Les 24, 25 et 26 octobre 2003 s’est tenu à Iruña (ville située au Pays
Basque, plus connue sous le nom de Pampelune) le quatrième d’une série
de hackmeetings espagnols, initiée à Barcelone en octobre 2000 et
poursuivie les années suivantes à Bilbao puis à Madrid.

Ceux-ci s’inscrivent ouvertement dans la continuité des hackmeetings
italiens, qui ont désormais lieu chaque année dans des centre sociaux
autogérés (le plus souvent squattés) et travaillent à la rencontre de
deux univers: l’un politique, militant et libertaire, l’autre
informatique, technique et logiciel libre. Et comme l’indique le site du
rassemblement d’Iruña, « ce n’est pas seulement un rendez-vous de
hackers. Ce n’est pas non plus seulement un rendez-vous de gens
intéressés par les aspects sociaux des nouvelles technologies. C’est un
rendez-vous de gens intéressés par les nouvelles technologies et par
leurs aspects sociaux, et qui se réalise dans un espace libéré, le CSOA
(Centre Social Okupé Autogéré) de Pampelune, plus connu sous le nom de
« Iruña Gaztetxe ».

Fidèle aux précédentes éditions, cette quatrième rencontre a changé de
nom pour l’occasion: de « Madhack’02 » à Madrid l’année passée, le
hackmeeting est devenu « Hack3ña », ceci témoignant d’une volonté de
prendre l’environnement d’acceuil en considération, et, peut-être, de
s’imprégner de ses particularités (l’affiche de cette année faisait
explicitement référence à la pelotte basque, sport traditionnel
emblématique de l’identité culturelle du pays).

ESPACE D’ACCEUIL

En basque, « Gaztetxe » signifie « maison de la jeunesse », et il en existe
dans toutes les principales villes basques. Dans la majorité des cas,
cependant, celles-ci n’ont rien à voir avec les « MJC » que nous
connaissons, et se sont constituées de manière autonome, sous
l’impulsion des jeunes du coin et autres habitant-e-s, rejetant la
volonté de gestion des mairies, et occupant, autogérant des structures
par elles/eux-mêmes.

C’est dans cette tradition que s’inscrit le Gaztetxe d’Iruña, qui
squatte depuis maintenant 9 ans les anciens locaux d’une école de
pelotte basque, et a du faire face, à ses débuts, à une violente
tentative d’expulsion par la police: les flics démolissant plusieurs
murs du bâtiment pendant que les occupant-e-s résistaient depuis les
toits. Malgré cela, le lieu a tenu, les squatteureuses ont reconstruit
et l’endroit propose aujourd’hui diverses activités fort appréciées du
quartier: un bar/restaurant y est ouvert quotidiennement, et sert de la
nourriture végétarienne provenant de producteurs bio locaux, et
notamment de communautés rurales autogérées installées à proximité; une
gigantesque cours intérieure abrite l’un des derniers terrains de
pelotte basque des environs, ainsi que des concerts et autres
manifestations; une salle de cinéma propose régulièrement des
programmations; un infokiosk distribue littérature militante, presse
paralèlle, fanzines et musiques indépendantes lors de ses permanences.

ORGANISATION

Le début de Hack3ña était fixé à vendredi en fin d’après-midi, avec
quelques premiers ateliers. Dès jeudi, des personnes ont commencé à
arriver de toute l’Espagne pour préparer: installation d’un espace
machines; mise en place d’une connexion à Internet (via deux lignes
ADSL), création d’un réseau local (.hm) relié au net, proposant divers
services en interne comme des serveurs DNS, FTP, IRC, un proxy HTTP
ainsi qu’un proxy APT (une sorte de miroir Debian), accessible depuis
divers endroits du squat via cables/switchs ou ondes radios/points
d’accès wireless; distribution des salles pour les nombreux ateliers
proposés; constitution d’un point d’acceuil; etc.

Comme c’est le cas en Italie, l’organisation du hackmeeting ne repose
pas particulièrement sur un hacklab ou collectif local, mais est assumée
par un ensemble d’individus et de groupes venant d’un peu partout, se
coordonnant depuis plusieurs mois par le biais une liste de discussion
sur Internet (hackmeeting@sindominio.net) ouverte à tou-te-s. Les
participant-e-s/organisateurs-trices y voient la matérialisation de leur
désir d’autogestion et de libre-participation, la liste constituant une
assemblée permanente et un outil de transparence, permettant aux bonnes
volontés de prendre le train en marche sans difficulté.

