On a d’abord pensé aux banques, dont les activités de spéculation ont conduit à la crise mondiale, mais ce n’était pas pratique parce qu’on a besoin d’elles pour faire marcher la machine financière et ce n’était pas très efficace parce que elles ne font pas suffisamment peur car même si on est convaincu qu’elles nous volent de l’argent, elle font partie d’un quotidien qu’on a accepté depuis longtemps. On pourrait aussi se servir d’une minorité pour jouer le rôle d’épouvantail mais cela à déjà été fait par les nazis et ils n’ont plus tellement bonne réputation, alors très peu de personnes en France accepteraient de suivre un gouvernement qui rendrait les juifs responsables de tous les maux de la société. Reste les islamistes mais ils ont déjà beaucoup servi ces derniers temps et à défaut d’attentats qui leur soit imputable en France cela devient de moins en moins crédible. La situation est grave. Si on ne trouve pas des coupables maintenant, si on ne trouve pas un ennemi contre lequel on puisse fédérer tout le monde sous l’égide de notre état bien aimé, la société court à sa perte. Les gens en ont marre d’aller tout les jours travailler sans savoir s’ils vont pouvoir toucher une retraite, ils acceptent difficilement qu’on retire des sous aux œuvres sociales, qu’on supprime des postes de profs, qu’on sape la sécurité sociale alors qu’on fait des cadeaux fiscaux aux plus riches et qu’on débloque des milliards pour les banques. Ce qu’il nous faudrait, c’est une bonne guerre. Ou mieux, la résurgence d’une menace terroriste.
Aujourd’hui, nous, citoyens patriotes membres du comité Malaussène, acceptons de jouer ce rôle et de nous sacrifier pour le bien être de la société. Oui, nous acceptons de jouer le rôle de l’ennemi intérieur, de l’épouvantail, du mal personnifié. L’ouragan Katrina, c’était nous, le tsunami c’était encore nous, la pédophilie c’est nous. Nous allons sortir dans la rue, nous allons crier, nous allons hurler, nous allons pleurer. Nous allons penser aux années que nous avons passé à satisfaire les caprices de nos patrons, nous allons penser à nos amis qui sont enfermé en prison, sacrifié sur l’autel de la raison d’état, nous allons penser a celles et ceux qui souffrent partout dans le monde des guerres que l’on mène pour « défendre les intérêts français », et puis nous allons casser une ou deux vitres et lancer rageusement deux ou trois cailloux contre les boucliers des CRS. Et vous, spectateurs anonymes des affrontements médiatiques vous pourrez nous traiter de casseurs, vous pourrez vous indigner du manque d’éducation qu’on a reçu, vous pourrez souhaiter des sanctions exemplaires à l’encontre de toutes celles et ceux qui, comme nous, violent les règles de l’ordre établi. Et puis, vous oublierez les souffrances du labeur et puis vous oublierez les humiliations que vous endurez chaque jour et puis vous dormirez en paix.

Pour le salut de la France, le comité Malaussène.