NOUS DEMANDONS JUSTICE, PAS DES EXCUSES
lundi 19 janvier 2009 (01h57)

Appel à participer au procès des tortionnaires qui ont assassiné Engin Ceber, le vendeur du journal de gauche « Yürüyüs ». L’ouverture du procès aura lieu ce mardi 21 janvier 2009 à la 14ème Chambre de la Cour d’assises de Bakirköy à Istanbul. Site officiel de la commission d’observation du procès : www.enginceber.org

NOUS DEMANDONS JUSTICE, PAS DES EXCUSES

Le 28 septembre 2008, Engin CEBER a été arrêté pour avoir participé à une conférence de presse. Au commissariat où il a été emmené, il a subi la torture. Bien que les rapports médicaux aient établi qu’il a subi la torture, à la demande du procureur, le juge a émis un mandat d’arrêt à son encontre sur l’accusation de rébellion contre la police. Par contre, nul n’a ressenti le besoin d’enquêter sur les allégations de torture.

Engin CEBER n’en était encore qu’au début de son long supplice. Après la police, le 29 septembre 2008, c’était au tour des gendarmes de le torturer et ce, durant les procédures d’admission à la prison de Metris, à l’entrée même de l’établissement. Engin a ensuite été mis en isolement, séparé de ses amis avec lesquels il avait été arrêté et privé de parloirs avec sa famille et son avocat. Il fut à la merci des gardiens jusqu’au 7 octobre 2008. Le 10 octobre 2008, il est mort à l’hôpital où il a été emmené sans que personne n’ait été averti.

Le rapport d’autopsie et d’autres documents médicaux ont démontré qu’Engin a subi la torture sans interruption du 28 septembre 2008 au 7 octobre 2008.

L’enquête diligentée suite à sa mort a été menée par celui qui est pourtant l’un des responsables de la mort d’Engin, à savoir le directeur de la prison. Par ailleurs, les autorités se sont empressées de cacher la vérité à l’opinion publique d’abord au motif de “décision de confidentialité”, ensuite par ordre “d’interdiction de publication”.

Bien que les preuves trouvées dans le dossier d’enquête aient éclairé les faits avec précision, les tortionnaires n’ont pas été longtemps inquiétés. Lorsque, sous la pression de l’opinion publique, les autorités se sont résolues à citer les suspects, ces derniers ont été poursuivis pour “coup et blessures volontaires” car ce crime est plus avantageux du point de vue de la prescription et de la durée de la peine.

A l’issue de l’enquête, 39 gardiens, 3 directeurs, 13 policiers, 4 gendarmes et un médecin soit au total 60 accusés, ont été traduits en justice pour avoir tué un homme par la torture, pour l’avoir maltraité, pour l’avoir blessé délibérément, falsifié des documents officiels, abusé de leur pouvoir et n’avoir pas déclaré le crime.

Face aux réactions de l’opinion publique dont les plus importantes étaient celles des barreaux et des associations juridiques, le magistrat a lancé une procédure contre un directeur et 3 gardiens “pour homicide entraîné par la torture”. Les autres tortionnaires ont été en revanche poursuivis pour “mauvais traitements” et “blessures volontaires”. Aucun de ces accusés n’a été poursuivi pour “crime de torture” en tant que tel. Le crime de torture manifeste à été converti en “mauvais traitements” et “blessures volontaires”. En réalité, les gendarmes tortionnaires ont été accusés de blessures volontaires et les policiers tortionnaires, des mauvais traitements.

Par conséquent, à l’exception d’un directeur et 3 gardiens, les 56 inculpés s’en tireront avec des peines allégées en jouant sur la durée, car en raison de leur nombre, ils pourront bénéficier de nombreux reports. Cela signifie que même si la Cour condamne les accusés selon les crimes imputés dans l’acte d’accusation, les bourreaux resteront impunis.

Bien qu’elle figure parmi les crimes contre l’humanité, qu’elle soit décrite comme un crime dans la législation nationale et que l’on se soit engagé à prendre les mesures nécessaires pour sa prévention par la signature de traités internationaux, la torture est une pratique qui ne cesse de progresser. Car malgré les promesses de “tolérance zéro” à la torture et les modifications législatives, la torture est protégée du point de vue légal, administratif et pratique. Les tortionnaires et les responsables de la torture ne sont pas traduits devant la justice et lorsque cela arrive, ils ne sont pas punis proportionnellement au crime commis. Certains mécanismes institutionnels sont constitués dans le but de les protéger de toute punition et de toute sanction. A tous les crimes de tortures dont nous avons été témoins en Turquie et dont aucun ne nous a échappé, vient s’ajouter ce nouveau cas d’impunité..

Le procès relatif au meurtre d’Engin CEBER par tortures viole tous les règles juridiques élémentaires. L’opposition démocratique a forcé le parquet à faire un pas en arrière et à lancer des poursuites contre les gardiens qui ont causé la mort, avec l’accusation d’homicide par tortures. Mais cette opposition n’a pas encore réussi à faire traduire les policiers, les gendarmes et les gardiens tortionnaires devant le tribunal selon les dispositions légales qui sont à la hauteur du crime. Tous ces faits montrent que la punition des tortionnaires ne sera possible que grâce à la poursuite effective des efforts de cette opposition.

Pour cela, il faut préalablement effectuer une remise en question approfondie de l’ordre établi et demander des comptes à tous ceux qui se gardent d’arrêter le policier qui avait tiré sur Ferhat GERCEK, mais qui en revanche autorisent l’arrestation et la mise à mort d’Engin.

Pour Engin, pour la justice, nous appelons tous les barreaux, toutes les associations juridiques, toutes les ONG et toutes les personnes qui s’opposent à la torture à participer au procès qui commencera le 21 janvier 2009, à la 14ème Chambre de la Cour d’assises de Bakirköy.

Association des avocats progressistes

Section d’Istanbul

Commission d’observation du procès d’Engin Ceber