Autre outil collaboratif utilisé en appuis de la liste: le wiki,
permettant à quiconque de modifier le contenu de la page oueb en
question, et donc d’ajouter son atelier ou son idée, de corriger une
erreur ou d’inscrire son nom dans une liste de choses à faire. Sur
place, diverses tâches comme l’acceuil des arrivant-e-s et la tenue du
bar ont été gérées grâce à un simple tableau affiché dans le hall, dans
lequel se sont inscrit-e-s les volontaires. Par contre, c’est le
collectif cuisinier de Gaztetxe qui a assuré la bouffe durant les 3
jours, servant des repas végatariens succulents. Un planning, donc, mais
aussi une assemblée d’organisation pour déterminer quelques points plus
précis vendredi après-midi et permettre aux arrivé-e-s de s’intégrer,
suivie, le dimanche, par une assemblée de cloture, sur laquelle je
reviendrai.

AMBIANCE

C’est donc vendredi soir que la plupart des gens sont arrivés et que le
hackmeeting a commencé, regroupant jusqu’à 250 personnes, toutes
originaires des diverses régions d’Espagne, à quelques rares exceptions
près. Les laptops se sont progressivement faits plus nombreux dans le
café, se mêlant aux habitué-e-s, dont certain-e-s, intrigué-e-s de cette
soudaine présence informatique dans le lieu, ont entendu avec intérêt
les anargeeks leur expliquer le pourquoi du comment de leur événement,
la nécessité de détruire Microsoft et de révolutionner le monde de
l’informatique en même temps que la société!

Cette sociabilité, cette propension à s’engager dans des discussions,
cette envie de partager, de bidouiller et d’avancer collectivement sont
sans doute parmi les éléments les plus marquants de ce hackmeeting, tant
ils diffèrent de l’individualisme voire de l’isolement qui marquent
souvent les cultures digitales plus au nord. Car outre les ateliers,
débats et conférences, ce hackmeeting fut un forum informel permanent,
se faisant le support d’échange de savoirs et de curiosités,
d’enthousiasmes collectifs et de laptops partagés. L’ambiance était à
la rencontre et à la découverte, et si l’on pouvait trouver des gens
occupés à coder isolément sur leur machine, la plupart des ordinateurs
étaient entourés de groupes de gens geekant collectivement. Et avec ou
sans machine, le hackmeeting était aussi l’occasion de faire la fête –
odeurs de hashich et vapeurs de bière, musique dansante et performances
visuelles se succèdant.

Un hackmeeting qui a témoigné de diverses manières de sa créativité, et
pas seulement sur les écrans: grandes banderoles déployées sur la façade
du squat pour annoncer l’événement, prôner l’utilisation de GNU/Linux
(avec une belle reproduction de Tux, le pingouin-mascotte de Linux), ou
dénonçer les nouvelles lois espagnoles sur la copie privée (LSSI);
pochoirs, décos artisanales et autres signes Debian taillés dans le
plastique des boitiers de PC, ordinateurs montés dans des valises, etc.

