « musulmans » ?

Nous luttons contre le racisme anti-musulmans mais nous refusons le terme
d' »islamophobie », introduit en France par Tariq Ramadan. Il s’agit d’un
concept inventé par les islamistes pour disqualifier les féministes, les
musulmans libéraux et tous ceux qui tentent de laïciser l’Islam en les
faisant passer pour des racistes alors qu’ils sont simplement laïques et/ou
critiques vis-à-vis des dogmes religieux. Nous revendiquons le droit d’être
antiracistes et critiques vis-à-vis des religions. Les religions sont des
idéologies humaines. La plupart du temps, elles ont servi à légitimer
l’inégalité sociale et à opprimer les humains, tout particulièrement les
femmes.

Pour toutes ces raisons, nous refusons de considérer Tariq Ramadan comme un
allié et nous continuerons à défendre une altermondialisation égalitaire,
féministe, rationnelle, moderne et laïque.

Collectif féministe pour une altermondialisation laïque

Contact presse ProChoix : 01 43 73 35 25
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À lire :
Caroline Fourest, Fiammetta Venner, Tirs croisés. La
laïcité à l’épreuve des intégrismes juif, chrétien et
musulman, Paris, Calmann-Lévy, 2003

Leila Babès, « L’identité islamique européenne d’après
Tariq Ramadan », Islam de France, n°8.
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Notes
(1) RAMADAN Tariq, Etre musulman européen, étude des sources islamiques à la
lumière du contexte européen, Tawhid, 1999, 460 p
(2) RAMADAN Tariq, La conception islamique de la sexualité. Innocence,
responsabilité et maîtrise, cassette audio diffusée par les éditions Tawhid
(3) Le Courrier, Genève, 13 novembre 2002
(4) GRESH Alain, RAMADAN Tariq, L’Islam en questions, Arles, Actes Sud,
2002, p. 280.
(5) RAMADAN, Tariq, Islam, le face-à-face des civilisations. Quel projet
pour quelle modernité ?, Tawhid, p. 25-26.

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Une version pdf du tract est disponible à l’adresse
mail du Collectif féministe pour une altermondialisation laïque :
à prochoix@prochoix.org