ATELIERS

L’appel à Hack3ña était baptisé « call 4 nodes », au lieu du traditionnel
« call for papers », dans l’idée de visibiliser la pluralité des
interventions possibles, et de ne pas limiter les moments formels à de
banales conférences ou exposés. Contrairement à nombre d’événements dont
le contenu dépend (quasi)-exclusivement de prestigieux et couteux-ses
intervenant-e-s extérieur-e-s, l’accent a été mis sur l’initiative
individuelle (et collective) des participant-e-s, qui ont proposé
quantité d’ateliers – trop pour que tous puissent être réalisés pendant
la durée de la rencontre – sur des thèmes et avec des formes
diversifié-e-s: atelier de fabrication d’antennes pour des réseaux
sans-fil autonomes, logiciels libres en langue basque, anatomie de virus
et de vers, présentation d’un site de recherche scientifique
collaboratif (Autonomia Situada) visant à libérer le savoir des griffes
industrielles et des contraintes universitaires, atelier/discussion
« hack the media », découverte des outils multimédia sous GNU/Linux
(alternatives logicielles pour lire/enregistrer/éditer sons, images et
vidéos), discussion à propos du réseau Indymedia par certain-e-s de ses
acteurs et actrices réuni-e-s à l’occasion de ce hackmeeting,
performance « are you a cyberpunk v2.0 », présentation de la
mini-distribution X-Evian (CD bootable basé sur Debian, permettant
l’exécution d’un système GNU/Linux fonctionnel sans qu’aucune
installation ne soit requise sur l’ordinateur, réalisé dans le but
d’offrir un outil simple, flexible et multimédia aux militant-e-s),
débat « propriété intellectuelle/propriété industrielle », démonstration
de vidéo-mixing live et streamé via internet (grâce au logiciel libre
« puredata » – `apt-get install pd` -, qui semble actuellement faire
fureur dans certains hacklabs espagnols), tentative de visio-conférence
avec un hackmeeting ayant lieu simultanément en Colombie (mais des
problèmes de bande passante et de stabilité du lien internet ont rendu
la chose difficile), présentation de techniques d’authentification sur
les réseaux sans-fils, réflexion/discussion/préparation d’actions de
résistance au WSIS (World Summit of Information Society – se tenant à
Genève en décembre 2003, à l’occasion duquel/contre lequel sera organisé
un hacklab à l’échelle européenne), entre autres projections vidéos et
ateliers improvisés sur la cryptographie ou le noyau Linux 2.6.

Seul « invité » de ces 3 jours, Ricardo Dominguez de l’Electronic
Disturbance Theatre (USA), venu présenter sa pratique de la
désobéissance civile électronique et des manifestations en ligne,
préconisant la recherche d’actions et de communications se plaçant sur
le terrain du virtuel, la rue étant devenue trop prévisible et contrôlée
par l’état policier.

Enfin, événement non négligeable de cette rencontre: la tenue le samedi
soir, comme l’année passée, de l’édition espagnole des Big Brother
Awards, événement international récompensant les plus hautes figures de
la société sécuritaire, consacrant divers exploits en matière de
fichage, de surveillance et autres manoeuvres de suppression des
libertés.

HACKING THE STREETS

Vendredi en fin de journée, le bruit a couru dans l’assistance qu’une
manifestation se préparait. Effectivement, en début de soirée, une foule
d’une soixantaine de personnes s’est rassemblée devant le squat aux sons
de sifflets, derrière deux grandes banderoles titrant « Hack your brain –
okupa te mente | hack in dezagun » et « Reality Hacking – or el derrcha a
experimentar libremente », mots clefs du Hack3ña, dont le logo représente
un cerveau traversé par une flèche cassée, signe traditionnel des okupas
(squats).

L’idée ainsi exprimée est de revendiquer le hack comme une posture
politique, agissant contre la pensée dominante. En se réappropriant
notre cerveau et en l’usant librement, indépendamment – ou contre – les
contraintes imposées par la société, nous pouvons créer des espaces de
réflexions, de pratiques, de vie autonomes, à la manière des expériences
de squats autogérés menées depuis quelques dizaines d’années. La
revendication de « reality hacking » va également dans ce sens, et tente
de sortir le hack du strict domaine du virtuel, en le voyant comme une
propension à la curiosité, à l’audace, à l’intelligence et à l’action, à
mettre en oeuvre dans tous les aspects de la vie quotidienne. Hacker,
c’est ainsi utiliser et détourner les nouvelles technologies – mais pas
seulement – pour réaliser une autre société!

Après quelques minutes de stationnement devant Gaztetze, le cortège
s’est ébranlé, et a bruyamment parcouru quelques rues du centre-ville,
au son de slogans pour les logiciels libres, contre les brevets
logiciels (actuellement soumis à l’appréciation de la Commission
Européenne), contre les lois sécuritaires bridant l’accès à
l’information et un nouveau dispositif espagnol taxant la copie de CD
(LSSI). Brève pause sur une place malgré le froid et discours au
mégaphone, puis retour au hackmeeting après une petite demie-heure de
manifestation.

L’année dernière déjà, la rencontre de Madrid avait inauguré le concept
de « hack-manif » avec succès, concrétisant l’envie de mélanger cultures
digitale et militante, et montrant que si l’informatique alternative
peut apporter aux luttes sociales, les modes de contestation de ces
dernières peuvent aussi être mises à profit dans le combat des logiciels
libres! Enfin, une image inhabituelle et dynamisante: celle d’un membre
d’asturiawireles.net levant son antenne sans-fil en l’air en scandant un
slogan, comme le poing levé d’autres manifestant-e-s!

APT-GET INSTALL IT

On n’a pu manquer d’être frappé, en se ballandant dans le hackmeeting,
par l’omniprésence de Debian. Il y a fort à parier que 99% des machines
présentes à la rencontre utilisaient Debian GNU/Linux comme système
d’exploitation, avec quelques exceptions pour Gentoo GNU/Linux et divers
dérivés de BSD, mais, quoi qu’il en soit, aucun Microsoft Windows à
l’horizon ;)

Un choix de Debian considéré comme évident, et semblant faire partie
intégrante du « mouvement »: pour l’excellence technique de cette
distribution, pour son respect scrupuleux de la philosophie des
logiciels libres, et pour son indépendance, Debian étant la seule
distribution majeure exclusivement réalisée par des bénévoles sans
rémunération – au total plus de 1000 programmeurs/euses collaborant et
s’organisant librement via internet – tandis que d’autres, comme
Mandrake ou Red Hat Linux, sont désormais des sociétés commerciales
côtées en bourse, faisant la course aux numéros de versions et aux
clients.

Un parti-pris pour Debian marqué par la présence d’un apt-proxy sur le
serveur (pour mutualiser le téléchargement de mises à jour depuis
l’internet), par la vente de t-shirts Debian (à 7€) et autres badges, et
souvent relayé par la conversation (« tu es sous Debian, bien sûr? »).
Voilà un autre point commun avec les hackmeetings italiens – du moins
celui de juin à Turin -, lors duquel, outre la présence de t-shirts
« apt-get install anarchy », on pouvait flairer une motivation très
debianiste.

L’HEURE DU BILAN

Le hackmeeting devait se terminer dimanche après-midi, après quelques
ateliers, un dernier moment de repas et une assemblée « bilans et
perspectives », suivie d’un grand ménage collectif. Sur l’ensemble des
personnes présentes, force est de constater que pas mal sont parties
avant cela, mais c’est néamoins une soixantaine de personnes qui s’est
retrouvée pour l’assemblée.

L’occasion d’évoquer les points positifs et négatifs de ces quelques
jours passés, avec, parmi les regrets exprimés, une série de problèmes
logistiques, comme l’exiguité de la principale salle machines (qui était
vraiment petite, ne permettant guère qu’à 30 personnes maximum de s’y
installer), la saturation totale du dortoir et la difficulté à combattre
le froid intense, malgré quelques gros chauffages de chantier. Mais
aussi des réflexions concernant l’accessibilité de l’événement, qui n’a
que difficilement permi aux non-initié-e-s que s’intégrer, et le souhait
d’avoir à l’avenir des espaces de démonstration clairement délimités,
ainsi que d’offrir la possibilité aux personnes locales d’amener leur
machine pour y installer Debian en étant accompagnées.

S’en est suivi un gros débat sur l’endroit ou se déroulera le prochain
hackmeeting, mais surtout, plusieurs interventions de femmes évoquant la
disproportion du nombre d’hommes par rapport à elles, et constatant une
concentration des savoirs les plus techniques par les mecs. En
conséquence de quoi, plusieurs femmes ont proposé d’entamer une
réflexion sur la visibilisation des femmes au sein des hackmeetings,
l’une d’elles évoquant la possibilité d’ateliers d’échange de savoirs
entre femmes. Au cours du hackmeeting, plusieurs filles avaient proposé,
via affichage sur le programme mural, de se réunir autour de leur
pratique des médias indépendants, de l’accès aux technologies et aux
médias, et, avec un point d’interrogation, du cyberféminisme – rencontre
qui semble avoir impulsé une volonté, au moins de leur côté, de prendre
en considération la question du genre dans les pratiques informatiques
dissidentes.

Enfin, il fut brièvement question d’une connexion possible entre le
hackmeeting et deux autres projets existants, bien que mis en sommeil
ces derniers temps: l’idée d’un « transnational hackmeeting » et le réseau
« plug’n’politix ». Le premier projet vient d’Italie, et, prenant acte de
la culture particulière émergeant du mouvement des hackmeetings italiens
et espagnols de ces dernières années, souhaite l’exporter pour en faire
profiter d’autres pays dans lesquels de telles dynamiques n’existent
pas. Simultanément, il s’agit de s’enrichir par l’échange avec d’autres
contextes et expériences, mais aussi de réfléchir à la répression
électronique et politique qui frappe l’Europe toute entière avec
l’émergence tous azimuts de lois particulièrement liberticides (dans la
lignée des LSQ et LSI françaises), et, peut-être, d’y faire face
collectivement! Le second projet, « plug’n’politix », vise à la
continuation d’un réseau d’échange entre divers cybercafés squattés,
hacklabs et autres espaces publics expérimentant une hybridation entre
le technique et le politique. La première rencontre a eu lieu à Zurich
en octobre 2001, et une prochaine pourrait suivre dans les mois
prochains.

Puis fin d’assemblée enthousiaste avec la promesse de continuer à
discuter sur la liste et de se retrouver, au-revoirs divers, et quelques
groupes de gens s’affairant à nettoyer et démonter. Très vite, le lieu
s’est vidé, et en fin de journée, le hackmeeting était terminé.

SO WHAT?

La « culture » des hackmeetings telle qu’elle se constitue depuis quelques
années en Espagne et depuis 5 ans en Italie me semble particulièrement
intéressante, en ce qu’elle matérialise l’articulation des dimensions
techniques et politiques du hack et des logiciels libres, idées qui,
quand elles ne sont pas carrément ignorées ou condamnées (par la
mouvance « open-source », notamment), sont souvent plus théorisées que
pratiquées. Au cours de ces dernières années s’est ainsi profilé un
véritable « mouvement » qui semble s’inscrire dans la durée. Mais le
hackmeeting est aussi le reflet d’une multiplicité d’initiatives
locales, auxquelles il donne une visibilité et qu’il contribue à
dynamiser par la mise en réseau avec d’autres initiatives similaires (à
la suite des premiers hackmeetings, une dizaine de hacklabs se sont
constitués dans toute l’Espagne!). Et si l’intérêt du hackmeeting est
d’exprimer une identité particulière et novatrice, il est aussi d’être
un support à des pratiques collectives de sociabilité (informatisée ou
non), d’échange et de collaboration, d’auto-organisation.

Néamoins, certains éléments nettement moins enthousiasmants posent
question. Les interventions de femmes lors de la réunion de cloture ont
mis le doigt sur des réalités: l’inégale répartition des savoirs
techniques et la sous-représentation des femmes dans le milieu. Ces
constats ne sont certes pas spécifiques à l’Espagne, le milieu de
l’informatique (alternative ou pas) demeurant incontestablement dominé
par les hommes. Il est cependant frappant de constater combien les
problématiques (cyber)féministes ont été absentes des questionnements
mis en avant pendant cette rencontre là. Absence d’autant plus gênante
que si l’accès à l’informatique est rendu difficile aux femmes par les
rôles sociaux imposés en société (qui réservent majoritairement les
filières scientifiques et l’usage des techniques aux hommes), il va de
soi que l’exclusion des femmes dépend directement du comportements des
hommes du milieu. En tant que mecs anargeeks, hackeurs, militants,
bidouilleurs ou simples utilisateurs, il urge de prendre conscience de
la façon dont nous aussi contribuons à interdire aux femmes l’accès à
ces passions. A commencer par comprendre, accepter et laisser de
l’espace aux initiatives d’auto-organisation des femmes en ce domaine,
comme celle des « genderchangers » à Amsterdam, qui organisent diverses
formations techniques et ateliers par et pour des femmes – idée qu’on
aussi émises des participantes à Hack3ña, à mettre en place la prochaine
fois.

Un autre bémol concerne les réunions, qui se sont avérées plutôt
chaotiques, et donc forcément inégalitaires, les uns coupant facilement
la parole aux seconds, les autres entamant d’autres conversations, le
tout créant parfois un capharnaum obligeant certain-e-s à hausser le
ton. Et si les assemblées se sont déroulées en parfaite amicalité, dans
une atmosphère des plus décontractées, la spontanéité et la rapidité des
échanges ont néamoins bénéficié, comme toujours, à quelques experts de
la parole, qui se sont souvent longuement exprimés, alors que d’autres
ne se sont pas du tout manifesté-e-s. Or, la volonté égalitaire
inhérente à ce type de de manifestation devrait pousser à une réflexion
sur les modes de discussion et les processus de décision! Une assemblée
de 70 personnes ne peut permettre à la diversité des opinions de
s’exprimer et à tou-te-s les individu-e-s de participer qu’en mettant en
place des techniques de discussion: distribution de la parole, synthèse
régulière par un-e modérateur/modératrice, division éventuelle en petits
groupes pour permettre un confort d’expression avant synthèse des
différents groupes de discussion, codes visuels pour signifier
l’approbation, circulation des rôles de modération, etc. Ces diverses
formes de débat ont été réfléchies, expérimentées et mises à profit par
des collectifs libertaires depuis des années, et notamment lors
d’événements internationaux (camp No Border de Strasbourg en juillet
2002) pour de grandes assemblées.

M’est avis que ces éléments manquants pourraient faire l’objet
d’échanges intéressants dans le cadre d’un hackmeeting transnational,
qui permettrait la rencontre de la tradition sociale commune à l’Italie
et à l’Espagne qui dénote tant des contextes rencontrés habituellement,
des acquis organisationnels d’autres collectifs européens qui me
semblent correspondre à l’impératif d’horizontalité, et des expériences
féministes menées par des collectifs informatiques de femmes
(d’Allemagne, d’Angleterre et de Hollande, notamment) qui, je l’espère,
pourraient faire avancer la prise de conscience et l’action sur ce sujet
essentiel qui laisse tant à désirer.

En attendant, pas besoin d’événement pour mettre à profit les
inspirations récoltées au contact de ce hackmeeting dans nos initiatives
propres, et à créer des dynamiques d’échange autour des divers problèmes
rencontrés! Et si seules l’Italie et l’Espagne semblent à ce jour avoir
vu hackeureuses et militant-e-s se fédérer de la sorte, il est quelques
initiatives en France en ayant repris des éléments: à Paris, les
« rencontres européennes des contre-cultures digitales » Zelig (décembre
2000) et ZeligRC2 (décembre 2002), la rencontre hexagonale No-Zelig
(janvier 2002) revendiquée comme hackmeeting, mais aussi quelques
premiers ateliers d’informatique squattés, qui ne sont pas sans rappeler
les hacklabs, avec la création en octobre 2001 de PRINT (hébergé à
l’espace autogéré des Tanneries de Dijon), puis de Blouk Blouk à Lyon en
mai dernier, sans oublier DGEDOR (« Des Gens Et Des ORdinateurs
Révolutionnaires »), brève expérience menée en mars 2003 au feu-squat
parisien RDC. Ainsi que le collectif GNU-Banquise à Nice, l’association
Avataria à St-Etienne, et les divers collectifs se constituant
actuellement en France autour d’Indymedia. Autant de projets dont la
mise en réseau des savoirs et envies laisse entrevoir quantité de
possibilités… avec à la clef, pourquoi pas… un hackmeeting, avec ou
sans ce nom là?

le 28/10/2003,
darkveggy@squat.net

LIENS

Hack3ña hackmeeting: http://sindominio.net/hackmeeting/
Photos et CR (en castillan): http://euskalherria.indymedia.org/fr/2003/10/10413.shtml
Infos sur « Gatzetxe »: http://sindominio.net/poto/punkplona/hmg.html
Hackmeetings italiens: http://hackmeeting.org/
Hackmeetings espagnols (liste): http://sindominio.net/mailman/listinfo/hackmeeting
Wiki de Hack3ña: http://sindominio.net/hackmeeting/wiki/
Autonomia Situada: http://sindominio.net/autonomia_situada/
X-Evian: http://www.e-oss.net/x-evian/
Hackmeeting colombien: http://www.geocities.com/bogojaq03/bogojaq.htm
Ricardo Dominguez: http://www.thing.net/~rdom/
Big Brother Awards Espagne: http://www.bigbrotherawards-es.org/
Debian GNU/Linux: http://www.debian.org/
Transnational Hackmeeting: http://autistici.org/mailman/listinfo/thk
Plug’n’Politix: http://squat.net/pnp/
Genderchangers: http://genderchangers.org/
Zelig Conf: http://www.zelig.org/00_zeligconf
ZeligRC2: http://www.zelig.org/
No-Zelig: http://no-zelig.org/
PRINT: http://print.squat.net/
Blouk Blouk: http://bloukblouk.squat.net/
RDC (DGEDOR): http://rdc.squat.net/
GNU-Banquise: http://gnu-banquise.org/
Avataria: http://www.avataria.org/
Indymedia France: http://france.indymedia.org/